Naviguer sur une mer agitée pour Gaza

À Istanbul, ces jours-ci, trois Québécois attendent vendredi d’embarquer à bord de la Flottille de la Liberté en direction de Gaza, aux côtés de plusieurs centaines d’humanitaires, de journalistes et de bénévoles provenant d’une trentaine de pays. Et même sans tempête en mer, la traversée s’annonce houleuse.


Publié à 2h05

Mis à jour à 7h00

Leur mission humanitaire poursuit trois objectifs : briser le blocus israélien, livrer 5 500 tonnes de nourriture, de matériel médical et de produits d’hygiène à la population palestinienne en détresse et lui offrir une lueur d’espoir.

« Nous n’allons pas en guerre. Nous voulons simplement transporter du matériel médical, de la nourriture, du lait en poudre pour bébés à Gaza. Ce que nous voulons faire n’a rien d’extraordinaire», m’a dit l’épidémiologiste Nimâ Machouf, jointe par WhatsApp à Istanbul, qu’elle a hâte de quitter.

C’est très, très simple. Nous montons à bord du bateau. Nous naviguons. Nous y allons. Nous déposons et revenons.

Nima Machouf

Si tout se passe bien, la flottille, dont le départ a déjà été reporté en raison de fortes tensions diplomatiques et de pressions politiques, quittera la Turquie le 26 avril et devrait arriver au large de Gaza quatre jours plus tard. Mais si le passé peut servir de guide pour l’avenir, ce ne sera pas si simple.

En 2010, une initiative similaire s’était soldée par un carnage et une crise diplomatique avec Ankara, après une attaque des commandos de l’armée israélienne contre une flottille de six navires, qui avait fait dix morts.

Depuis, avec la punition collective qui a suivi les attentats meurtriers du Hamas du 7 octobre, nous ne naviguons pas exactement dans des eaux plus calmes dans la région. Qu’est-ce qui fait croire à Nimâ Machouf qu’il pourrait en être autrement cette fois pour la flottille ?

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PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

Nimâ Machouf, au début du mois, lors d’une conférence de presse avant son départ pour la Turquie

« La situation politique, peut-être. Espérons-le… Avec les bévues que l’armée israélienne a commises en tuant par exemple les volontaires de l’organisation World Central Kitchen. Le fait que cette même armée ait détruit plusieurs hôpitaux et tué quelque 15 000 enfants sous prétexte de se défendre contre le Hamas. Le fait qu’il ne reste presque plus rien de la Palestine… La communauté internationale s’est néanmoins réveillée. Le gouvernement israélien était – évidemment avant l’attaque de l’Iran – à son plus bas niveau de soutien international de la part de ses pays alliés. »

Le fait que la flottille, dont les membres documentent leur action en direct sur les réseaux sociaux, reparte sous les yeux du monde entier, avec à son bord de nombreux journalistes, donne également confiance à ses humanitaires dans leur capacité à réussir leur mission.

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PHOTO KHALIL HAMRA, PRESSE ASSOCIÉE

Chargement d’un navire de la Flottille de la Liberté

« Nous ne sommes pas armés. Nous sommes non-violents. Nous le disons à tout le monde : il n’y a pas de Hamas sur le bateau. Et ce n’est pas au Hamas que nous allons fournir ce matériel. Il n’y a donc aucune excuse de la part d’Israël qui pourrait justifier d’entraver l’acheminement de cette aide », ajoute Nimâ Machouf, précisant que les autorités internationales ont été invitées par l’organisation de la flottille à vérifier elles-mêmes les bateaux pour éviter tout soupçon.

Parmi les humanitaires qui font partie de la coalition internationale, on trouve des ressortissants de plusieurs pays amis d’Israël, dont les États-Unis.

Cela pourrait exercer une pression énorme sur Israël, qui serait mal avisé de nous tuer, disons…

Nima Machouf

Le droit international exige que les belligérants protègent les travailleurs humanitaires. Mais cette obligation est tragiquement bafouée depuis le 7 octobre. « Il y a plus de 200 travailleurs humanitaires tués en Palestine. Est-ce normal? Bien sûr que non. Cela n’a aucun sens ! »

Dans une lettre adressée à la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, la délégation canado-québécoise de la flottille a demandé à Ottawa de protéger sa mission1. Interrogée à ce sujet par Anaïs Barbeau-Lavalette, porte-parole au Québec de la délégation, la ministre s’est engagée mercredi à donner suite à sa demande.

«Nous ferons un suivi, mon équipe et moi, auprès des organisateurs de la flottille», a-t-elle déclaré en entrevue à la radio Radio-Canada, affirmant que le Canada est toujours prêt à soutenir les initiatives humanitaires.

Après la découverte de charniers à Gaza cette semaine et l’horreur qui s’y développe jour après jour, de nombreux citoyens se sentent impuissants.

La flottille vise à surmonter ce sentiment d’impuissance en acheminant de l’aide et en brisant le siège que Gaza subit non seulement depuis le 7 octobre, mais depuis 2007.

Nima Machouf

Mardi, une jeune Palestinienne tout juste arrivée de Gaza est allée à la rencontre des membres de la flottille à Istanbul. Elle a livré un témoignage émouvant, raconte Nimâ Machouf.

« Elle n’a que 15 ans et elle dit que c’était la troisième guerre qu’elle vivait. Elle a vu des membres de sa famille mourir, son quartier détruit, son école détruite. Elle nous a dit : « Perdre tout ce qu’on aime est une chose. Mais ce qui nous fait aussi énormément mal, c’est ce sentiment d’avoir été abandonnés par le monde entier. Parce que tout le monde voit les horreurs qui sont commises en Palestine. Mais personne ne dit rien. » »

Voir des citoyens d’une trentaine de pays prendre la peine de se mobiliser pour briser cette indifférence fait, sur le plan humain, beaucoup de bien, a ajouté la jeune femme, qui a quitté la délégation en larmes.

Si la flottille ne parvient pas à livrer sa marchandise, elle aura au moins le mérite de redonner aux Palestiniens une petite dose d’espoir dans un océan d’indifférence.

1. Lisez « Protéger la mission de la Flottille de la Liberté »

« À leurs risques et périls »

Bien qu’Ottawa demande « de permettre et de faciliter le passage rapide et sans entrave de l’aide humanitaire pour les civils dans le besoin, conformément au droit humanitaire international », Affaires mondiales Canada recommande aux Canadiens d’éviter « tout voyage non essentiel » à Gaza, en Cisjordanie et en Cisjordanie. Israël, citant le conflit armé régional et la situation sécuritaire imprévisible. En réponse aux demandes de la délégation québécoise de la Flottille de la Liberté, il a été précisé que les Canadiens qui choisissent néanmoins de voyager dans la région « le font à leurs risques et périls ».

« La situation sécuritaire le long de la côte méditerranéenne de la bande de Gaza reste dangereuse. La marine israélienne patrouille régulièrement dans cette zone et les forces de sécurité israéliennes continuent d’intercepter les tentatives visant à briser le blocus naval israélien », a déclaré par courriel Jason Kung, porte-parole d’Affaires mondiales Canada, mercredi soir.

 
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