Le fluor, ajouté à l’eau du robinet dans plusieurs pays, dont les Etats-Unis, pourrait affecter le quotient intellectuel des enfants, affirme une analyse scientifique publiée lundi et déjà critiquée, relançant un débat scientifique et politique houleux en Amérique du Nord.
Les travaux menés par des chercheurs du NIEHS, un institut gouvernemental américain, consistent en une méta-analyse de 74 études réalisées dans 10 pays, dont la Chine et le Canada, mais pas les États-Unis.
Elle conclut que chez 54 d’entre eux, une diminution du QI des enfants exposés à certains niveaux de fluorure dans l’eau courante a été observée.
“Pour chaque augmentation de 1 mg/L de fluorure dans les urines (…) il y a une diminution de 1,63 points de QI chez les enfants”, résument les auteurs dans un communiqué transmis à l’AFP.
Ce constat, publié dans la revue « JAMA Pediatrics », est remis en question par les experts, qui pointent notamment des écueils méthodologiques et des failles importantes dans les études sous-jacentes.
D’autres assurent au contraire qu’il s’agit de la « méta-analyse la plus rigoureuse jamais réalisée » et appellent à « réévaluer les risques potentiels du fluor au cours du développement précoce du cerveau ».
Mais à l’approche de l’investiture de Donald Trump, qui souhaite voir Robert Kennedy Jr., farouche opposant à la fluoration de l’eau, au ministère de la Santé, certains scientifiques craignent que cette publication n’érode la confiance du public dans les institutions de santé.
Seuil de toxicité
Le fluorure est présent naturellement dans les eaux souterraines de plusieurs régions du monde, notamment en Afrique et en Asie, à des concentrations pouvant dépasser la limite sanitaire de 1,5 mg/L établie par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Sa présence dans l’eau courante peut également résulter d’une contamination industrielle.
Aux États-Unis, seules quelques régions disposent d’une eau naturellement fluorée. Depuis les années 1950, les autorités sanitaires du reste du pays ont, à quelques exceptions près, ajouté du fluor, qui contribue à prévenir les caries dentaires.
Selon un site Internet gouvernemental, 200 millions d’Américains recevraient de l’eau artificiellement fluorée en 2022.
S’il existe un consensus sur la dangerosité du fluorure à forte concentration, c’est la question du « seuil de toxicité » qui divise la communauté scientifique.
Dans la publication, les chercheurs suggèrent, sur la base d’un petit nombre d’études, qu’une concentration inférieure à 1,5 mg/L – le seuil de l’OMS – pourrait affecter le QI des enfants.
Or, « presque toutes les études ont été réalisées dans des contextes où existent d’autres contaminants », note Steven Levy, professeur à l’Iowa Institute of Oral Health, citant en exemple la pollution par le charbon. Chine.
Et d’autres études analysées dans la publication présentent des résultats contraires. Il reste une « incertitude » sur les effets d’une telle concentration, reconnaissent également ses auteurs.
Ils ajoutent qu’il n’y a « pas suffisamment de données » pour déterminer si le niveau de 0,7 mg/L, recommandé par les autorités américaines pour la fluoration artificielle, affecte le QI.
“Il n’y a tout simplement pas assez de données” pour déterminer aujourd’hui avec certitude un seuil de toxicité, résume à l’AFP David Eaton, professeur émérite à l’Université de Washington et ancien président de l’American Society of Toxicology. .
« Grosse erreur »
Les auteurs et scientifiques interrogés par l’AFP s’accordent cependant sur un point : la nécessité de mener d’autres études pour évaluer les effets de faibles concentrations de fluor sur le développement cognitif.
Plus largement, la communauté scientifique s’interroge sur la nécessité de continuer à ajouter du fluor à l’eau du robinet, une pratique pourtant saluée comme une grande réussite de santé publique.
Puisque d’autres sources de fluor existent, notamment dans les dentifrices, il faut réévaluer les bénéfices d’une telle pratique en étudiant les effets observés après « l’arrêt de la fluoration dans plusieurs localités », argumente Fernando Hugo, chercheur en santé publique. dentaire.
En septembre, un juge fédéral, s’appuyant sur un document réalisé par les auteurs de l’étude, avait également appelé les autorités américaines à se pencher sur le sujet.
Les partisans de la fluoration affirment qu’elle contribue à réduire les disparités socio-économiques, les populations vulnérables n’ayant souvent pas accès à des soins dentaires adéquats.
Mais ses détracteurs affirment que ces mêmes communautés pourraient être les plus exposées aux effets négatifs potentiels, comme une baisse du QI des enfants.
« Arrêter la fluoration de l’eau sans une évaluation claire des avantages actuels serait une grave erreur, car il ne fait aucun doute qu’elle a eu un impact positif significatif sur la santé publique dans le passé », déclare David Eaton. , qui souligne que l’étude se concentre uniquement sur les risques de la fluoration.
(AFP)