L’incroyable histoire du seul survivant du naufrage du sous-marin La Perle

L’incroyable histoire du seul survivant du naufrage du sous-marin La Perle
L’incroyable histoire du seul survivant du naufrage du sous-marin La Perle

Dans la famille Cloarec, la discrétion a toujours été de mise. C’est pourquoi Daniel a mis de nombreuses années à parler du naufrage de La Perle. L’histoire de ce sous-marin français que les alliés ont pris pour un sous-marin allemand. Et qui a lancé une attaque aérienne sur ce navire qui avait refait surface pour que son équipage puisse prendre l’air.

Nous sommes le 8 juillet 1944. Il est midi. Le Pearl traverse entre les côtes canadiennes qu’il vient de quitter, et le sud du Groenland. Il se dirige vers l’Angleterre. Le kiosque du sous-marin est sorti de l’eau. L’occasion pour ses marins de fumer une cigarette à tour de rôle.

Le navire coule en deux minutes

Émile Cloarec, premier maître mécanicien, 36 ans, père de deux petites filles, ne veut pas se priver de ce moment de détente. A côté de lui se trouvent une poignée d’hommes. Soudain, c’est l’attaque. « J’ai entendu un avion plonger au-dessus de nous puis passer très près du bord, en même temps que retentissaient deux coups de feu très vifs, rappelant le bruit du départ d’un coup de 75, suivis presque immédiatement d’un troisième coup de feu extrêmement violent qui a secoué tout le bâtiment », peut-on lire dans la déclaration faite aux autorités militaires par Émile Cloarec peu après le drame. Le navire a explosé avant de couler moins de deux minutes plus tard.

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Le sous-marin La Perle a coulé au large des côtes canadiennes. Photo de famille Cloarec. (Le Télégramme/Didier Déniel)

À la dérive pendant de longues heures

Une quinzaine d’hommes, grièvement brûlés, parviennent à s’échapper de la coque de La Perle. Gravement blessés, souffrant d’hypothermie et ballottés par les vagues, ils ne tiendront pas longtemps. Émile entendra leurs gémissements s’éteindre les uns après les autres. Il se retrouvera seul dans l’immensité de la mer. Il faudra attendre la fin de l’après-midi pour qu’il soit récupéré par la baleinière d’une corvette canadienne, le MHCS Hesperler.

« A bord, l’équipage s’est rendu compte qu’il était français et non allemand. Il a été bien traité. À l’infirmerie, ils ont appliqué une pommade hydratante sur ses blessures pendant des jours. Sans cela, les séquelles auraient été bien plus graves», raconte Daniel Cloarec, qui a accepté de nous ouvrir les archives familiales. “Il y avait une erreur. Plusieurs sous-marins avaient été signalés dans la zone. L’information selon laquelle La Perle était également là n’est pas parvenue à tous les avions et navires impliqués. D’après ce que j’ai pu comprendre, ce sont les Anglais qui ont tiré. Pourtant, le sous-marin français était parfaitement identifiable.

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Émile Cloarec, ici en uniforme, est le seul survivant de ce drame. (Le Télégramme/Didier Déniel)

Déclaré perdu à jamais

Une vingtaine de jours plus tard, Emile Cloarec posera le pied sur le sol canadien et enverra un message à son épouse pour l’informer qu’il est toujours en vie. « Ma mère n’arrivait pas à y croire. Parce que les autorités militaires l’avaient informée du décès de son mari.

Emile va rester quelques mois dans la région du Norfolk, où il trouvera des petits boulots pour payer son billet de retour.

Le 5 décembre 1944, six mois après le drame, le marin breton rentre enfin chez lui. Il quittera définitivement l’Armée pour rejoindre le service des Mines, puis EDF. Émile est décédé à l’âge de 88 ans, en 1996. « Lorsqu’il parlait de ce drame, il ne pouvait retenir ses larmes », se souvient son fils. Il ne se sentait pas coupable d’avoir survécu, car il s’était battu dur pour rester en vie. C’était un grand sportif, je pense que ça l’a aidé. Il a aussi eu un bon réflexe, celui d’enlever ses chaussures une fois dans l’eau. Perdant ainsi un poids qui aurait pu être fatal.

“Ça l’a hanté toute sa vie”

Daniel est né en 1947. « Quand j’avais 16 ans, il est fait officier de la Légion d’honneur à Chantilly. J’étais à ses côtés ce jour-là. Quelques années plus tard, il rendit cette décoration en expliquant qu’elle était complètement erronée. Et les autorités militaires n’ont jamais reconnu l’erreur des Alliés. Pire encore, il a été contraint de garder le silence ou de déformer la vérité. La Marine n’a pas assumé ses responsabilités.

Le temps s’est écoulé. Mais la famille n’oublie pas ce qui a marqué à jamais la vie d’Émile. “Même à la fin, il en parlait encore, avec beaucoup de passion.” Les enfants de Daniel, Delphine et Fabrice, ont hérité comme nul autre de cette histoire familiale. Ce dernier s’est même fait tatouer sur le bras la date du naufrage de son grand-père. Pour résister à l’abîme du temps.

 
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