Ces fins de règne qui ne se ressemblent pas

À Montréal, Valérie Plante promet une ville propre et de beaux chantiers… après sept ans de mandat.

À Washington, Joe Biden a adopté toute une série de mesures avant de céder son poste à Donald Trump. À Ottawa, Justin Trudeau est plutôt coincé avec un Parlement qu’il a lui-même fermé… et des marges de manœuvre limitées pour conclure son mandat.

La fin d’un règne est une période passionnante de la vie politique. Les dirigeants veulent tenir des promesses non tenues, peaufiner leur héritage ou laisser des cadeaux empoisonnés à la prochaine administration. Et il n’est pas rare que leurs dernières actions suscitent le cynisme – justifié ou non – au sein de la population.

Le paysage politique actuel est unique dans la mesure où plusieurs dirigeants ont quitté ou quitteront leur siège sans désir ni possibilité de briguer une réélection. Cela change leur façon de gouverner.

Dans quelle mesure ces hommes politiques travaillent-ils pour l’image qu’ils laisseront plutôt que pour le bien public ? Je voulais en discuter avec des experts.

Geneviève Tellier, professeure à l’École d’études politiques de l’Université d’Ottawa, s’intéresse aux « cycles électoraux », soit la façon dont les politiciens utilisent le temps qui leur est imparti pour gouverner.

PHOTO KARENE-ISABELLE JEAN-BAPTISTE, COLLABORATION SPÉCIALE ARCHIVES

Geneviève Tellier, professeure à l’École d’études politiques de l’Université d’Ottawa

J’avais l’impression que les gouvernements gardaient leurs mesures les plus populaires pour la fin, juste avant les élections. Mais j’ai observé exactement le contraire. Lorsque les gouvernements sont élus, ils sont pressés d’avoir un impact et de mettre en œuvre leurs politiques phares.

Geneviève Tellier, professeure à l’École d’études politiques de l’Université d’Ottawa

Il suffit de voir le nombre de décrets signés lundi par Donald Trump pour s’en convaincre.

Le professeur Tellier observe ainsi qu’un gouvernement de droite s’empresse généralement de faire des coupes lorsqu’il prend le pouvoir, alors qu’un gouvernement de gauche dépense.

Mais il y a aussi beaucoup d’action en fin de mandat. Peu de gouvernements résistent à la tentation d’ouvrir les vannes des finances publiques afin de séduire l’électorat dans l’espoir d’être réélu. “C’est là qu’il rattrape les conservateurs et les partis de droite, parce que c’est un peu contre nature”, souligne-t-elle.

M.moi Tellier donne aussi l’exemple du gouvernement libéral provincial de Philippe Couillard qui, après avoir tenu extrêmement serré les cordons de la bourse au début de son mandat, les a ensuite desserrés.

Qu’en est-il lorsqu’un homme politique ne se présente pas aux élections et n’est donc pas motivé par une réélection ?

«Souvent, ça lui laisse carte blanche», estime Geneviève Tellier.

Thierry Giasson, directeur du département de sciences politiques de l’Université Laval, note que cela peut aussi susciter un sentiment d’urgence. Il donne l’exemple de Joe Biden qui, il y a tout juste un an, espérait rester président.

« Lorsqu’on lance une campagne électorale, il faut présenter à la population des acquis, mais aussi des projets pour lesquels il reste encore des actions à faire », souligne-t-il.

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Joe Biden avait donc gardé des projets à accomplir au-delà de 2025. Voyant la sortie arriver plus vite que prévu, il a tenté d’accélérer leur réalisation. Dans ses derniers jours au pouvoir, le 46e Le président américain a interdit les forages pétroliers dans 625 millions d’acres d’eaux fédérales. Il a annulé des clauses qui portaient atteinte aux prestations de sécurité sociale de millions de retraités de la fonction publique. Il a élargi les prestations des anciens combattants, annulé la dette étudiante et renforcé les sanctions contre la Russie.

« Il y a autre chose qui arrive, c’est l’envie de laisser sa marque. Être associé à des réalisations emblématiques, écrire l’histoire », estime Thierry Giasson.

Cette frénésie de la dernière ligne droite alimente parfois le cynisme. Pourquoi Joe Biden a-t-il attendu janvier 2025, par exemple, pour lever la désignation de Cuba comme État parrain du terrorisme ?

Valérie Plante, qui a choisi de ne pas se présenter aux prochaines élections municipales, a essuyé les mêmes critiques en dévoilant récemment ses priorités pour sa dernière année de mandat. Rendre Montréal propre et les chantiers moins laids ? Bien sûr, mieux vaut tard que jamais. Mais pourquoi seulement maintenant ?

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

La mairesse de Montréal, Valérie Plante, lors de l’annonce de son départ, en octobre

Thierry Giasson juge les critiques injustes, soulignant que Mmoi Plante a déjà consacré beaucoup d’efforts à la plupart de ses priorités de fin de mandat. Il estime qu’elle agit avant tout pour laisser un meilleur bilan à celui qui lui succédera au sein du parti.

Peut-être que je suis un peu plus cynique, mais je me demande si Mmoi Plante ne se soucie pas non plus de son héritage. Si elle quitte une ville sale et défigurée par les chantiers en sortant de la mairie, n’est-ce pas ce qu’on risque de retenir de son règne ?

Et Justin Trudeau ? Disons que sa marge de manœuvre pour redorer son blason est considérablement réduite. Il a prorogé le Parlement pour empêcher le déclenchement d’élections alors que son parti cherche un chef, ce qui l’empêche de légiférer.

La seule et unique tâche qui lui reste à accomplir [à Justin Trudeau]est de gérer l’arrivée de la nouvelle administration américaine et son impact sur l’économie canadienne.

Thierry Giasson, directeur du département de sciences politiques à l’Université Laval

Et puis, la fin d’un règne peut aussi être l’occasion de faire trébucher le successeur. Lors de son tout dernier jour en tant que président, Joe Biden a offert des grâces préventives à plusieurs personnes dont il craignait que Donald Trump ne poursuive légalement.

Thierry Giasson rappelle qu’avant de partir, Pierre Trudeau avait procédé à de nombreuses nominations politiques en tout genre. Geneviève Tellier souligne également que Justin Trudeau, qui a initié une réforme pour rendre le Sénat moins partisan, a pourtant récemment nommé des sénateurs clairement peints en rouge.

Le professeur Tellier estime que certains héritages de M. Trudeau resteront, comme ses allocations familiales, trop populaires pour être abolis. D’autres, comme l’assurance dentaire, sont trop récentes pour avoir eu le temps d’être considérées comme essentielles par la population.

Plusieurs motivations se bousculent dans l’esprit des politiques qui voient la fin venir. Et parfois leurs dernières actions donnent envie de citer Leonard Cohen. “Hé, ce n’est pas une façon de dire au revoir!” »

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