Une idée venue d’ailleurs
Inspirées de l’initiative du Musée des beaux-Arts de Montréal, les prescriptions du musée visent à inciter les patients à prendre soin d’eux-mêmes par la culture. La légitimité de cette approche repose sur des études récentes qui apportent la preuve de l’impact bénéfique des arts et de la culture sur la santé des populations et leur bien-être, notamment sur un rapport réalisé par l’Organisation mondiale de la santé en 2019. Rennes est un pionnier en France avec cette approche innovante.
En pratique, un patient peut se voir remettre une ordonnance, qui lui permet d’accéder gratuitement à diverses expositions proposées par des lieux culturels comme La Criée, 40mcube, le Musée des Beaux-Arts de Rennes, le Musée de Bretagne, Les Champs Free ou l’Écomusée de la Bintinais. Les patients peuvent venir accompagnés d’un proche et bénéficier de l’accompagnement de médiateurs culturels s’ils le souhaitent. » Ce projet n’est pas une démarche d’art-thérapie mais vise à agir sur l’environnement psychosocial des personnes, en s’appuyant sur leur pouvoir d’agir. “, deciphers Morgane Rouet, responsible for the development of cultural action at Rennes Métropole. “Grâce aux neurosciences on sait aujourd’hui que l’art a un réel impact sur le cerveau, notamment sur la sécrétion de dopamine qui procure le bien-être.“
Un système partagé entre culture et santé
Le principe de ces prescriptions est simple : un professionnel de santé délivre une prescription numérotée fournie par Rennes Métropole, permettant au patient d’accéder librement à une offre culturelle. Ce partenariat inédit entre les secteurs de la santé et de la culture est le fruit d’une collaboration active entre neuf structures de santé rennaises ou métropolitaines (comme le Centre Hospitalier Guillaume-Régnier, le Centre de Santé Communautaire du Blosne ou la Clinique Philae) et une sélection de musées et centres d’art. .
Chaque commande est accompagnée d’un livret qui présente les lieux culturels partenaires et donne les contacts des médiateurs. “Nous souhaitons offrir une expérience agréable et bénéfique, et la possibilité d’un accompagnement sur mesure.“, specifies Morgane Rouet. “La visite peut être adaptée selon les besoins des patients, qu’ils aient des difficultés à se déplacer ou qu’ils préfèrent un voyage sensoriel.« L’objectif n’est pas de forcer la participation, mais de donner aux patients la possibilité de choisir, de s’offrir un moment de détente et de contemplation, loin du cadre médical.
Des résultats encourageants
Les premiers retours de l’expérimentation sont positifs. Selon les chiffres, environ 26 % des prescriptions ont été utilisées. Ce taux peut paraître faible, mais il est comparable à celui des prescriptions de médicaments classiques. “Le plus important c’est que les gens aient le choix du lieu et de la forme de la visite, ils soient reconnus et considérés dans leur capacité à prendre soin d’eux-mêmes, nous sommes là pour mettre en place les conditions qui leur permettront de passer un moment agréable.“, underlines Morgane Rouet.
Annaïg Rocheron, sage-femme au Centre de Santé Communautaire du Blosne, a constaté l’impact direct de cette initiative sur ses patientes. “Au départ, nous nous demandions si cela parlerait à nos patients, surtout dans un quartier populaire où la culture muséale n’est pas forcément présente.», confie-t-elle. » J’ai prescrit des visites aux mères épuisées, pour qu’elles puissent prendre du temps pour elles. Certaines familles ne partaient pas en vacances cet été, j’ai délivré des ordonnances aux enfants pour que leurs parents les accompagnent au musée. C’est une façon de leur offrir un moment ensemble.“
D’autres prescriptions ont été faites pour des patients souffrant de dépression ou de solitude… »Certains patients n’ont pas compris au début son utilité. Il est vrai que la plupart des visites sont gratuites, hormis les expositions temporaires. Notre rôle est de leur expliquer que cette proposition doit être prise comme un traitement. Dans la symbolique du patient, il est important de voir qu’en tant que professionnel, nous voyons cela comme un impact positif sur sa santé.” explains Annaïg Rocheron.
Vers un modèle durable
Les prescriptions muséales ne sont pas qu’une mode passagère : l’activité artistique et culturelle est désormais reconnue comme une option thérapeutique non invasive et à faible risque, complémentaire aux traitements biochimiques et pharmaceutiques. L’objectif est désormais d’en faire un programme pérenne, ancré dans le quotidien des métropolitains, et pourquoi pas, d’étendre cette initiative à d’autres partenaires culturels de la région. L’impact thérapeutique de l’art pour tous est prouvé “, concludes Morgane Rouet. “En intégrant l’art dans le processus de traitement, nous offrons aux personnes la possibilité de prendre soin d’elles-mêmes, de renouer avec leurs émotions et le monde qui les entoure.“
Les prescriptions muséales ouvrent ainsi une nouvelle voie, alliant soin, culture et bien-être, et pourraient bien devenir un modèle de référence pour le soin de demain.
Cyndie Gueutier
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