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« L’alcoolisme est plus grave qu’une maladie, c’est comme un handicap psychologique »

L’ESSENTIEL

  • Philippe a développé une hodophobie, une peur de voyager vers la vingtaine. Pour tenter de traiter sa phobie, son médecin lui a prescrit des neuroleptiques. Ceux-ci ont causé des problèmes sexuels.
  • Affaibli par la persistance de ses troubles, il plonge dans l’alcool.
  • Après une grosse frayeur après avoir trop bu, il a décidé d’arrêter l’alcool du jour au lendemain, il y a trente ans.

« J’ai arrêté de boire de l’alcool le 26 mars 1995, c’était un dimanche. Mais d’abord, je vais vous expliquer pourquoi j’ai commencé à boire. Avant de savoir pourquoi et comment s’arrêter, il faut d’abord comprendre pourquoi on a commencé à éviter d’en arriver là », souligne Philippe, 68 ans.

Alcool : “compte tenu de ma situation personnelle, ce fut une plongée dans la dépendance”

Après avoir obtenu son diplôme universitaire et servi dans l’armée à la fin des années 1970, Philippe a commencé à chercher du travail. Mais cette quête fut stoppée à l’âge de 26 ans par l’apparition de l’hodophobie. Il s’agit d’une peur intense et irrationnelle de voyager et de s’éloigner de chez soi. « Au début, j’avais peur d’aller jusqu’à Marseille, puis c’était jusqu’à Dijon, puis c’était jusqu’à Nancy. Après quatre ans de dégradation psychologique, je me suis retrouvé enfermé dans un rayon d’une vingtaine de kilomètres autour de chez moi.

C’est alors que Philippe décide de consulter un neuropsychiatre. Ce dernier lui a prescrit des neuroleptiques. «C’était une énorme bêtise de savoir ce qui s’est passé après. Vous voyez, les neuroleptiques ont un effet malheureux. Ils peuvent agir sur la sexualité. Et c’était le cas pour moi. Il ajoute : « Mon hodophobie était toujours là. Mais en prime, je souffrais d’anorgasmie et de quasi-impuissance. Je vous laisse imaginer les conséquences psychologiques.

Devant la persistance des effets indésirables après l’arrêt du traitement, Philippe décide de consulter un psychiatre pour parler de ses problèmes psychologiques et sexuels. Elle lui propose des médicaments homéopathiques, mais de peur de rencontrer de nouvelles complications, il n’ose pas les prendre. «Après un an de conseils, m’a-t-elle dit, tu devrais fumer un peu et boire un peu pour te détendre.» Philippe, qui n’avait ni bu ni fumé depuis la fin de son adolescence, a tenté de suivre les « conseils » de son médecin.

« Compte tenu de ma situation personnelle et intime, ce fut une plongée dans la dépendance. Au début, c’était une cigarette, deux cigarettes et un verre ici et là. Au bout de trois mois, je buvais 12 canettes de bière par jour. C’est comme ça que je suis devenu alcoolique. Je me suis effondré parce que cette maudite drogue m’affaiblissait sexuellement. Avant, je pouvais prendre un verre entre amis ou en famille. problème.”

“Je me suis ensuite enivré de champagne parce que je pensais que c’était moins mauvais pour ma santé”

Hôtels, bars… Philippe multiplie les sorties et surtout les apéritifs à cette période. « Je me suis ensuite enivré de champagne parce que je pensais que c’était moins mauvais pour ma santé. Mais c’est toujours de l’alcool. Je ne conseille à personne de suivre mon exemple avec le champagne.

« Vous savez, l’alcool est un traître. Vous pensez toujours que vous contrôlez la situation. Mais en réalité, c’est toujours celui qui contrôle. Au cours des années suivantes, il connaît de nombreuses épisodes alcooliques où la bière et le champagne font partie de son quotidien, avec des pics importants en 92 et 95.

« J’avais la trentaine et je pensais que ma vie était finie » reconnaît l’ancien alcoolique qui est ainsi tombé dans l’alcoolodépendance… jusqu’à l’électrochoc survenu en mars 95. L’événement était si marquant que Philippe se souvient encore de ce week-end avec précision. « Samedi 25 mars 1995… Ce jour-là, j’en ai trop abusé. J’étais seul à la maison, je ruminais et j’allais trop loin avec l’alcool.

«Je devais aller dîner chez mes parents. Quand je me suis levé de ma chaise, je ne pouvais pas me lever. Toute la nuit, j’ai eu peur que le corps ne parvienne pas à éliminer l’alcool. J’avais peur que cela cause des dommages irréversibles à tout mon système nerveux physique. La drogue avait détruit mon système nerveux sexuel. J’avais peur que le reste soit affecté à son tour. la peur de ma vie. Je pensais que je n’allais même pas me réveiller.

Heureusement, le dimanche 26 mars au matin, Philippe était toujours là. “Je me suis dit : le Ciel me donne une seconde chance, je ne dois pas la gâcher car il n’y en aura peut-être pas de troisième.” Sa décision est alors prise : il doit lutter contre son addiction à l’alcool.

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Sevrage alcoolique : « Ma démarche n’a pas été comprise de tout le monde »

Peu après cette nuit cauchemardesque, Philippe consulte un alcoolologue près de chez lui. «Je lui ai parlé de mon cas. Il n’a pas essayé de me donner des médicaments. Il m’a dit : écoute, dans ton cas, tu dois arrêter du jour au lendemain. Si vous touchez à nouveau un verre, vous redescendrez. Il était franc. Il m’a tout de suite donné l’adresse des Alcooliques anonymes. L’homme, alors âgé d’une trentaine d’années, a suivi à la lettre les recommandations du médecin. Il a complètement arrêté de boire de l’alcool. “J’ai arrêté l’alcool du jour au lendemain et ça m’a sauvé la vie”assure-t-il.

« Bien sûr, les premiers jours sont très durs. Il faut rester humble. Il ne faut pas dire : je tiendrai 20 ans sans alcool. Parce que sinon, tu vas replonger dedans. Il faut se dire : je vais tenir 24 heures, voire 48 heures et te reconstruire petit à petit. Une fois au fond du trou, il faut remonter lentement.

« Alors, j’ai tenu un jour, puis deux jours, puis trois. A partir d’un an, c’était déjà un bon héritage. Et j’ai continué comme ça.

Pour résister à l’alcool, Philippe s’est mis à marcher seul dans la nature deux heures par jour. « Cette habitude m’a aidée à reprendre confiance en moi et à apprendre à exister par moi-même, et surtout sans substances addictives. » Trente ans plus tard, il continue de parcourir chaque matin les sentiers de sa région pour lutter contre sa « propre nature ». Il reste également toujours à l’écart des grands dîners et des fêtes pour s’isoler de la tentation.

« Mon approche n’a pas été comprise par tout le monde, mais c’est ce qui a fonctionné pour moi. En devenant maigre et sans addiction, je me suis sauvé. Je n’ai pas de cholestérol, pas de diabète et non. Si je suis encore en vie aujourd’hui à 68 ans, ce n’est pas grâce aux médecins, ni grâce aux pharmaciens, ni même grâce aux femmes, c’est grâce à ma sobriété : zéro cigarette, zéro alcool. , zéro médicament.

Alcoolisme et tentation : « Jusqu’à présent, j’ai toujours résisté »

Même si Philippe vit aujourd’hui le retrait avec beaucoup moins de difficultés, cela n’a pas toujours été facile. « J’ai connu des coups durs en 30 ans : la mort de ma mère, la mort de mon père, des problèmes de santé… Là, j’ai été tentée par l’alcool. A ces moments-là, je vais au supermarché du coin, j’achète une bouteille de champagne. Mais je m’arrête là. Et quand la poubelle part, je la jette. J’ai toujours résisté. Je considère cela comme des victoires personnelles. Je me dis : ‘Tu es capable de résister à la tentation même lorsqu’elle est là’.» Il reconnaît cependant que ce mécanisme de défense lui est entièrement personnel, et déconseillé par les professionnels de santé.

L’alcoolisme est reconnu comme une maladie par l’Organisation mondiale de la santé depuis 1978. Un élément qui a également fait son chemin dans l’esprit du grand public. Mais pour Philippe, avoir des problèmes d’alcool est bien plus qu’une pathologie. «Je pense que l’alcoolisme est plus grave qu’une maladie. Je vois cela comme une infirmité psychologique. Nous ne pouvons pas vivre sans notre dépendance. Nous ne pouvons pas être guéris. Nous luttons toujours.

Compte tenu de son expérience personnelle, il admet regarder Dry January avec méfiance. « Les gens disent : ‘Hé, je vais arrêter l’alcool pendant un mois’ et ils pensent que c’est un exploit. C’est bien de s’arrêter un mois, mais quand il y a un problème, il faut travailler sur le long terme.

Si pour lui, il faut rester humble face aux troubles de dépendance à l’alcool, il ne sous-estime pas la valeur de ses efforts et de son parcours. « Ma fierté est d’avoir réussi à reconstruire une vie sans substances addictives. C’est ma victoire… jusqu’à présent. Quand je me regarde dans le miroir aujourd’hui, je n’ai plus honte de moi. Je n’ai plus honte de moi. Je n’ai plus l’impression d’être perdu dans la société ou dans la famille, comme il y a trente ans. Je suis fier des progrès que j’ai réalisés. Et dans la vie, il faut être fier de soi.

 
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