Avec son traité « De l’air, de l’eau et des lieux », Hippocrate souhaitait déjà attirer l’attention de ses contemporains sur l’impact de notre environnement sur la santé. Au Ve siècle avant J.-C., il était convaincu que les maladies provenaient de « tout ce que nous introduisons dans notre corps : l’air que nous respirons, les aliments que nous mangeons, les boissons que nous avalons », explique l’architecte Albert Lévy. dans son ouvrage « Ville, urbanisme et santé, les trois révolutions ». Ce lien entre santé et – ce qu’on n’appelait pas encore – urbanisme fut longtemps distendu, avant de réapparaître au XIXe siècle à Londres. La capitale britannique est alors ravagée par une épidémie de choléra, jusqu’à ce qu’un médecin, John Snow, fasse le lien avec les fontaines d’eau de la ville.
Paris est à son tour touchée : 18 000 morts en 1832. Des médecins comme le Dr Claude Lachaise tirent la sonnette d’alarme, accusant l’étroitesse des rues et l’entassement des ménages dans des logements exigus. Place donc, au début des réseaux d’assainissement, l’aération des villes avec la création de parcs et de larges artères comme le fit Haussmann à Paris. Les grandes épidémies disparaissent au moment où la médecine scientifique prend son essor, cristallisant toutes les attentes. Le couple urbanisme et santé s’affaiblit à nouveau, jusqu’au début des années 2000. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a alors décrit les « déterminants sociaux de la santé ». Autrement dit, « les facteurs personnels, sociaux, économiques et environnementaux qui déterminent l’état de santé des populations ». Un clin d’œil à Hippocrate et une manière de rappeler que la santé n’est pas seulement une affaire de soins et d’absence de maladie : si, à 40%, notre condition dépend effectivement du système de santé et de facteurs génétiques
la moitié s’explique par notre environnement social et économique. Et 10 % de notre santé est liée à notre environnement physique immédiat.
-Urbanisme préventif
«Cela montre l’importance de l’espace dans lequel nous vivons et de la prévention», résume Cyrille Harpet, chercheur à l’École des hautes études en santé publique (EHESP). « Aujourd’hui, avec la crise sanitaire, ces deux matériaux nous reviennent comme un boomerang », ajoute Sandrine Delage, chef de projet à l’aménagement du Grand Paris. Au point de légitimer les apports d’une politique de la ville intégrant les questions de santé, tant au niveau des documents stratégiques que sur le terrain ? La tendance se dessine mais reste à confirmer par une acculturation des bâtisseurs de villes à ce que l’on appelle désormais la santé environnementale. Ou comment les élus peuvent prendre soin de leurs concitoyens… Et, in fine, les retenir dans les grandes villes à l’heure où l’exode urbain au profit des campagnes et des petites villes semble se profiler.