Les murs qui séparent les territoires ont un objectif « défensif », « politique » et « filtrant » – rts.ch

Les murs qui séparent les territoires ont un objectif « défensif », « politique » et « filtrant » – rts.ch
Les murs qui séparent les territoires ont un objectif « défensif », « politique » et « filtrant » – rts.ch

Entre Berlin-Est et Berlin-Ouest, les Etats-Unis et le Mexique ou l’Iran et l’Afghanistan, des territoires sont murés depuis des millénaires. Mais la défense n’est pas le seul objectif de ces murs, explique Damien Simonneau, qui a publié un essai sur le sujet, à Tout Un Monde.

Les murs, qui peuvent aujourd’hui être à la fois physiques et technologiques, existaient déjà à l’époque romaine. Le mur d’Hadrien, construit pour protéger la frontière nord de la province romaine de Bretagne (aujourd’hui la Grande-Bretagne) des attaques des « barbares », et la Grande Muraille de Chine en sont des exemples anciens.

Alors qu’il n’existait qu’une douzaine de ces murs à la fin de la guerre froide, on en compte aujourd’hui une soixantaine à travers le monde, comme entre la Hongrie et la Serbie, entre les États-Unis et le Mexique ou entre l’Inde et le Bangladesh.

>> Lire aussi : Les murs frontaliers sont de plus en plus nombreux dans le monde

Les murs contemporains sont également des filtres de mobilité transfrontalière désirable et indésirable.

Damien Simonneau, maître de conférences en science politique à l’INALCO et auteur d’un essai sur les murs

Selon Damien Simonneau, maître de conférences en science politique à l’INALCO, tous les murs n’ont pas une fonction purement défensive, même ceux du passé. « C’étaient aussi des lieux de tri (…) Il y avait des interactions entre les citoyens romains et les ‘barbares’ au niveau du limes (frontières de l’époque romaine qui servaient à se protéger des invasions et à contrôler les flux de personnes et de biens, ndlr) », expliquait-il mardi sur Tout Un Monde.

Le mur séparant le Mexique et les États-Unis à Ciudad Jurarez. [Anadolu via AFP – DAVID PEINADO]

« Les murs contemporains ne sont pas seulement des outils défensifs. Ils servent aussi de filtres à la mobilité transfrontalière souhaitée – par exemple pour des raisons économiques – et indésirable – pour des raisons de sécurité, de contrebande ou d’immigration illégale », poursuit-il.

Pour les Israéliens, le mur entre Israël et la Cisjordanie a permis de maintenir à distance une population considérée comme dangereuse. Pour les Palestiniens, il s’agit d’un outil d’occupation supplémentaire.

Damien Simonneau, maître de conférences en science politique à l’INALCO et auteur d’un essai sur les murs

Une perception différente

La perception de ces murs varie selon le côté où l’on se trouve, explique l’invité de la RTS. Par exemple, celui qui a été érigé entre Israël et la Cisjordanie en 2002 porte « un nom différent en hébreu et en arabe », explique-t-il. Les Israéliens l’appellent Geder HaBitachon, ou « barrière de sécurité », tandis que les Palestiniens l’appellent Jidar al-Fasl al-‘Unsuriyy, ce qui signifie « mur de séparation raciale » ou « mur de l’apartheid ».

« Pour les Israéliens, cette barrière leur a permis de s’éloigner d’une population considérée comme dangereuse, notamment avec la multiplication des attaques terroristes de groupes palestiniens. Mais pour les Palestiniens, c’est un outil supplémentaire d’occupation qui les oblige à passer par des checkpoints, notamment pour aller travailler », explique Damien Simonneau.

Le mur séparant l’Iran et la Turquie [Anadolu via AFP – OZKAN BILGIN]

L’expert ajoute que ce mur sert aussi des « objectifs politiques » pour les Israéliens. « Le Premier ministre qui a décidé de le construire, Ariel Sharon, a dit que c’était un projet populiste. Il était vraiment conscient qu’il rassurerait la population (…) en donnant l’illusion d’offrir la sécurité. »

Pour le mur européen, Viktor Orban s’appuie sur des termes extrêmement identitaires (…) comme « le fait de préserver, dit-il, les racines chrétiennes de l’Europe »

Damien Simonneau, maître de conférences en science politique à l’INALCO et auteur d’un essai sur les murs

Les murs politiques

Le mur peut aussi être utilisé pour défendre l’identité : c’est par exemple l’argument du Premier ministre hongrois Viktor Orban à propos du mur destiné à protéger la civilisation européenne, selon lui. « Il s’appuie sur des termes extrêmement identitaires pour convaincre de la nécessité de construire un mur entre son pays et la Serbie en 2015, comme « préserver, dit-il, les racines chrétiennes de l’Europe ». Il s’en prend évidemment en même temps aux musulmans », explique le conférencier qui cite aussi le « même jeu identitaire de Donald Trump à l’égard de l’immigration mexicaine ».

>> Sur les murs en Europe, on peut lire : Douze pays de l’UE veulent des barrières contre les migrants

Pour « comprendre les murs dans nos sociétés démocratiques », il est essentiel de considérer le contexte qui les entoure, notamment les discours qui les justifient, souvent teintés de repli identitaire, et qui peuvent parfois « flirter avec des idées racistes, xénophobes ou anti-migrants », résume Damien Simonneau.

Propos recueillis par Patrick Chaboudez

Article Web : Julie Marty

 
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