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pourquoi les solutions prêtes à l’emploi ne fonctionnent pas

Pendant ou après un cancer, comment reprendre le travail ? Chaque situation est unique et nécessite de trouver des solutions sur mesure, le collaborateur, les collègues et les managers.


Le parcours d’un salarié qui reprend le travail avec ou après un cancer est ponctué de trop d’incertitudes pour que l’employeur puisse y répondre par une solution d’accompagnement fixe. A l’inverse, je plaide pour la co-construction multi-acteurs d’évolutions provisoires et évolutives, autour de trois principes d’action.

Quelques éléments pour situer les enjeux du cancer dans le monde professionnel. Chaque année en , 160 000 nouveaux cas sont détectés parmi la population active. Plusieurs années plus tard, 64 % d’entre eux souffrent encore des séquelles de leurs traitements : fatigue, douleurs, troubles cognitifs…

Ceux qui ont bénéficié d’aménagements de leurs conditions de travail lors du diagnostic sont plus susceptibles de retrouver un emploi cinq ans plus tard. Et selon une enquête de 2019 de la Haute autorité de santé (HAS), le maintien dans l’emploi contribue à l’espérance de vie.

Un enjeu de responsabilité sociale pour les entreprises

Concilier travail et cancer devient donc un enjeu de responsabilité sociétale pour les entreprises et les organisations. Une « charte cancer et emploi » a également été proposée par l’Institut national du cancer. Il a été signé à ce jour par 90 entreprises employant au total 1,9 million de salariés. De même, des associations proposent d’accompagner les personnes en situation de travail avec ou après un cancer.

Reste la question du « comment » : quelles solutions mettre en place, avec quels acteurs et quelles méthodes, pour que cet accompagnement favorise l’émergence d’un « travail de construction de la santé » ?

En tant que chercheur en sciences de gestion, j’anime le comité scientifique d’un projet d’innovation ouverte sur le lien entre travail et cancer du sein (dirigé par Pascale Levet au Nouvel Institut). J’ai également été touché par la maladie et j’ai arrêté mon activité pendant plus d’un an, avant de reprendre progressivement.

Concilier travail et cancer, un enjeu très incertain

Si nous devons résumer en un mot le délicat équilibre entre travail et cancer, c’est celui d’incertitude. L’évolution de la maladie est inconnue compte tenu du risque de récidive. La nature et le rythme des traitements sont imprévisibles, tout comme la durée et l’intensité de leurs effets secondaires. La capacité productive du salarié devient variable et impossible à prévoir. L’« après » (ou « avec ») ne peut pas être comme « avant », comporte de multiples zones d’ombre et surtout reste à construire par les différentes parties prenantes.

L’incertitude réside également dans l’environnement de travail : attitude appropriée ou inappropriée des collègues et des managers, possibilité d’adaptation du poste et de réorganisation des missions, capacité des équipes des ressources humaines (RH) à anticiper et simplifier le suivi des arrêts de travail ou du passage au travail partiel. temps de travail, etc. Enfin, la personne elle-même redéfinit la place et l’importance du travail dans sa vie.



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À la lumière de ce constat et de recherches antérieures, j’écarte les solutions prêtes à l’emploi : questionnaires fermés, répertoires de réponses toutes faites, processus décisionnels linéaires basés sur des diagnostics figés, mesures à durée déterminée, etc.

Prendre le contrôle des situations problématiques et co-construire

Je préfère postuler « qu’au départ, il faut tout construire » et préconiser une dynamique continue de co-construction entre les situations inattendues et problématiques, et les entreprises qui s’en emparent et y répondent de manière pertinente. Cette combinaison de réflexion et d’action produit des connaissances en constante évolution et s’articule autour de trois principes, applicables depuis l’arrêt de travail jusqu’au retour complet au poste.

Premier principe : l’organisation doit offrir des conditions favorables à cette démarche. A commencer par des acteurs (managers, collègues, RH, etc.) capables d’établir un rapport concret avec la réalité du travail avec/après le cancer, au-delà des postes et des tâches : rôles dans l’organisation, missions possibles, nature des différentes contributions, etc.

Le manager, figure souvent désignée pour occuper ce rôle, ne peut être seul face au salarié ; il doit être porté par ces différents acteurs, par les services de santé au travail, etc. Et ce ne sera pas forcément le manager direct, par exemple s’il n’est pas outillé pour faire face à ces situations où la souffrance et la mort sont présentes en toile de fond.

Une démarche pour innover et se transformer

Deuxième principe : la dynamique de co-construction « organisée » gagne à s’enrichir des conversations informelles du collaborateur avec ses managers, collègues, services RH, etc. D’après mon expérience, ces échanges « sans engagement et sans visée opérationnelle », consacrés à mon activité actuelle situation de travail, a mis en lumière des pistes et des idées possibles qui sont ensuite devenues des solutions provisoires. Ces dialogues ont également permis à mes managers et à moi-même, tout au long d’un parcours de soins toujours un peu chaotique, d’actualiser et de partager nos perceptions du contexte, par nature évolutif.

Troisième principe : se donner pour objectifs d’imaginer, d’expérimenter les possibles, de les ajuster, de transformer ce qui existe. Il s’agit de remodeler les situations de travail et, pourquoi pas, de conduire à des innovations pour l’ensemble de l’organisation. Il s’agit de coordonner les experts (santé, métiers de l’entreprise, juridiques, RH, administratifs, etc.) et les salariés concernés par la maladie, créant ainsi les conditions de leur coopération. Mais aussi de permettre la construction et le partage des savoirs expérientiels de ces salariés sur le travail avec et après le cancer.

 
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