Chronique des taux bancaires d’Eric Sturdza.
Peut-on parler de « macropandémie » ?
Il y a tout juste cinq ans, une épidémie de coronavirus en Chine nous inquiétait et on se demandait à l’époque si on allait devoir faire face à un scénario de type SARS-COV 2002-2004, c’est-à-dire une épidémie régionale limitée à la Chine et à ses voisins. , ou un scénario de pandémie mondiale. Aujourd’hui, on ne peut s’empêcher de faire l’analogie avec la situation économique puisque la Chine s’enfonce dans une récession très violente et la question qui se pose est la suivante : a-t-on affaire à un « COVID économique » ? En d’autres termes, la profonde dépression chinoise va-t-elle perdurer en Chine ou assistera-t-on à une propagation de ce phénomène en Europe et notamment aux États-Unis ?
Depuis plusieurs semaines, le terme de « japonisation » de l’économie chinoise est évoqué mais aujourd’hui le risque est bien plus élevé. Tout d’abord, la chute de l’économie chinoise pourrait s’avérer bien plus importante que celle vécue par les Japonais à l’époque. Ensuite, compte tenu des caractéristiques spécifiques de l’économie japonaise, le risque de propagation mondiale était sans commune mesure avec celui que la Chine pouvait aujourd’hui exporter vers l’Occident. Nous trouvons donc l’analogie avec le COVID tout à fait pertinente.
L’inflation augmente en… Allemagne ! Une situation inextricable. Bonne chance à la BCE.
Ce risque de « macropandémie » ne doit pas être pris à la légère car c’est un scénario qui irait à l’encontre de notre scénario central actuel basé sur une croissance économique américaine plutôt solide dans un contexte de croissance économique en hausse. inflation. Autant dire que cette vision du marché n’est pas compatible avec un engouement pour la durée et les taux longs américains. Si ce « COVID économique chinois » venait à se propager aux Etats-Unis, la trajectoire du 10 ans américain serait similaire à celle récemment adoptée par le 10 ans chinois qui est passé de 2,2% à 1,6% en à peine trois ans et demi. mois. Et ce n’est probablement pas encore fini ! Le 17 janvier sera donc une date clé puisque ce jour-là sera publiée la croissance chinoise du quatrième trimestre 2024, ainsi que d’autres statistiques macroéconomiques d’importance majeure. Nous verrons si les premières mesures ultra-accommodantes de la PBoC ont déjà un impact.
Notre brainstorming de janvier
Dans les années 80 et 90, nous étions adeptes du brainstorming avec un paperboard. Equipés de feutres, nous notions sur papier des thèmes qui n’avaient pas forcément de rapport entre eux puis nous barrions les sujets qui nous paraissaient peu ou pas intéressants (en les regardant du coin de l’oeil car par expérience ils avaient toutes les chances de revenir vers nous comme un boomerang) pour encercler les thématiques à prioriser. Ensuite, il a fallu trouver quels seraient les liens entre ces différentes thématiques afin de construire un scénario cohérent. Aujourd’hui, nous vous proposons de parcourir la liste des thématiques qui ont émergé de notre brainstorming, même si nous avons longtemps mis paperboard et stylos à la cave !
- Le marché primaire hybride en euros est très dynamique en ce début d’année (Enel, La Poste…)
- Le marché hybride dollar décolle enfin. Avons-nous déjà trouvé qui sera la classe d’actifs de l’année 2025 ?
- La tension sur les taux américains s’explique en partie par la débâcle des taux longs britanniques
- Christopher Waller : mais quel bug l’a piqué ? le membre le plus belliciste de la Fed plaide désormais pour des baisses de taux parce que l’inflation est censée être sous contrôle. Une seule explication valable : il veut s’attirer les faveurs du président Trump au cas où il faudrait trouver un successeur à Jerome Powell.
- La décorrélation entre les actions et les taux longs américains fera encore beaucoup parler. Il a fonctionné en 2024 avec +24,6% pour les actions et -0,7% pour le 10 ans. Cette décorrélation risque de disparaître, comme en 2022, à partir du moment où le sujet de préoccupation numéro un sera à nouveau l’inflation.
- L’inflation augmente en… Allemagne ! Une situation inextricable. Bonne chance à la BCE.
La liste n’est pas exhaustive mais on s’arrêtera là pour aujourd’hui, la quantité de travail pour reconstituer le puzzle avec toutes ces différentes pièces est déjà considérable.
Notre stratégie obligataire
Notre scénario central prévoit donc toujours un 10 ans américain proche de 5% (soit environ un 30 ans à 5,25% et un 20 ans à 5,40%) et tant que nous n’atteignons pas ce niveau, nous évitons les longs durée. Cependant, dans le contexte actuel, le 5 ans apparaît comme le sweet spot et mérite d’être considéré au-dessus de 4,5%. Ainsi, vendredi après-midi, après des chiffres d’emploi très corrects (+256.000 et taux à 4,1%), on recule d’un peu 5 ans au niveau de 4,57%. Nous étudions les TIPS mais la hausse des points morts ne leur est pas favorable. Le TIPS à 15 mois (avril 2026), que nous privilégions, a vu son taux réel passer de 2% fin 2024 à moins de 1,8% hier (soit une baisse de taux de plus de 20 pb). Dans le même temps, le rendement de sa contrepartie à taux nominal est passé de 4,2% à 4,35% (+15pb).
Ce scénario central présente deux risques à surveiller : tout d’abord, le « COVID économique » chinois évoqué précédemment. Ce qui peut pour l’instant être considéré comme un cygne noir pourrait faire plonger violemment l’Américain de 10 ans. Le deuxième risque, plus probable aujourd’hui, est un remake en 2022 sur le marché américain. Dans ce cas, la courbe des taux s’inverserait à nouveau et il ne faudrait pas hésiter à ajouter de la duration longue car l’objectif de 5% sur le 10 ans deviendrait inatteignable. Travaillez en avant !