Procès pour viol à Mazan | “Trois minutes, ce n’est pas un viol…”

Mazan. Petite communauté du Vaucluse, France, au pied du Mont Ventoux. Les lieux, les villages voisins sont paisibles, d’une beauté tranquille. Le week-end, les petites routes sont investies par des cyclistes vêtus de Lycra aux couleurs vives, venus affronter le Géant de Provence. Caromb, Modène, Mormoiron, Vénasque et Carpentras, la ville, plus loin. La douceur de vivre est dans l’air.


Publié à 00h42

Mis à jour à 7h00

C’est ici qu’habitaient Gisèle et Dominique Pelicot. C’est de là que sont originaires les 50 violeurs dont le procès se déroule non loin de là, à Avignon. Des hommes ordinaires. Pompier, boulanger, électricien. De 25 à 71 ans. De bons citoyens. On est dans la France des gilets jaunes, du petit peuple.

Depuis 10 ans, ils se sont inscrits sur le site « À son insusu », créé par Dominique Pelicot. Depuis 10 ans, pour certains à plusieurs reprises, près de 90 hommes au total ont pris rendez-vous, ont garé discrètement leur véhicule à quelques pâtés de maisons du domicile et sont allés, en connaissance de cause, violer une femme d’une soixantaine d’années, amorphe, droguée par son mari qui filmait tout. . Chacun a ses propres activités après le dîner. Chacun a sa propre culture. Culture du viol.

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PHOTO MANON CRUZ, REUTERS

La victime présumée, Gisèle Pelicot, au procès de son mari lundi à Avignon

Le stratagème aurait continué encore et encore sans la vigilance d’un agent de sécurité d’un centre commercial qui a surpris Pelicot en train de filmer sous les jupes des femmes, puis l’intuition d’un policier qui a eu l’idée de fouiller les jupes des femmes. fichiers numériques du voyeur.

Stupeur.

Les viols sont documentés, les faits avérés. Gisèle, stupéfaite, découvre l’indicible, l’inconcevable.

Son mari, l’homme de sa vie, l’a droguée et l’a livrée à des inconnus. Le mal absolu, dans sa forme la plus banale, la plus procédurale : prendre rendez-vous, s’inscrire, arriver à l’heure, pour aller abuser d’une pauvre femme ligotée chimiquement.

Rapidement, au procès, Pélicot a avoué, mais a invoqué le prétexte de la santé mentale. Il aurait subi des abus dans sa jeunesse. Comme si tous ceux qui avaient subi des abus devenaient des monstres. Le trouble mental a un dos large. Il est souvent convoqué à propos dans ce type de cas. Il faut plutôt regarder (oui, je sais, ça paraît idéologique) du côté de l’aspect patriarcal du couple et de la famille, matrices parfaites lorsqu’elles sont poussées jusqu’à l’horreur dans leur dysfonctionnement.

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PHOTO ZZIIGG, ARCHIVES REUTERS

Croquis d’audience de l’un des accusés et époux de la victime présumée, Dominique Pelicot

Mais Pélicot a surtout atteint ses objectifs en pratiquant la soumission chimique sur Gisèle. C’est aussi pour cela qu’elle a souhaité rendre son témoignage public. Avec l’aide d’une infirmière, le mari a mis au point une recette qui lui a permis d’assommer Gisèle. Ce qu’il a fait était systémique. Une petite embarcation aux rouages ​​bien huilés.

Nous sommes, ici, au courant de la drogue du viol. Aucune femme ne laisse son verre sans surveillance dans un bar. La police et les locataires sont conscients des dangers du GHB. La soumission des produits chimiques pose déjà un certain problème au Québec.

La soumission chimique a été « perfectionnée » à un degré rarement atteint par Pélicot, mais c’est la même intention de se soumettre, de contrôler un individu, que révèle le procès Mazan.

Gisèle a raison : il faut porter la question du carcan chimique sur la place publique. Ce ne sont pas les drogues qui violent, mais les violeurs.

Les viols surviennent donc avant, mais aussi après 2017, année de la révélation de l’affaire Weinstein, du début de #metoo, #metoo, et en France, du mouvement #balancetonporc. Les agressions sexuelles sont dénoncées partout. Et sans l’arrestation fortuite de Pélicot, cela aurait continué après 2020. Autant dire que sa petite entreprise d’exploitation du corps de Gisèle a complètement échappé au séisme #metoo. Au droit, à la morale, à la dignité, mais AUSSI à l’un des mouvements de sensibilisation les plus puissants de notre époque !

L’opprobre contre les harceleurs, les agresseurs, les violeurs n’a donc pas pénétré jusqu’à Mazan, même dans cette France ordinaire ?

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PHOTO GEOFFROY VAN DER HASSELT, AGENCE FRANCE-PRESSE ARCHIVES

Peinture murale de l’artiste Maca_dessine en soutien à la victime présumée des viols de Mazan, Gisèle Pelicot, à Gentilly, France

Je tente une explication. Lors de la première vague de dénonciations, le mouvement #metoo concernait principalement les milieux culturels et médiatiques. Cela s’est passé chez les bobos.

La majorité pourrait regarder cela et dire que cela ne les concernait pas. L’affaire Pélicot et le procès révèlent que la culture du viol existe en France. Dans tous les horizons. Les yeux s’ouvrent enfin.

Et pourtant, même avec des preuves filmées, 35 des 50 accusés nient, disent que Gisèle était une libertine, qu’elle faisait semblant de s’endormir, que son mari était consentant ! L’un des hommes a déclaré : « Trois minutes, ce n’est pas un viol. » Plusieurs femmes, qu’elles soient compagnes, mères ou sœurs des accusés, ont choisi de soutenir leurs hommes, « victimes » dans cette affaire. Et les commentaires sur les réseaux sociaux sont loin d’être tous bienveillants envers Gisèle Pelicot.

Stupeur, nausée, puis découragement.

J’aimerais voir de l’espoir à la fin de cette histoire. Quelque 200 hommes ont écrit une lettre ouverte au Monde montre que ce ne sont pas seulement les féministes qui sont révulsées par tout cela. Mais le « boys club » n’est jamais bien loin. Ils ne sont évidemment pas tous Dominique, mais nous sommes tous, même un peu, Gisèle.

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