Seule une très petite minorité de Canadiens – 2 % – sont exclusivement végétaliens. Ils le sont pour trois raisons principales : des considérations d’éthique animale, de protection de l’environnement ou de santé des personnes. Voici quelques portraits de personnes qui ont franchi le pas.
Jean-Philippe Cyr
Celui qui est devenu l’équivalent de Ricardo Larrivée chez les vegans est un paradoxe sur deux pattes : dans la restauration, il occupait autrefois le poste de grillardin, donc spécialiste de la cuisson des viandes. En 2016, il était chargé de préparer le repas pour une grande cérémonie funéraire. Au menu : des carrés d’agneau.
« Des carrés, il y en a deux dans un agneau. J’ai commencé à imaginer le nombre d’agneaux qu’il fallait tuer pour nourrir ces 400 personnes… qui n’avaient même pas l’air d’aimer beaucoup ça ! Ce jour-là, je me suis dit : je suis prête à sauter le pas. »
Il diffuse d’abord ses recettes vegan sur le web, puis publie deux livres dont il vend à plus de 200 000 exemplaires. Il est devenu un infatigable promoteur du véganisme. « J’essaie de prêcher à travers la fourchette ! » »
« Cet automne, j’ai donné une conférence à Val-d’Or. La bibliothèque était pleine ! Ma clientèle est constituée de personnes souhaitant réduire leur consommation de viande. »
Son conseil à ceux qui s’intéressent au véganisme ? « Nous prenons un repas à la fois. Il ne faut pas courir un marathon sans avoir couru un peu auparavant. Commencez par végétalienner certains repas, en disant : ce jour-là, on ne mange pas de viande. »
Suzanne Zaccour
Suzanne Zaccour, avocate et auteure, connue pour son livre L’usine à violest végétalien depuis huit ans. Il propose même entraînement pour ceux qui veulent se lancer dans l’aventure.
« En tant que féministe, mon projet de société est la non-violence, le consentement, l’intégrité corporelle. Mon véganisme fait partie de mon féminisme. C’est une responsabilité personnelle de ne pas causer de souffrance. Lorsque nous le pouvons, nous devons faire des choix qui ne provoquent pas de violence. » Elle a également écrit un livre, à paraître au printemps, intitulé Pourquoi les féministes ne mangent pas d’animaux.
Comme entraîneur en véganisme, elle accompagne ses clients à l’épicerie ou dans la création de recettes pour leurs premiers pas en cuisine végétale. « Il n’a jamais été aussi simple d’être végétalien. C’est une fausse impression de penser que vous devrez renoncer à certains produits en étant végétalien. Il existe 12 sortes de glaces végétaliennes ! »
Ses clients qui souhaitent devenir vegan ont souvent peur de la réaction de leurs proches. « J’ai eu une cliente qui est restée semi-végétalienne pendant des années parce qu’elle pensait qu’il serait impossible pour ses parents de l’accepter. Elle leur a dit… et sa mère lui a préparé une pizza végétalienne ! »
Francis Etheridge
Francis Etheridge et sa famille sont devenus végétaliens il y a six ans, alors que sa fille aînée n’avait que 2 ans. « Nous étions de plus en plus conscients des effets de notre alimentation sur notre santé, l’environnement, l’éthique animale. Nous nous sentions incompatibles avec nos valeurs. »
En un an, ils sont passés d’omnivores à végétaliens « tout en restant flexibles ». Lorsqu’ils rendent visite à leur famille, ils mangent ce qu’on leur sert.
Avant de se lancer, ils ont consulté une nutritionniste, qui leur a donné plusieurs conseils santé, notamment la prise de suppléments de vitamine B12. « Quand on discute avec ses proches, on se rend compte qu’il existe plusieurs craintes concernant le régime végétalien. Mais le mode de vie omnivore comporte aussi de nombreux risques ! »
Les enfants posent parfois des questions, souligne le père. « Ils sont parfois tiraillés entre ce qu’ils mangent à l’école, là où il y a un traiteur, ce qu’ils mangent ailleurs, et ce qu’ils mangent chez nous. »
Le principal défi ? Quand la petite famille part en voyage. « Nous avons fait un voyage aux États-Unis cet été… ce n’était pas facile ! »
Stéphanie Petit
Stephanie Little est devenue végétalienne en 2013. Elle a fait le pari avec une amie de réduire la quantité de produits d’origine animale qu’elle mangeait d’année en année. Être végétalien il y a dix ans était bien moins facile qu’aujourd’hui, observe-t-elle.
Début 2020, alors qu’elle était professeur de mathématiques au lycée, elle s’est rendue à une dégustation de vins et fromages chez une amie. « J’étais la seule à ne pas manger de fromage. J’ai apporté du fromage végétalien. Mais personne ne voulait en manger parce que c’était… dégoûtant ! »
Lorsque la pandémie a frappé la planète, elle a eu un plan original : créer un bon fromage végétalien. Dans sa cuisine, elle expérimente à petite échelle. Après trois ans d’essais, elle a finalement trouvé une recette à base de noix de cajou. « C’est très crémeux, il y a une bonne proportion de gras, pour avoir la même texture. » La société Nut Grove Cheese venait de naître.
Sa petite entreprise produit aujourd’hui plusieurs fromages, comme le camembert et le fromage de chèvre. Il utilise exactement les mêmes procédés – vieillissement, culture bactérienne – que les fromages au lait de vache, mais avec une base de pâte de cajou. Ses fromages sont en vente dans 225 points de vente au Québec et en Ontario.
Élise Desaulniers et Martin Gibert
L’auteur et l’éthicien, qui forment un couple, font partie des penseurs du mouvement végétalien québécois. Ils sont tous deux devenus vegan il y a 15 ans… après avoir été de grands mangeurs de viande, de fromage et de foie gras.
En lisant, ils se sont rendu compte du phénomène de « dissonance cognitive » à l’œuvre lorsque les humains adoptent certaines espèces animales comme compagnons de vie… mais acceptent d’en manger d’autres.
« Nous sommes d’abord devenus végétariens… et ensuite nous avons découvert qu’il n’y avait pas beaucoup de différence avec la production laitière. » Mmoi Desaulniers a également écrit un livre sur la question du lait, Vache à lait.
Tous les animaux sont des « êtres sensibles », maltraités dans le processus d’élevage industriel qui produit la quasi-totalité de la viande que nous consommons, argumente Martin Gibert. « Nous devons réaliser qu’aujourd’hui, nous tuons 80 milliards d’animaux terrestres chaque année. Ce chiffre exclut donc le poisson. »
Devenus résolument antispécistes – donc s’élevant contre le fait de considérer l’humain comme supérieur à l’animal – ils ont au fil du temps pris conscience des autres avantages du régime végétalien.
«Plus j’avançais dans le véganisme, plus je voyais que cela avait un impact sur ma santé», souligne Élise Desaulniers. Je n’ai pas de cholestérol. Je n’étais pas très sportif, je fais désormais des semi-marathons. Cela m’aide beaucoup d’être en forme. Je suis en meilleure santé qu’à 30 ans ! »
Audrey Vézina
La traductrice de 49 ans a suivi à la lettre les conseils de Jean-Philippe Cyr dans sa transition vers le véganisme, qui s’est étalée sur deux ou trois ans. Elle a éliminé un type de viande à la fois, expérimentant progressivement de nouveaux produits. « Pour moi, c’est la clé du succès ! »
Elle a été « convertie » par les photos de plats végétaliens réalisés par son amie Catherine Gélinas, publiées sur les réseaux sociaux.
« J’ai toujours aimé cuisiner, mais maintenant il faut repartir de zéro. Vous découvrez ce que vous aimez et ce que vous n’aimez pas. Il faut être ouvert à de nouveaux goûts. Sinon, c’est impossible. Et avec les enfants, cela ajoute un défi ! » Le plus difficile ? Abandonnez les œufs et la charcuterie. « Mais comment vais-je faire un sandwich ? » »
« Je viens du Lac-Saint-Jean, le royaume de la tourtière ! Quand vous dites ça à votre famille, tout le monde s’énerve », dit-elle en riant. Lors de son premier Noël en famille, sa mère lui a préparé un pâté de mil. Depuis, les deux types d’aliments cohabitent au sein de la famille. « J’ai même réussi à végétaliser le pain de mie ! »
Consommation alimentaire annuelle par habitant au Canada
Boeuf (décroissant)
- 1992 : 24 kg
- 2022 : 17,5kg
Porc (décroissant)
- 1992 : 22 kg
- 2022 : 14kg
Poulet (levant)
- 1992 : 13,5 kg
- 2022 : 21,3kg
Oeufs (en train de lever)
- 1992 : 17 douzaines
- 2022 : 21 douzaines
Source : Agriculture Canada
Evolution du marché mondial des protéines végétales
- 29,4 milliards US en 2020
- Prévisions de 162 milliards de dollars américains en 2030
Source : Bloomberg Intelligence