Le slutshaming au quotidien, un obstacle à la liberté des femmes

Le slutshaming au quotidien, un obstacle à la liberté des femmes
Le slutshaming au quotidien, un obstacle à la liberté des femmes

Le honte à la salopel’idée de critiquer, de stigmatiser ou de culpabiliser les femmes jugées trop provocatrices, peut se manifester de différentes manières. La professeure Élisabeth Mercier, de la Faculté des sciences sociales, analyse ce phénomène sous ces formes « ordinaires » ou « banales » qui ne passent même plus pour des formes de violence ou de pouvoir, mais qui limitent l’autonomie sexuelle et la liberté des femmes. À sa grande surprise, elles proviennent souvent de la famille ou du regard des hommes.

« Je voulais explorer ce que ce terme signifie pour ceux qui en font l’expérience, comment il se manifeste dans la vie quotidienne. Souvent, quand on parle de honte à la salope dans les médias ou ailleurs, il s’agit souvent de cas spectaculaires, comme celui de jeunes femmes qui ont mis fin à leurs jours à la suite d’un harcèlement en ligne », rapporte le chercheur.

L’étude du professeur Mercier, publiée dans la revue Sexualité et cultures’appuie sur 18 entretiens semi-directifs avec des femmes âgées de 21 à 47 ans, et sur une cinquantaine de témoignages issus des médias et de la littérature scientifique.

L’un des résultats les plus frappants est que les participants d’une vingtaine d’années ne parlent presque pas du harcèlement en ligne ou du harcèlement de rue. « Ils m’ont parlé des femmes de leur famille, notamment leur mère, mais aussi leurs grands-mères ou leurs tantes, qui leur disaient qu’elle ressemblait à une pute quand on s’habillait comme ça. ou d’une telle manière », explique le professeur, qui a publié un livre sur les facettes de honte à la salope en novembre 2024.

À sa grande surprise, la plupart des participants lui répétaient souvent du même souffle que c’était pour les protéger. “Ce qui est intéressant, c’est que cette soi-disant protection va, entre autres, passer par ce sentiment de honte que l’on va induire chez nos filles, parfois même si cela va à l’encontre de nos propres valeurs.”

Selon le chercheur, non seulement cela ne protège pas vraiment les filles, mais cela restreint leur liberté. « Cela induit chez eux une certaine peur qui peut gêner leurs mouvements, leur façon de s’habiller, voire leur libre arbitre. Ils peuvent s’empêcher de faire beaucoup de choses au quotidien de manière plus ou moins consciente. Elle ajoute que cela reproduit le mythe selon lequel la responsabilité des violences sexuelles incombe à la victime.

Parmi les constats, le traitement asymétrique des parents envers le garçon ou la fille. “La majorité des participants qui avaient des frères m’ont parlé d’un double standard, du fait qu’ils recevaient continuellement des commentaires sur leur poids ou leurs vêtements, qu’on leur imposait davantage de règles et d’interdictions, pour que le fils ait plus de liberté.”

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Professor Élisabeth Mercier explores the manifestations of honte à la salope au quotidien.

—Yan Doublet

Hypervigilance face au regard masculin

Outre les commentaires dans les familles, le regard des hommes comme forme de honte à la salope surpris le professeur. “Ce regard de désir, cette attention sexuelle non désirée de la part d’inconnus dans la rue ou dans les transports en commun ont été évoqués presque exclusivement par les plus jeunes participants.” Ils ont dit qu’ils ressentaient de la honte, de l’humiliation, du jugement. Ils ne voulaient pas donner l’impression d’être provocateurs ou attrayants.

Selon Élisabeth Mercier, cela provoque une hypervigilance. « Ils ont toujours ça en tête. Ils essaient d’éviter ces regards grâce à des stratégies d’évitement. Une fille qui habite à Montréal me parlait de la nouvelle tendance consistant à porter une chemise ample par-dessus ses vêtements comme « couverture de sécurité » dans le métro.

A l’inverse, ils se veulent attractifs dans certains contextes. « Il y a un paradoxe pour les femmes, car elles doivent être désirables et avoir une vie sexuelle, mais pas trop. C’est une limite difficile, voire impossible, à négocier pour les filles.

Le professeur Mercier constate que chez de nombreuses jeunes femmes, on parle de sexualité presque exclusivement en termes d’agressions ou de viols. Selon elle, il est important d’essayer de combattre le problème à la racine, notamment à travers une éducation sexuelle qui doit être sensible aux inégalités de genre. Ces recommandations vont au-delà du programme scolaire ; ils affectent la relation entre les parents et leurs enfants.

 
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