Le système de santé doit moins tourner autour de l’hôpital et plutôt renforcer les services de proximité, conclut le comité de transition qui guide Santé Québec dans la transformation du réseau. Mais le chemin sera semé d’embûches, révèle un rapport obtenu par La presse.
Un « tournant critique »
La création de Santé Québec représente une « opportunité historique de transformer le système », alors que le réseau de la santé et des services sociaux se retrouve à un « tournant critique », écrit le comité de transition dans son rapport final, que nous avons pu consulter. Cette première « feuille de route » vers le « changement de culture » promis par Christian Dubé a été transmise au ministre par la grande patronne de la société d’État, Geneviève Biron, et le sous-ministre de la Santé, Daniel Paré.
«Le choc pandémique a amplifié les difficultés structurelles des dernières années et exacerbé des tensions qui ne peuvent plus être ignorées», écrit le comité composé d’une quinzaine de personnes, dont l’urgentiste Gilbert Boucher, l’ancien PDG du CHU Sainte-Justine Caroline. Barbir, des représentants des régions et des usagers.
Ils citent une « pression constante » due à « une population vieillissante et des inégalités d’accès ». Un changement est nécessaire « pour répondre aux attentes de la population et assurer la pérennité du système », prévient-on.
S’éloigner de l’hôpital
Le comité de transition recommande de revoir en profondeur les façons de faire en s’éloignant du modèle hospitalo-centrique pour développer un système axé sur les valeurs. Il s’agit d’une approche scientifiquement validée qui intègre « les principes d’accessibilité, d’équité, de qualité et d’humanité ». En bref, cela signifie rapprocher les services de l’usager, lui donner la parole et décentraliser la prise de décision. Nous mesurons les soins en fonction de leur qualité (valeur), et pas seulement de leur volume.
Le comité note que partout dans le monde, les systèmes de santé sont confrontés à une « explosion des coûts sans précédent » en raison d’une pénurie de travailleurs et d’une population vieillissante. « Les systèmes de santé fondés sur des valeurs répondent à ces préoccupations […] en mettant l’accent sur les résultats qui importent davantage aux utilisateurs par rapport aux coûts nécessaires pour atteindre les résultats souhaités », écrivons-nous.
Santé Québec lance également ses opérations dans un contexte budgétaire difficile, puisqu’elle doit procéder à des compressions de 1,5 milliard de dollars. En 2022, après son enquête sur la gestion de la pandémie, la commissaire à la santé et au bien-être recommandait que Québec élabore un plan pour mettre en place un réseau fondé sur des valeurs. Joanne Castonguay est membre observatrice du comité de transition.
De nombreux pièges
Ce changement sera semé d’embûches, estime le comité de transition, qui a procédé à une « analyse critique » des « défis structurels et opérationnels » auxquels est confronté le système. Le comité, qui a débuté ses travaux l’année dernière, a identifié une douzaine d’obstacles à la transformation dans l’état actuel des choses. Voici quelques observations :
- Une « lacune importante » dans la collecte et l’utilisation des données
- « Les réussites locales sont rarement partagées »
- « Des barrières systémiques, financières, communicationnelles et culturelles limitent l’accès équitable aux soins »
- Les « conditions actuelles ne sont pas favorables à une mobilisation active » du personnel
- Un « manque de flexibilité régionale et locale (ou manque de marge de manœuvre) » pour ajuster l’organisation des soins
- L’absence « d’une offre minimale de services de proximité définie et connue au sein de chaque région »
- Une structure de gouvernance et des processus décisionnels complexes
Par ailleurs, on constate que « le système est actuellement marqué par des incohérences », alors que « la structure actuelle est construite sur l’offre de soins », et non sur les besoins des citoyens. La performance du réseau s’évalue en fonction du nombre d’interventions et du nombre d’usagers desservis, plutôt que de l’état de santé global, souligne-t-on.
Voix des utilisateurs et proximité
Le comité de transition fait 12 recommandations au ministre de la Santé pour appuyer sa vision. On constate que les citoyens « ont souvent le sentiment que leur participation aux décisions qui les concernent se limite au rôle d’usager ou de bénéficiaire », alors que le système actuel est « éminemment axé sur le professionnalisme des personnes qui y travaillent » et que ceux-ci « lutter pour prendre en compte les préférences et l’expérience vécue des gens ».
Cependant, dans un modèle axé sur les valeurs, « la perspective citoyenne est essentielle » à la prise de décision, écrivons-nous. Nous recommandons de « déployer une approche et des mécanismes » intégrant le point de vue des usagers, des patients et des citoyens. Le comité demande également d’assurer « un accès simplifié, équitable et opportun à une gamme de services de proximité », c’est-à-dire dans les CLSC ou les Groupes de médecine familiale (GMF), par exemple.
Il est également nécessaire de « consolider et adapter les structures de gouvernance locale ». Nous souhaitons collaborer avec des partenaires locaux tels que les organismes communautaires et les villes pour agir « en amont des problèmes de santé » et répondre de « manière plus ciblée aux besoins des communautés ».
Le ministre favorable
Le ministre de la Santé appuie l’adoption d’un modèle de soins fondé sur des valeurs. Il s’agit « d’une avenue que nous étudions déjà pour offrir des soins toujours plus humains et efficaces », écrit le cabinet de Christian Dubé. Cette approche, « qui répond notamment aux défis du vieillissement de la population, sera essentielle pour assurer la pérennité et l’efficacité du système de santé », écrivons-nous.
M. Dubé ajoute que Santé Québec « sera responsable de la mise en œuvre » de ce modèle au niveau opérationnel au cours des prochaines années. De son côté, la société d’État remercie le comité de transition pour son travail. ” [Ses] Les recommandations joueront un rôle important dans l’élaboration de notre planification stratégique, qui doit être dévoilée en mars », indique le porte-parole Jean-Nicolas Aubé.
Pour éviter que son rapport soit relégué aux oubliettes, le comité de transition propose la création d’un poste de « grand gardien de la priorisation des initiatives stratégiques » qui assurerait la mise en œuvre de la feuille de route de transformation des réseaux et devrait être tenu responsable à cet égard. Ce cadre supérieur pourrait épauler le numéro 2 chez Santé Québec, Frédéric Abergel.
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