Démystifier la science | La bataille contre le bruit

Démystifier la science | La bataille contre le bruit
Démystifier la science | La bataille contre le bruit

Chaque semaine, notre journaliste répond aux questions scientifiques des lecteurs.


Publié à 00h46

Mis à jour à 5h00

Le bruit ambiant est-il plus fort qu’avant ?

Francine Ringuet

Si l’on se fie aux données européennes, les seules qui remontent dans le temps, le nombre de personnes exposées à des bruits nocifs a augmenté de 2007 à 2017.

Mais les recherches sur le sujet se multiplient, ainsi que les appels à des restrictions en Amérique du Nord.

“Nous ne pouvons pas savoir si le bruit augmente au Canada et aux États-Unis car il n’existe pas de mesures systématiques et comparables”, explique Richard Neitzel, hygiéniste environnemental à l’Université du Michigan.

“Il n’y a de données que dans l’Union européenne, puis une mesure adoptée en 2003”, ajoute-t-il.

M. Neitzel dirige une vaste étude, lancée en 2019, qui mesure le bruit ambiant à l’aide des écouteurs Apple. Baptisée Apple Hearing Study, elle rassemble plus de 160 000 Américains issus de 50 États, et a déjà permis de mesurer la réduction du bruit ambiant au début de la pandémie.

Quant aux données européennes, elles montrent qu’entre 2007 et 2017, la proportion de la population urbaine exposée à plus de 55 décibels (ce qui correspond à une conversation entre plusieurs personnes) est passée de 15 % à 21 % lorsqu’on parle de bruit routier.

Les chemins de fer et les aéroports dérangent beaucoup moins de personnes, mais là aussi, il y a une augmentation. Seul le bruit industriel (celui qui provient des usines, des sites de fabrication, des chantiers de construction) n’a pas augmenté dans les villes européennes.

Pas seulement entendre

Au cours de la dernière décennie, de nombreuses études ont confirmé ce que soupçonnaient depuis longtemps les spécialistes de ce domaine mal-aimé de la santé publique : les effets du bruit sur notre santé n’affectent pas seulement l’audition.

«Le bruit augmente le risque de problèmes cardiovasculaires, de diabète et d’autres problèmes métaboliques», explique Hugh Davies, hygiéniste industriel à l’Université de la Colombie-Britannique.

Nous avons étudié les ouvriers des scieries. Ils sont plus susceptibles de mourir des conséquences cardiovasculaires d’une exposition prolongée au bruit que d’un accident avec les machines qu’ils utilisent.

Hugh Davies, hygiéniste industriel à l’Université de la Colombie-Britannique

M. Neitzel a publié des études en 2015 et 2017 démontrant que les coûts des problèmes cardiovasculaires provoqués par le bruit aux Etats-Unis s’élèvent à « plusieurs milliards de dollars par an ». Ceux des atteintes auditives sont 10 à 20 fois plus élevés. « Mais nous sous-estimons probablement grandement les dommages cardiovasculaires et métaboliques provoqués par le bruit », insiste-t-il.

Selon l’Union européenne, parmi les facteurs environnementaux à l’origine de problèmes de santé, le bruit arrive en deuxième position, derrière la pollution atmosphérique, mais devant la contamination chimique des aliments et des eaux aquatiques.

Musique

Autre sujet de recherche fécond : la différence entre les bruits indésirables et ceux que l’on s’impose volontairement, comme la musique.

« Quand j’étais adolescent, de nombreux experts s’inquiétaient des dommages auditifs que subiraient tous les utilisateurs de Walkman. Mais nous n’avons pas constaté cet effet», note M. Neitzel.

Avec l’engouement généralisé observé depuis 10 ans pour les écouteurs, cette crainte est-elle légitime ? “Avec l’Apple Hearing Study, nous voulons également voir si l’écoute de médias avec des écouteurs provoque des dommages auditifs et aussi si cela a des effets cardiovasculaires ou métaboliques”, répond M. Neitzel.

Vous avez une question scientifique ? Écrivez-nous

Apprendre encore plus

  • 50 %
    Risque accru d’hypertension lié à une exposition pendant 30 ans, dans une scierie, à un environnement de travail dépassant 85 décibels, ce qui équivaut au bruit émis par une tondeuse à gazon

    Source : médecine du travail et de l’environnement

  • 47 %
    Risque accru d’hospitalisation associé à une perte auditive

    Source : Association américaine de santé publique

  • 46 %
    Augmentation des coûts de santé associés à la perte auditive

    Source : Association américaine de santé publique

 
For Latest Updates Follow us on Google News
 

PREV Un réchauffement supérieur à 1,5°C aurait des conséquences « irréversibles »
NEXT L’ONU refuse l’entrée de l’Arabie saoudite au Conseil des droits de l’homme