L’étonnant virage pro-nucléaire de Bruxelles

L’étonnant virage pro-nucléaire de Bruxelles
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L’Union européenne ne financera jamais de centrales nucléaires », a glissé sans équivoque à La galerie, il y a quelques mois, spécialiste reconnu des questions énergétiques sur le Vieux Continent. Vraiment ? Il semble difficile aujourd’hui d’en être aussi sûr. En quelques semaines, les cartes ont été rebattues, au point qu’une bonne partie des Vingt-Sept partent désormais au front pour défendre cette énergie peu émettrice de CO2.

Mais pas seulement. Même la présidente de la Commission européenne, l’Allemande Ursula von der Leyen, a changé de braquet. Tout un symbole : celui qui a fait de l’atome un tabou, préférant « énergies renouvelables ” et le ” efficacité énergétique », a non seulement assisté au Sommet nucléaire européen organisé hier à Bruxelles, mais y a défendu la fission de l’uranium :

« Les technologies nucléaires peuvent jouer un rôle important en faveur d’une énergie propre. […] Face au défi climatique, les pays doivent soigneusement réfléchir à leurs options avant de renoncer à une Source d’électricité facilement disponible et à faibles émissions. L’expansion du parc nucléaire actuel est l’un des moyens les moins coûteux d’assurer une production d’électricité propre à grande échelle», a déclaré l’ancienne ministre d’Angela Merkel lors de l’événement organisé par Bruxelles. et l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA)qui a réuni une trentaine de pays pronucléaires (une quinzaine d’Européens dont la France, les Etats-Unis, la Chine et le Brésil).

Un camouflet pour son pays, l’Allemagne, qui a fermé ses dernières centrales nucléaires à la fin des dernières années, malgré l’importance du charbon et du gaz dans son mix électrique. Et qui devrait ravir les Etats favorables à la construction de nouveaux réacteurs, menés par la France.

Nucléaire : la France aborde le sujet brûlant du financement international

Tabou

Mais jusque-là, Ursula von der Leyen avait pour habitude d’éviter le sujet. Lors de son discours sur l’état de l’Union, le 13 septembre, elle n’a pas prononcé le mot « nucléaire » une seule fois, et pour discuter de l’importance de réduire les risques de « guerre nucléaire « .

L’année précédente d’ailleurs, le chef de l’exécutif bruxellois n’avait évoqué cette Source d’énergie que pour évoquer la fermeture des réacteurs pour cause de sécheresse, et l’occupation par les forces russes de la centrale ukrainienne. Zaporizhia. Même esquive dans son discours sur la stratégie énergétique de l’UE prononcé quelques jours plus tôt, dans lequel seulement « énergies renouvelables » ont été mentionnés comme « sources d’énergie à faible teneur en carbone.

Et ce tabou s’est reflété dans les différents textes proposés par la Commission, depuis le fameux Green Deal, le vaste plan climat présenté en début de mandat, jusqu’à RePowerEU (censé aider l’Europe à ne plus dépendre du gaz russe). , dont la directive RED sur les énergies renouvelables, ou encore les directives sur l’hydrogène et les premières versions du Net Zero Industry Act, qui ignoraient le nucléaire.

La France, leader de l’Alliance nucléaire en Europe

Mais la France ne l’a pas entendu de cette oreille. Aton nom de ” Sécurité d’approvisionnement “, mais aussi ” la réalisation de objectifs climatiques », la France a en effet préparé le retour en force de l’atome civil en Europe. Et recherché avec impatience des alliés parmi les Vingt-Sept, afin d’avoir de l’influence dans les négociations face à des voisins peu favorables à cette Source d’électricité décarbonée, Allemagne et Espagne en tête.

A l’échelle nationale, le gouvernement français a bien sûr annoncé, en février 2022, la relance de l’atome sur le territoire, avec la prolongation « aussi longtemps que possible » du parc existant et la construction de nouveaux réacteurs. Mais ses émissaires ne chôment pas non plus à Bruxelles. La France a en effet mené un lobbying intense, avec un objectif précis : faire reconnaître le nucléaire comme une énergie bas carbone, donc « durable », pour lui promettre un avenir – et des sources de financement. Depuis plusieurs années, les premières alliances menées par la France sur le Vieux Continent se dessinent, à travers des courriers adressés à la Commission européenne.

Comment la France a orchestré le retour du nucléaire en Europe

Celui pour l’intégration de l’atome civil dans la « taxonomie verte » européenne, premièrement, cette liste censée attirer les capitaux vers des activités durables. En effet, fin mars 2021, les dirigeants de sept Etats (République tchèque, France, Hongrie, Pologne, Roumanie, Slovaquie et Slovénie) ont lancé, dans une lettre adressée à l’exécutif bruxellois, une « appel urgent à garantir des conditions de concurrence équitables pour l’énergie nucléaire dans l’UE, sans l’exclure des politiques et des avantages climatiques et énergétiques », malgré la ferme opposition de l’Allemagne et de l’Autriche. Et ont obtenu gain de cause dans le texte finalement adopté mi-2022, au grand désarroi des militants antinucléaires.

Mais aussi sur l’importance du nucléaire dans la production d’hydrogène « vert ». Car début 2023, neuf États membres (les mêmes, plus la Bulgarie et la Croatie) ont de nouveau adressé une lettre à la Commission européenne plaidant en ce sens, là encore contre l’avis de Berlin. UN ” minorité de blocage », selon les mots d’Agnès Pannier-Runacher, qui a permis d’obtenir une victoire significative : le 9 février, la commission de l’énergie du Parlement européen a officiellement reconnu l’hydrogène produit à partir de l’électricité atomique comme une énergie » faible teneur en carbone « .

Et le lendemain, la Commission européenne, jusque-là très prudente, acceptait elle-même une exception pour le nucléaire dans la fabrication d’hydrogène labellisé « renouvelable », après des mois d’intenses batailles en coulisses. Enfin, l’énergie nucléaire a récemment été ajoutée comme technologie révolutionnaire au sein de la NZIA, ouvrant la voie à un soutien financier.

Calcul politique ?

Vendredi, le PDG deEDF, Luc Rémont, a également fait part de son intention de déployer « deux réacteurs [EPR, ndlr] une année » en Europe à partir de la prochaine décennie, dans une interview accordée aux médias Contexte. Un rythme bien loin du niveau actuel de » un ou deux par décennie « .

La veille, les trente États présents à Bruxelles étaient convenus de collaborer pour accélérer et mieux financer le développement. de cette Source d’énergie. ” [Celle-ci] est propre et rentable […] ce n’est pas une utopie », a insisté Rafael Grossi, directeur de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), à l’origine de ce sommet. historique « .

Partout dans le monde, l’énergie nucléaire fait son grand retour : la nécessité de lutter contre le changement climatique, la sécurité énergétique après l’invasion de l’Ukraine, la nécessité de produire de l’électricité sans interruption », a ajouté le directeur de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), Fatih Birol.

Reste à savoir si la position d’Ursula von der Leyen n’est pas simplement « électoraliste ». Dans quelques mois, son mandat expirera. Alors qu’elle s’est déjà déclarée candidate à la succession, le Parlement européen devra se prononcer sur une proposition (à la majorité qualifiée) du Conseil européen, c’est-à-dire des chefs d’Etat des pays membres. Pourtant, la majorité d’entre eux semble désormais pencher en faveur de l’atome civil…

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