L’étude ABRA, présentée au congrès ERS 2024, montre que le benralizumab est plus efficace que les corticoïdes dans le traitement de l’asthme éosinophile. On peut se réjouir de cette avancée thérapeutique… mais, selon le professeur Colas Tcherakian, ces recherches mettent surtout en lumière le manque d’observance des traitements de base dans les maladies bronchiques respiratoires.
TRANSCRIPTION
Bonjour à tous, je suis le Professeur Colas Tcherakian, pneumologue à l’hôpital Foch, et je souhaitais rendre compte du Congrès Européen de Pneumologie (ERS), d’une étude baptisée ABRA, et ici j’utiliserai plutôt le terme « ABRAcadabra », car l’asthme disparaît ! Il s’agit d’une étude assez impressionnante sur les effets potentiels des récepteurs anti-IL-5. Mais d’abord, je vais donner un peu de contexte pour comprendre l’efficacité et l’intérêt de cette étude.
La première chose à garder à l’esprit est qu’en France il y a 3,5 millions de patients souffrant de BPCO (maladie pulmonaire obstructive chronique), une maladie bronchique principalement liée au tabac mais pas seulement, et qui est à l’origine de passages répétés aux urgences et hospitalisations (150 000 hospitalisations par an : c’est énorme en termes de coûts de santé publique). Et la plupart de ces exacerbations seront déclenchées par un virus qui va provoquer une montée de l’inflammation au niveau des bronches. L’inflammation, avec l’arrivée de cellules immunitaires dont un type cellulaire appelé éosinophiles, qui est très agressive pour les bronches et va, au lieu d’aider à se débarrasser du virus, aggraver la situation. Et il existe une autre maladie pour laquelle on retrouve ce type d’inflammation inappropriée à éosinophiles dans les bronches : c’est l’asthme. L’asthme reste une maladie extrêmement courante, et la plupart du - heureusement bénigne. 4 millions de Français sont concernés.
On touche ainsi près de 8 millions de Français porteurs d’une maladie bronchique avec un risque d’exacerbation. Pour l’asthme, c’est 60 000 hospitalisations sur 4 millions d’asthmatiques. Au final, c’est relativement peu, mais en termes de coût de santé publique, encore une fois, c’est énorme et surtout il y a un risque de décès qui est essentiellement lié à la non-utilisation de traitements qui ciblent justement cette inflammation à éosinophiles.
Quels sont ces traitements ? Ce sont des corticostéroïdes inhalés. On sait désormais que si l’on ne prend qu’un seul traitement pour ouvrir ses bronches (les bronchodilatateurs, la fameuse bombe bleue), cela ne traite pas le problème sous-jacent qui est l’inflammation. Et on sait que si vous consommez 3 flacons de cette fameuse bombe bleue, vous risquez fort de vous retrouver aux urgences. Et si vous en consommez 1 par mois, vous risquez cette fois-ci de mourir. Et c’est ce qui arrive aujourd’hui à 500 jeunes par an en France, qui meurent parfois sans même arriver aux urgences parce qu’ils n’ont pas utilisé le bon traitement. Et le bon traitement est celui des corticostéroïdes inhalés.
Vous me direz, les corticoïdes ça fait peur, mais là, ce sont des corticoïdes inhalé. Quelques microgrammes, c’est un peu comme mettre une pommade sur la peau pour traiter une petite lésion. Ici on traite les bronches avec des microgrammes de corticoïdes et ça marche. Et vous voyez que la courbe de mortalité est complètement inverse du recours au traitement bronchodilatateur seul. Il n’y a donc pas beaucoup de discussions quant à savoir si cette inflammation doit être traitée.
Le gros problème est qu’il faut traiter cette inflammation régulièrement et que la plupart du - les gens ne le font pas. Ce qui explique que quand les gens vont aux urgences, on va les soigner temporairement et il y a un gros risque de revenir plus tard aux urgences pour la même chose ; Il existe un taux élevé d’échec thérapeutique. C’est le premier point.
Nous sommes aujourd’hui confrontés à cette évidence : il existe un manque d’observance des traitements de base dans les maladies bronchiques respiratoires.
Le 2ème point c’est qu’à chaque fois que vous viendrez aux urgences pour une exacerbation, c’est à dire l’augmentation de ces éosinophiles dans les bronches car il y a un virus ou un élément qui a déclenché leur arrivée dans les bronches, vous devrez prendre corticostéroïdes per os ou de la cortisone, et à terme vous vous retrouverez avec des effets plus nocifs que si vous aviez pris régulièrement votre traitement inhalé. Mais c’est comme ça, aujourd’hui nous sommes confrontés à cette évidence : il y a un manque d’observance du traitement de base dans les maladies bronchiques respiratoires.
Partant de ce constat, les auteurs de l’étude ABRA ont décidé de cibler cette inflammation éosinophile, c’est-à-dire de tuer les éosinophiles qui sont ces cellules inflammatoires des bronches qui les endommagent et qui n’apportent aucune efficacité. en clairance virale la plupart du -. Alors en ciblant ces éosinophiles, ils ont utilisé une molécule (benralizumab) qui s’injecte une seule fois et qui va avoir un effet très prolongé dans l’organisme et qui va permettre aux éosinophiles non seulement d’être décapités très rapidement, mais de ne pas revenir avant plusieurs semaines. Les chercheurs ont comparé ce traitement au traitement standard, à savoir la corticothérapie orale. Et ils ont même fait un bras où ils ont donné du benralizumab (ce récepteur anti-IL-5 qui cible les éosinophiles) + des corticostéroïdes, pour voir si cela avait un effet synergique.
Il existe un effet bénéfique majeur du benralizumab par rapport à la corticothérapie.
Les résultats ne posent pas de questions : il existe un effet bénéfique majeur du benralizumab par rapport à la corticothérapie, avec un rapport impair à 0 4, c’est à dire que vous aurez plus de 70% de patients qui n’ont reçu que des corticoïdes par voie orale qui reviendront dans les 3 prochains mois, témoignant d’ailleurs qu’on n’est pas bon sur le fait qu’ils n’en prennent pas leur traitement de base pour éviter de retourner aux urgences. Cette observation était déjà connue ; Ce premier point met en lumière l’échec de nos soins traditionnels.
La deuxième chose est qu’en réalité, lorsque vous ajoutez des corticostéroïdes au benralizumab, cela ne fait rien car c’est en réalité l’éosinophile qui est la cellule clé à cibler dans ces exacerbations pour être efficace au maximum. Les auteurs ont eu la bonne idée de regarder le taux d’éosinophiles dans le sang et ils ont traité ceux qui avaient un taux supérieur à 300, ce que l’on sait être anormal. Et cela leur a permis d’être probablement plus efficaces. Cela rend effectivement cette option thérapeutique intéressante.
Le benralizumab coûte très cher, mais en contrepartie vous évitez des hospitalisations chez des patients qui ne prendront pas leur traitement de base qui coûterait moins cher ou qui seront mieux soignés qu’avec la cortisone par voie orale qui coûte quelques centimes. C’est donc une discussion économique qui a lieu.
Par contre, ce qui est triste pour nous, c’est qu’au final cela montre aussi l’incapacité de prévention. Aujourd’hui, on sait que si les patients asthmatiques ou BPCO observaient leur traitement inhalé, on éviterait ces déplacements aux urgences, en grande partie sans avoir recours à cette molécule.
C’est une très bonne nouvelle pour les patients, mais cela met en lumière quelque chose qui manque en France : l’éducation thérapeutique.
Donc finalement, c’est une très bonne nouvelle pour les patients, mais cela met en lumière quelque chose qui manque en France, qui est l’éducation thérapeutique, qui est la possibilité de prendre en charge le patient de manière personnalisée avec des consultations infirmières. , des groupes où on explique pourquoi, comment prendre le traitement, où on vérifie que les traitements sont bien pris — parce qu’il y a des patients qui pensent bien prendre leur traitement mais qui ne le prennent pas de manière optimale avec l’appareil. C’est la réalité. Et on sait que l’éducation thérapeutique est un élément fondamental pour éviter les récidives et l’apparition de ces exacerbations. Il s’agit d’un manque très évident d’investissement des pouvoirs publics dans l’éducation thérapeutique.
Nous nous retrouverons à payer un médicament coûteux pour un problème qui aurait pu être évité si nous avions investi dans la prévention.
Conclusion
Cette étude ABRA est une très bonne étude, c’est une belle preuve de concept qu’en traitant l’inflammation éosinophile, on prévient les exacerbations et que ces médicaments sont meilleurs que les corticoïdes pour prévenir les exacerbations et moins nocifs en terme d’effets secondaires. Mais surtout, cela nous ramène au fait qu’aujourd’hui, nous ne devrions pas être obligés d’y recourir et que nombre de ces exacerbations devraient être évitées avec une meilleure observance.
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