En 2014, le directeur de l’IEP d’Aix-en-Provence démissionne, accusé d’avoir délivré de faux diplômes dans le cadre d’une externalisation massive de formation. Dix ans après les faits, Christian Duval entend plaider pour sa libération et dénonce un dossier mal construit.
Le Figaro Marseille
L’affaire a fait beaucoup de bruit, au point que le ministre de l’Éducation nationale de l’époque a été contraint de s’en mêler. Comme le révèle Marsactu, dix ans après les faits, l’ancien directeur de Sciences Po Aix apparaît ce mercredi dans l’affaire dite de « faux diplômes » . Christian Duval est appelé à s’expliquer à la barre du tribunal judiciaire pendant trois jours sur cette affaire très médiatisée qui a conduit, au terme de plusieurs mois de crise, à sa démission du prestigieux établissement.
Quels sont les faits ?
En octobre 2014, Mediapart et Marsactu publiaient un article explosif dans le calme d’Aix-en-Provence. Dans cet article, le directeur de l’Institut d’études politiques (IEP) de la ville est accusé de brader de faux diplômes en multipliant les partenariats avec des organismes de formation en France et à l’étranger. à l’étranger, le tout pour renflouer les caisses de l’établissement.
Sous la direction de Christian Duval, Sciences Po Aix multiplie depuis plusieurs années, pour des raisons financières, les partenariats entre l’IEP et des écoles et organismes privés en France et à l’étranger. Ainsi sont nés « Sciences Po Maurice », « Sciences Po Réunion », « Sciences Po Arménie » ou encore un accord avec l’Université professionnelle d’Afrique de Kinshasa, en République démocratique du Congo, qui délivre un master équivalent à celui des étudiants de l’IEP ayant suivi, après C’est un concours difficile, le cursus d’Aix.
Cette pratique suscite la colère à Sciences Po Aix. En juillet 2014, quatre enseignants ont démissionné, dont deux élus au conseil d’administration. Fin septembre, les directeurs des six autres Instituts d’études politiques – Lille, Lyon, Rennes, Strasbourg, Toulouse et Saint-Germain-en-Laye – ont convoqué Christian Duval pour s’expliquer sur cette délocalisation de Sciences Po Aix dans d’autres établissements, menaçant d’exclure Aix du concours commun d’entrée.
Quelques semaines plus tard, dans un audit révélé par Marsactu et Mediapart, l’université d’Aix-Marseille déplore « des dysfonctionnements importants » au sein de l’IEP. L’audit porte particulièrement sur l’un des masters délivrés par Sciences Po Aix, celui de “Gestion stratégique de l’information”. Quelques jours plus tard, après avoir déjà fait face aux manifestations de ses étudiants, Christian Duval présente sa démission.
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Dans son ordonnance de renvoi selon laquelle Le Figaro obtenu, le parquet d’Aix-en-Provence accuse Christian Duval « d’avoir trompé les étudiants et les auditeurs en présentant faussement une formation en gestion de l’information stratégique comme conduisant à un diplôme IEP de niveau master », le tout pour une formation dont le prix s’élève à plusieurs milliers d’euros. Ces étudiants ont finalement racheté la prestigieuse « marque Sciences Po », mais ont été diplômés non pas par l’IEP, mais par l’Université d’Aix-Marseille. Les cours étaient majoritairement dispensés par des intérimaires, et non par des enseignants-chercheurs de l’IEP. Selon le parquet, 765 étudiants ont été trompés.
Il lui est également reproché d’avoir fait imprimer des documents sur du papier prévu à cet effet, et de les avoir signés lui-même. « comportant les mentions d’un diplôme, et notamment la mention Master, République française, alors que la délivrance du Master relevait de la responsabilité de l’Université d’Aix-Marseille », et avoir ainsi fabriqué de faux diplômes pour le compte de Sciences Po Aix. Il est également soupçonné d’avoir obtenu frauduleusement un diplôme de licence d’administration publique pour trois étudiants. « alors qu’ils n’avaient ni passé ni validé cet examen ».
Christian Duval est également accusé de détournement de fonds publics au détriment de l’IEP, « en confiant à des organismes de formation privés la collecte des frais de scolarité auprès des étudiants inscrits à une formation à l’IEP d’Aix-en-Provence, collecte de fonds publics dont la totalité n’est pas reversée à l’IEP. Cinq autres personnes, employées par l’IEP au moment des faits, dont l’ancien adjoint de Christian Duval, sont amenées à comparaître à ses côtés.
Quelle est la position de l’ancien directeur ?
Contacté par Le FigaroL’avocat de Christian Duval indique vouloir plaider l’acquittement lors du procès. « Christian Duval a toujours formellement contesté tous les délits qui lui sont reprochés, indique Me Pierre Gassend. Il reste poursuivi pour des délits techniques qui sont très loin des faux diplômes. Mon client a suivi la ligne directrice confiée au conseil d’administration et a souhaité accompagner le développement de l’IEP, notamment à l’international. Sciences Po ne pouvait pas être l’antichambre de l’ENA. Il fallait permettre l’employabilité de ses étudiants. A”
“Mon client attend depuis dix ans pour démontrer son innocence, ajoute Me Pierre Gassend. L’IEP d’Aix-en-Provence disposait à l’époque du conseil d’administration le plus prestigieux de tous les IEP, avec notamment Christine Lagarde comme présidente. Et mon client était complètement dans une politique de promotion de la francophonie.»
Pour l’avocat, le dossier monté par la justice était mal monté. « Cette histoire est devenue disproportionnée, accuse Me Gassend. Depuis des années, il y a eu des extrapolations, des amalgames, des exagérations et même des mensonges contraires à la réalité. Mon client est accusé de délits purement techniques et il n’y a jamais eu d’enrichissement personnel. Et on ne peut pas décontextualiser la politique de développement et de rayonnement lancée à l’époque par le conseil d’administration. Mon client considère cela comme une injustice.
Le conseil de Christian Duval conteste également les accusations de détournement de fonds publics. « On a dit qu’il y avait des détournements de fonds publics parce que des organismes privés percevaient des frais d’inscription, croit Me Gassend. Mais ce qui n’a pas été dit, c’est que les frais d’inscription ont été reversés à l’IEP. Il y aura donc un grand débat lors de l’audition sur ce qu’est l’argent public.»
Que dit Sciences Po Aix ?
Contacté, l’avocat de l’IEP d’Aix-en-Provence n’a pas encore répondu à nos demandes. Or, dans un communiqué publié ce lundi sur son site internet, le nouveau directeur de l’IEP d’Aix-en-Provence indique que A”ce procès n’est pas celui de Sciences Po Aix d’aujourd’hui, mais celui de l’équipe dirigeante de l’Institut d’études politiques d’hier. « Grâce à l’engagement et au professionnalisme des équipes administratives et pédagogiques, nous avons relevé le défi d’une véritable reconstruction et inscrit l’École sur une trajectoire ambitieuse.insiste le texte.
« Nommé à la tête de l’établissement en 2015 avec pour mission de sortir l’établissement de la crise, et réélu en 2020 pour un second mandat » selon ce communiqué, l’actuel directeur “Demande l’issue de cette procédure pénale engagée en 2016, afin de clore définitivement ce chapitre de l’histoire de notre école.”