“Nous sommes dans une situation qui correspond à l’intensité d’un plan blanc”, prévient le directeur Freddy Serveaux, ce vendredi 10 janvier, alors que les urgences sont sous tension. Des moyens spécifiques sont mobilisés cette année pour les patients touchés par une grippe particulièrement virulente, tout en maintenant le lien avec les patients chroniques.
Au niveau national, 87 établissements de santé ont déjà déclenché un plan blanc pour faire face aux conséquences des épidémies hivernales. Au retour des vacances de fin d’année, l’ARS Bourgogne-Franche-Comté a tiré la sonnette d’alarme, exigeant « solidarité et vigilance » de la population (lire le communiqué de presse).
Pourtant, la crise dure depuis deux semaines en raison d’une épidémie de grippe particulièrement virulente. Interrogé par Informations Dijonce vendredi 10 janvier 2025, Freddy Serveaux, directeur général du CHU Dijon Bourgogne, a expliqué qu’il ne souhaitait pas déclencher de plan blanc en raison des enseignements tirés de la crise sanitaire.
« Nous sommes dans une situation qui a l’intensité d’un plan blanc »
Le directeur de l’établissement de santé se veut rassurant sur « la capacité des équipes du CHU à prendre en charge tous les besoins de santé, aussi bien ce pic épidémique, tous les patients chroniques et tous les patients ayant eu des interventions ou un traitement médical ou chirurgical prévu.
« Le fait qu’il ne faut pas être dans un plan blanc n’est pas révélateur du volume de tension et de l’extraordinaire mobilisation de nos équipes », insiste Freddy Serveaux. « Nous sommes dans une situation qui a l’intensité d’un plan blanc. (…) Ce n’est pas parce qu’on n’a pas déclenché un plan blanc que ça veut dire que c’est moins grave. (…) Pour maintenir toute sa force dans le plan blanc, pour l’instant, nous avons réussi à trouver d’autres organisations.»
Pas de « clôture » des urgences
Le CHU n’a pas non plus procédé à une « fermeture » des services d’urgence. “Nous sommes plutôt pionniers au CHU et dans notre département”, souligne le directeur de l’établissement de santé de Dijon, “les urgences dans la métropole sont déjà réglementées 24h/24”.
Même si le service des urgences reste accessible à la population, la direction du CHU Dijon Bourgogne recommande de contacter le Centre 15, avant de se déplacer, afin de contacter les médecins régulateurs du service d’accès aux soins (SAS).
Pour les situations autres que celles mettant en jeu le pronostic vital, les patients peuvent être orientés vers la médecine de ville ou vers le centre médical de garde situé à proximité des urgences et ouvert de 20 heures à minuit.
Une régulation pour « mobiliser les meilleurs moyens au bon moment »
“Nous disposons d’un Centre 15 efficace, innovant et proactif”, affirme Freddy Serveaux, “réguler l’accès aux secours n’est pas une solution pour faire face à une difficulté.” « C’est un bon système structurel. Notre position est que, même en l’absence de tensions, une réglementation devrait exister. Cela nous permet de mobiliser les meilleures ressources au bon moment, en fonction de l’état des patients. »
En particulier, pendant la période des vacances, les médecins généralistes libéraux participant au SAS ont été particulièrement mobilisés. Selon l’Association de Régulation des Médecins Libéraux (ARML), le nombre de dossiers traités a bondi de 23% par rapport à la même période de l’année précédente.
« Les urgences sont sous pression »
Florent Cavelier, secrétaire général de l’établissement de santé de Dijon, développe les modalités d’organisation mises en place.
« La situation est tendue avec une pression sur nos services d’accueil d’urgence pour adultes. Nous n’enregistrons pas une augmentation de l’activité mais un nombre important de patients nécessitant une hospitalisation, bien plus que d’habitude. Ces patients sont des sujets plutôt âgés, fragiles, gourmands en oxygène et qui ont réellement besoin de pouvoir accéder à un lit d’hôpital pendant quelques jours avant, éventuellement, d’envisager soit une prise en charge de longue durée, soit un retour à domicile. »
« Depuis deux semaines, c’est une situation qui s’est aggravée et à laquelle nous devons faire face avec tous les partenaires de la chaîne de secours comme les ambulances privées et les [Service départemental d’incendie et de secours] qui contribuent au transport de ces patients fragiles, âgés, polypathologiques, à mobilité réduite également, qui se concentrent sur nos urgences adultes, les urgences sont donc sous tension.
Des ressources dédiées aux patients touchés par une forme grave de grippe
« Le CHU s’est organisé en interne en conséquence en créant des unités médicales ad hoc avec des lits et des renforts infirmiers. Il faut saluer l’engagement total de nos équipes médicales et soignantes qui sont sur le terrain depuis deux semaines. Nous pouvons réguler ce flux en mettant des moyens supplémentaires.»
« Tous les établissements de Bourgogne-Franche-Comté connaissent des tensions similaires. Plusieurs sont même allés jusqu’à déclencher leur plan blanc tellement ils sont saturés. C’est une option parmi d’autres qui n’a pas encore été retenue au CHU. Nos équipes s’en sortent. Il y a une certaine agilité et intelligence organisationnelle dans nos équipes.
« Nous nous préparons pour durer. Dans ses prévisions, Santé publique France indique que nous n’avons pas encore quitté la ligne de crête épidémique. Il existe trois souches de grippe qui coexistent et qui sont actuellement extrêmement virulentes. On espère qu’il y aura une baisse de pression dans deux semaines. D’ici là, nous devrons renforcer nos organisations ad hoc et continuer à assurer les meilleurs soins aux patients chroniques.
Maintenir les soins aux patients atteints de maladies chroniques
« C’est un point extrêmement important pour l’ensemble de notre communauté soignante : nous essayons de maintenir les soins pour tous nos patients chroniques programmés qui ont également besoin de soins de longue durée. »
« Nous avons tiré les leçons du COVID où, du coup, nous n’avions plus que des patients COVID – c’était tout à fait normal de s’occuper d’eux – mais les patients chroniques avaient une vraie peur d’aller à l’hôpital – à l’époque, nous ne savions pas grand-chose sur eux. COVID.”
“A la sortie de la crise, nous nous sommes retrouvés avec des patients qui avaient des pathologies qui avaient évolué de manière beaucoup plus inquiétante que ce qui aurait été normal, donc des patients qu’il a fallu soigner beaucoup plus longtemps.”
“Eviter toute perte d’opportunité”
« Nous avons une organisation quasi vierge mais qui nous permet de tout faire avec une approche maximaliste qui sera éprouvante pour nos équipes. Nos professionnels ont à cœur de ne pas laisser de côté les patients, notamment ceux qu’ils voient régulièrement. Nous souhaitons absolument conserver ce lien. Tous nos professionnels, médecins et soignants, mettent tout en œuvre pour éviter la moindre perte d’opportunité. C’est notre mission, c’est notre devoir.
Un point positif ressort de cette situation, les soignants sont confrontés à moins de bronchiolites que les années précédentes, a priori grâce à l’effet du vaccin Beyfortus sur les enfants (lisez notre article), ce qui permet d’éviter que les urgences pédiatriques ne soient sous tension.
Jean-Christophe Tardivon
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Freddy Serveaux, directeur général du CHU Dijon Bourgogne (image d’archive JC Tardivo)