(Tbilissi) Des dizaines de milliers de Géorgiens ont manifesté lundi à Tbilissi à l’appel de l’opposition pro-européenne, pour protester contre des élections législatives selon eux « volées » par le gouvernement, dont 13 ministres de l’Union européenne ont dénoncé le déroulement.
Publié à 6h30
Mis à jour à 13h15
Romain COLAS
Agence France-Presse
Voix européenne discordante, le Premier ministre hongrois Viktor Orban, proche de Moscou, s’est rendu le même jour en Géorgie pour soutenir les autorités, un pied de nez à l’UE, dont son pays assure la présidence tournante.
Massée dans la soirée devant le Parlement, au centre de la capitale, deux jours après un vote remporté par le parti au pouvoir Rêve géorgien, la foule s’est toutefois dispersée deux heures après le début du rassemblement.
Dirigé par le milliardaire Bidzina Ivanishvili et dirigeant la Géorgie depuis 2012, Georgian Dream est accusé par l’opposition de s’être engagé dans une dérive autoritaire pro-russe et d’éloigner cette ancienne république soviétique du Caucase de la perspective d’une adhésion à l’Union européenne et à l’Otan.
Au son de l’hymne européen, les manifestants ont brandi des drapeaux géorgiens, européens et parfois ukrainiens, ont constaté des journalistes de l’AFP. Sur la pancarte d’un jeune manifestant, cette injonction : « Comptez nos votes, ne les changez pas ». « La Géorgie vote pour l’Union européenne », lit-on dans un autre.
Dans un entretien accordé lundi à l’AFP avant de se rendre à la manifestation, la présidente géorgienne Salomé Zourabichvili, en rupture avec le gouvernement, a estimé que les méthodes pour fausser le vote avaient été similaires à celles utilisées en Russie.
“Il est très difficile d’accuser un gouvernement”, “mais la méthodologie est russe”, a déclaré le chef de l’Etat.
Le porte-parole de la présidence russe, Dmitri Peskov, a déclaré « rejeter fermement » ces allégations d’ingérence, accusant M.moi Zourabichvili de « tentatives de déstabilisation » de son propre pays.
Le Premier ministre géorgien, Irakli Kobakhidzé, a pour sa part assuré que la « priorité principale » de Tbilissi restait « l’intégration européenne » et « espérer un redémarrage des relations » avec Bruxelles, après de fortes tensions ces derniers mois.
La visite « prématurée » d’Orban
« La Géorgie est un État conservateur, chrétien et pro-européen. Au lieu de sermons inutiles, elle a besoin de notre soutien sur son chemin européen», a tweeté dès son arrivée Viktor Orban, qui a rapidement salué samedi la «victoire écrasante» du rêve géorgien.
A cet égard, les ministres des Affaires étrangères de 13 États membres de l’UE, dont la France, l’Allemagne et la Pologne, ont « critiqué » le voyage « prématuré » à Tbilissi du chef du gouvernement hongrois, dans un communiqué commun publié lundi soir.
Ils ont également déploré la « violation des règles internationales » lors des élections législatives en Géorgie qu’ils ont jugées « incompatibles avec les standards attendus » d’un pays candidat à l’adhésion à l’Union.
A l’unisson de Washington, ces ministres ont également exigé « une enquête impartiale » sur leurs progrès, tout en avertissant qu’il était « important que les manifestations et en particulier la réaction du gouvernement à leur égard restent pacifiques ».
Selon des résultats quasi définitifs, Georgian Dream, aux affaires depuis 2012, était crédité lundi matin de 53,92% des voix, contre 37,78% pour la coalition d’opposition.
Des résultats rejetés samedi par l’opposition comme Mmoi Zourabichvili, selon qui l’utilisation pour la première fois en Géorgie du vote électronique a notamment contribué à fausser le résultat : on a retrouvé le même numéro de carte d’identité correspondant à « 17 voix, 20 voix, dans différentes régions », a-t-elle ainsi affirmé, également évoquant des méthodes plus traditionnelles telles que l’achat de voix et la pression.
« Peurs » à propos de la Russie
L’une des composantes de l’opposition, la Coalition pour le changement, a annoncé qu’elle renonçait à ses mandats parlementaires afin de ne pas « donner de légitimité » au vote.
L’opposition, qui avait initialement revendiqué sa victoire sur la base des sondages à la sortie des urnes, compte désormais sur la mobilisation de ses partisans dans la rue.
Mais “le Rêve géorgien maintient une base solide en jouant efficacement sur les craintes d’une menace imminente de guerre” contre la Russie, note auprès de l’AFP l’analyste politique Ghia Nodia, qui s’attend à ce que le gouvernement lance désormais une “attaque à grande échelle contre les opposants, la société civile et médias indépendants ».
La Géorgie a été secouée en mai par de vastes manifestations contre une loi sur « l’influence étrangère », inspirée de la législation russe sur les « agents étrangers » mise en œuvre pour écraser la société civile. Cette mobilisation n’a pas suffi à provoquer l’abandon de ce texte.
Bruxelles a ensuite gelé le processus d’adhésion à l’UE et les États-Unis ont pris des sanctions contre les responsables géorgiens.
Certains dirigeants du Rêve Géorgien sont également très critiques à l’égard des Occidentaux. Bidzina Ivanishvili les a qualifiés de « parti de la guerre mondiale ».
La Géorgie est marquée par sa défaite dans une brève guerre en 2008 avec la Russie et la menace d’une nouvelle invasion, similaire à celle de l’Ukraine, est un argument qui trouve un écho auprès de la population et pour lequel Georgian Dream a défendu ses arguments. campagne.
Moscou dispose de bases militaires dans deux régions séparatistes géorgiennes dont le Kremlin a reconnu l’indépendance : l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud.