Comment expliquer l’absence de candidat alternatif à l’élection présidentielle américaine ? – rts.ch – .

Comment expliquer l’absence de candidat alternatif à l’élection présidentielle américaine ? – rts.ch – .
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A huit mois de l’élection présidentielle américaine, le duel semble joué d’avance : Donald Trump pour les républicains et Joe Biden pour les démocrates. Mais comment expliquer l’absence de candidats alternatifs et pourquoi les petits partis ont-ils tant de mal à percer aux Etats-Unis ? Explications en trois points.

1 – Une question de financement

Les campagnes présidentielles américaines sont parmi les plus coûteuses au monde. Pour se faire connaître et donc se démarquer, les candidats doivent disposer de moyens financiers considérables. Or, les « petits candidats » qui n’appartiennent ni au parti républicain ni au parti démocrate en sont souvent privés.

L’élection présidentielle exacerbe ainsi la place des grandes fortunes dans le jeu politique. Des milliardaires financent discrètement les caisses des démocrates ou des républicains à coup de millions de dollars, l’idée étant de s’assurer une certaine influence auprès du candidat potentiellement élu. Depuis 2010, de nombreuses voix se sont élevées pour dénoncer ce système qui empêcherait « de facto » l’émergence d’un tiers, faute de soutien financier.

Dans un pays basé sur la rentabilité, les bailleurs de fonds n’ont aucun intérêt à investir dans les petits partis

Romuald Sciora, directeur de l’Observatoire politique et géostratégique des États-Unis IRIS

« Le Parti démocrate et le Parti républicain sont tellement institutionnalisés que la plupart des grands donateurs financent automatiquement ces partis. Il n’y a donc plus de place pour l’émergence de petits candidats», explique Romuald Sciora, directeur de l’Observatoire, à RTSinfo politique et géostratégie des Etats-Unis depuis l’IRIS. De plus, ajoute-t-il, dans un pays où tout est basé sur la rentabilité, les donateurs n’ont aucun intérêt à investir dans les petits partis.

De plus, avec la levée des limites de financement, l’importance des donateurs privés augmente à chaque élection. En 2020, le magazine Forbes estimait à 2,3 milliards de dollars la contribution totale des 20 plus grands donateurs du pays. Joe Biden a dépensé à lui seul plus d’un milliard de dollars pour sa campagne la même année, contre environ 808 millions pour Donald Trump. Mais en 2008, Barack Obama avait déjà fait exploser les compteurs avec une campagne coûtant plus de 750 millions de dollars, bâtie uniquement sur des fonds privés.

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2 – Un système limité à deux partis

Le système politique bipartite explique également l’absence de candidats émergents. Contrairement à plusieurs pays comme la Suisse ou la France, les « petits partis » sont très peu considérés aux Etats-Unis, que ce soit par les donateurs, les médias ou les citoyens eux-mêmes.

Or, les candidats à l’élection présidentielle américaine de 2024 sont bien plus nombreux qu’on ne le pense. Leurs chances restent toutefois minces, le système électoral ne favorisant que les grands partis. Lors des dernières élections en 2020, les candidats indépendants se partageaient à peine 1,62 % des voix. Le Parti Libertaire a obtenu 1,18% des voix et le Parti Vert 0,26% des voix.

L’absence de parti intermédiaire implique également que les démocrates et les républicains modérés partagent parfois plus de similitudes que les membres extrémistes de leur propre parti. « Du coup, personne n’a intérêt à se séparer de son parti pour rejoindre un parti plus petit et moins influent, manquant de soutien financier », explique Romuald Sciora.

Au 28 octobre 2020, la Commission électorale fédérale (FEC) recensait 1 224 candidats. Parmi eux, 325 se revendiquent démocrates, 164 républicains, 35 libertaires, 23 écologistes et le reste est indépendant. Toutefois, étant donné que la FEC n’invite aux débats présidentiels que les candidats crédités de 15% des intentions de vote, il est plus difficile pour les candidats issus de partis tiers de faire parler d’eux.

Parmi les candidats « tiers » encore en lice, on retrouve Robert Francis Kennedy Jr. qui se présente comme indépendant. Avocat spécialisé dans les questions environnementales, il pourrait siphonner de précieux votes à Biden et Trump. Au « Green Party » (ndlr : parti écologiste), l’un des tiers partis les plus connus aux Etats-Unis, c’est Jil Stein qui se présente.

>> Lire aussi : Aux États-Unis, anciens Républicains et Démocrates forment un troisième parti centriste

3 – Barrières culturelles

La culture américaine y est aussi pour quelque chose, estime le spécialiste des Etats-Unis. Cette dernière incite souvent à la prudence et au respect des règles. Les électeurs sont souvent attirés par des candidats qui incarnent la stabilité et la familiarité, ce qui rend difficile la percée des étrangers. « Ce système bipartite est ancré dans la mentalité américaine. Voter pour un autre parti est presque quelque chose de douteux, de louche.»

Par ailleurs, dans un pays où les médias jouent un rôle crucial dans la formation de l’opinion publique, la notoriété et la visibilité médiatique sont des facteurs déterminants dans la course à la présidentielle.

En invitant un petit candidat d’un parti tiers, les chaînes de télévision sont sûres de ne pas avoir d’annonceurs

Romuald Sciora, directeur de l’Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS)

Toutefois, étant donné que les chaînes de télévision américaines ne bénéficient pas d’aides fédérales, elles dépendent des recettes publicitaires. Ils préfèrent donc se concentrer sur des candidats déjà bien établis plutôt que sur d’illustres inconnus. « Nous courons tous après les étoiles et je ne parle pas seulement des médias. Mais en invitant un petit candidat, issu d’un parti tiers et donc sans financement, les chaînes sont sûres de ne pas avoir d’annonceurs.» Cette faible visibilité médiatique limite donc leur capacité à accroître leurs soutiens et à élargir leur base électorale.

Enfin, pour Romuald Sciara, il est difficile de parler d’un « véritable système démocratique » aux Etats-Unis étant donné qu’ils sont gouvernés par seulement deux partis. «Ils exercent un monopole et font tout pour tuer dans l’œuf ce qui pourrait émerger à droite ou à gauche. Cela peut être considéré comme une atteinte à la démocratie et aux droits des électeurs.»

Hélène Krahenbühl

 
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