« Le déploiement de l’expérience patient sera favorisé avec l’installation de patients experts ». Dominique Peljak, le directeur général du CHR Metz-Thionville l’a annoncé lors de la cérémonie de vœux organisée à Metz le 10 janvier, au cours de laquelle il a évoqué les projets et les ambitions des différents établissements du CHR. Le « concept » d’expérience patient n’est pas nouveau mais force est de constater qu’il prend de l’ampleur.
De quoi parle-t-on ? Il existe différentes définitions de l’expérience du patient, mais disons simplement : ce sont l’ensemble des interactions des patients et de leurs proches avec un organisme de santé, susceptibles d’influencer leur perception tout au long de leur parcours de santé. Ces interactions sont façonnées à la fois par l’organisation de ce voyage mais aussi par l’histoire de vie de la personne concernée. », pour reprendre celui du Beryl Institute, organisation américaine fortement mobilisée sur ce sujet depuis plus de 15 ans. Les « experts patients » aussi appelés « patients partenaires » sont des personnes qui souffrent (ou ont été) atteintes d’une maladie (chronique) et qui souhaitent partager cette expérience/expertise avec les patients et les soignants… Des formations sont dispensées par des associations de patients ou des universités (certaines délivrance de diplômes) et sont proposés à ceux qui souhaitent s’engager dans cette voie au service, à terme, de l’intérêt général. Et ce afin d’acquérir des connaissances et des compétences mais aussi la « légitimité » nécessaire. De telles formations sont activées à l’Université de Lorraine par exemple.
Aider les malades mais aussi les soignants
Si, comme de nombreux hôpitaux (y compris en Lorraine, comme le Groupe Uneos par exemple), le CHR de Metz-Thionville entend renforcer son implication dans ce registre, c’est parce que cela génère de la valeur partagée et bénéfique à bien des égards. Précisons d’emblée, même si cela va de soi, que le patient partenaire n’a pas vocation à remplacer les médecins ou les infirmiers. Il ne s’occupe pas non plus de la maladie. Sa mission est d’accompagner et de partager son expérience avec les patients et leurs proches afin de les aider à mieux « gérer » leur maladie (médicalement et au-delà). On parle alors aussi de « pair aidant ». Il peut par exemple s’impliquer dans ce qu’on appelle l’éducation thérapeutique du patient (EPT) qui vise à aider une personne souffrant d’une maladie chronique à acquérir de nouvelles compétences pour mieux se soigner et, plus généralement, encore mieux. vivre chaque jour. Il est également amené à intervenir dans des domaines tels que la formation/sensibilisation des étudiants en santé, la recherche en vue de favoriser les innovations en matière de soins ou encore dans les réflexions « qualité » engagées par les établissements pour améliorer leur fonctionnement et leurs pratiques au bénéfice de la satisfaction des patients.
Mesurer cette dernière est également impératif pour progresser et se challenger. Chaque année, la Haute Autorité de Santé dévoile, pour les grands établissements de santé, leurs résultats de certification et leurs indicateurs de qualité et de sécurité des soins. Autant d’informations auxquelles le public a accès via le service Qualiscope afin de « pour aider les utilisateurs à mieux s’orienter dans le système de santé »indique la HAS. Et vu l’empressement avec lequel les hôpitaux ont à cœur de partager leurs résultats (du moins les bons), nul doute que ces « avis patients » qui mettent l’accent sur le bien-être, la qualité des repas, le confort, les relations avec le personnel […]sont d’une grande importance.
Du paternalisme à la médecine 4P
Le patient-expert trouve progressivement sa place à l’hôpital alors que les établissements doivent tourner le dos à une approche curative et « paternaliste » – qui implique aussi que les acteurs de santé évoluent dans la relation avec leurs patients – pour impulser une médecine des 4P. Demain elle sera participative, personnalisée (médecine de précision), préventive et prédictive afin de mieux répondre aux défis et enjeux sanitaires, économiques ou sociétaux (la démographie en est une). Ces évolutions sont portées par de multiples innovations scientifiques, techniques ou technologiques. La place croissante de l’intelligence artificielle (IA) dans la pratique médicale en est une illustration : chirurgie assistée, imagerie, prothèses intelligentes, appréhension du risque…
« L’IA permet aux prestataires de soins de consacrer du temps à leurs patients qu’ils ne consacrent pas à des tâches administratives »
OCDE
Dans un autre registre, cela libérera aussi du temps pour les soignants. « L’IA accompagne les prestataires de soins dans l’exercice de leur métier et leur permet de consacrer avec leurs patients le temps qu’ils ne passent pas à prendre des notes ou à s’occuper de tâches administratives. Jusqu’à 36 % des activités de santé et de services sociaux pourraient être automatisées grâce à son utilisation. »précise l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) dans un rapport publié l’année dernière consacré à l’apport de l’IA dans le domaine de la santé. “Il est capable d’augmenter la qualité du travail, celle des interactions humaines et celle des résultats obtenus”c’est également précisé.
-Avec encore plus d’efficacité si « le patient » est capable d’assumer pleinement son rôle d’acteur de son parcours de soins (aidé en cela par l’accès à l’information, aux outils numériques ou encore à une nécessaire « confiance » patient-soignant réciproque au sein de l’hôpital et à l’extérieur). ses murs face à l’essor de la chirurgie ambulatoire (sans hébergement) soutenu, là encore, par l’évolution des techniques, des pratiques et des technologies ainsi que par des considérations économiques.
« Le développement, aux côtés de la médecine de précision, de la médecine participative contribue au développement d’une médecine offrant les meilleurs traitements médicaux et les meilleurs soins humains. »
Académie nationale de médecine
Dans les services ambulatoires, la notion d’« aller de l’avant » (via un parcours complet et un accompagnement personnalisé) fait son chemin. « Le développement à côté de la médecine de précision (pour les patients) d’une médecine participative (avec les patients) contribue au développement d’une médecine offrant à la fois les meilleurs traitements médicaux et les meilleurs soins humains »écrit l’Académie nationale de médecine dans un rapport adopté en mars dernier consacré aux « patients partenaires ».
« Prenez soin de ceux qui s’en soucient »
Depuis 2018, l’Institut français de l’expérience patient (IFEP) publie chaque année un baromètre de l’expérience patient visant à faire le point sur l’évolution de l’expérience client dans les établissements de santé (résultats de la 6e baromètre sera annoncé fin janvier). Dans l’édition 2023, on apprend que 60 % des établissements de santé en France ont adopté des mesures concrètes pour améliorer l’expérience patient, notamment à travers la formation du personnel et l’optimisation de la communication entre soignants et patients. 63 % des professionnels estiment également que l’amélioration de l’expérience patient a un impact direct sur la qualité des soins.
Le baromètre pose également des écueils à son déploiement. Le principal obstacle identifié (64%) par les professionnelles en soins est l’épuisement professionnel du personnel, en augmentation depuis 2019. « La surcharge de travail, le manque de ressources et le stress empêchent les soignants de se consacrer pleinement à l’amélioration de l’expérience patient ». D’où l’importance « prendre soin de ceux qui s’en soucient » pour reprendre les mots de Dominique Peljak lors de ses vœux, en déployant des services et des moyens, en repensant également le management. Bonne nouvelle, car compatible avec la nécessité de recruter et de fidéliser du personnel, tous les établissements hospitaliers sont fortement mobilisés dans ce domaine.
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