Lutte contre l’obésité : deux nouvelles mesures efficaces

Pour freiner l’épidémie mondiale d’obésité, deux mesures seraient efficaces : réglementer les publicités pour la « malbouffe » destinées aux enfants, comme cela a été fait récemment au Royaume-Uni, et inclure le Nutri-Score dans les publicités.


Les autorités britanniques ont récemment annoncé qu’à partir d’octobre 2025, les publicités pour les aliments riches en sucre, en gras et en sel seront interdites sur Internet et à la télévision pendant la journée (elles ne seront autorisées qu’à partir de 21 heures). Pourquoi une telle mesure concernant les bonbons, biscuits et autres chips et boissons sucrées ?

Réglementer la publicité sur la malbouffe : un enjeu de santé publique

L’objectif affiché est de protéger les plus jeunes de ces publicités. En effet, de nombreuses recherches scientifiques indiquent que la publicité pour ce type d’aliments contribue à l’augmentation du surpoids et de l’obésité chez les enfants et adolescents. Selon le gouvernement britannique, une telle réglementation permettrait d’éviter 20 000 cas d’obésité infantile par an.

L’enjeu est de taille puisqu’il est désormais scientifiquement bien établi que le surpoids et l’obésité favorisent l’apparition de cancers, de diabètes, de maladies cardiovasculaires, de dépressions et d’autres pathologies chroniques. Chaque année, ces pathologies sont responsables de 2,8 millions de décès dans le monde, 1,2 million en Europe et 180 000 en , où la moitié de la population est en surpoids ou obèse.

Cependant, ces chiffres augmentent à un rythme impressionnant, ce qui amène l’Organisation mondiale de la santé à affirmer que la lutte contre l’épidémie de surpoids et d’obésité constitue l’un des défis de santé publique les plus importants du 21e siècle. .

Par ailleurs, sur le plan économique, le surpoids et l’obésité coûtent de plus en plus cher à la société : le coût est actuellement de près de 30 milliards d’euros par an pour la France, et il ne cesse de croître.

Un jeune public réceptif

La publicité pour les produits alimentaires et les boissons influence la consommation alimentaire des enfants et des adolescents. Plusieurs travaux scientifiques l’ont déjà démontré. On sait notamment que les plus jeunes préfèrent les marques qu’ils voient dans les publicités.

Or, en France, plus de la moitié des publicités alimentaires vues par les enfants à la télévision concernent des aliments et des boissons de mauvaise qualité nutritionnelle, très souvent fabriqués par de grands groupes agroalimentaires.

Pour influencer toujours plus les choix des consommateurs, les marques utilisent des moyens de communication numériques auxquels les enfants et les adolescents sont particulièrement exposés. Les téléviseurs, mais aussi les smartphones et les ordinateurs regorgent de publicités distillées dans des vidéos, des films, des séries diffusées sur Internet et sur les réseaux sociaux les plus utilisés, et même dans les jeux vidéo.

La moitié des publicités alimentaires vues par les enfants à la télévision concernent des aliments et des boissons de mauvaise qualité nutritionnelle.
icosha/Shutterstock

Ils utilisent le langage et les codes de communication des enfants et adolescents, faisant passer leurs messages persuasifs sous des formes séduisantes, notamment via les discours des influenceurs, véritables stars du Web.

Ce matraquage influence les plus jeunes sans qu’ils en aient toujours conscience. Par exemple, il a été démontré que l’exposition à un message publicitaire très simple, sur lequel apparaissait une marque de boisson sucrée, était suffisante pour augmenter l’évaluation affective et l’intention d’achat des enfants, mesurées une semaine plus tard, alors que ces derniers n’avaient aucun souvenir d’avoir déjà consommé. je l’ai déjà vue.

Les multiples stratégies des marques

Pour apparaître malgré les applications numériques destinées à bloquer les publicités sur les navigateurs et les mobiles, les marques cherchent à effacer la frontière entre une publicité clairement identifiée et leur présence dans le paysage « normal » d’Internet. Par exemple sur un site de sport ou de mode, une publicité peut être formatée pour ressembler à un article rédigé par un journaliste. Dans un fil d’actualité sur les réseaux sociaux, une publicité peut se glisser au milieu des posts et stories publiés par nos contacts. Comme on le lit souvent rapidement, on peut à tort l’assimiler à un message posté par un autre internaute.

Ce type de publicité, appelé « publicité native », permet également d’inhiber les réactions critiques que pourraient avoir les destinataires à l’égard des messages commerciaux. Ainsi, une fois que les marques sont entrées dans la mémoire des jeunes, ils sont plus susceptibles de les acheter.

Les spécialistes du marketing de l’industrie alimentaire utilisent également des techniques de conditionnement évaluatif : ils recherchent par exemple des images, de la musique, etc., qui déclenchent des émotions positives chez les jeunes.

Dans les médias et sur Internet, ils les associent alors à la marque, même s’il n’y a aucun lien logique entre les deux. Il ne reste plus qu’à répéter leur présentation ensemble pour que le cerveau de l’enfant, souvent à son insu, associe les deux : la marque est alors automatiquement plus appréciée, car liée en mémoire à des émotions positives.

Il est également fréquent que la marque soit associée à des célébrités (un chanteur, un athlète célèbre), des personnages de dessins animés ou des mascottes amusantes (un tigre, un lion…), notamment sur les paquets de céréales du petit-déjeuner des enfants. enfants.

Pour les enfants, résister à la publicité est très difficile

Tous ces effets publicitaires sont puissants. Or, les enfants et adolescents constituent des groupes vulnérables qui n’ont pas la maturité intellectuelle pour prendre en compte les éventuels effets délétères, à moyen et long terme, de leurs comportements alimentaires immédiats.

Même l’éducation aux médias, où l’on explique aux enfants les pièges de la publicité et comment s’en protéger, ne parviendrait pas à réduire leur désir d’obtenir les produits annoncés.

Les réglementations mises en place au Royaume-Uni sont donc parfaitement justifiées pour préserver la santé des enfants et des adolescents. En France, la situation est actuellement différente : depuis des décennies, notre pays a opté pour un système où l’on « fait confiance » aux industries agroalimentaires et aux entreprises médiatiques pour prendre des décisions éthiques et socialement responsables. L’idée est qu’ils puissent se limiter, conscients des effets délétères que peuvent avoir leurs publicités sur la santé publique.

Cependant, des études montrent que cette autolimitation n’a pas vraiment lieu. De nombreux travaux ont montré l’inefficacité d’un tel système pour la santé publique. De nombreuses industries agroalimentaires conçoivent des messages utilisant des techniques de séduction, voire de manipulation, pour promouvoir leurs produits riches en sucre, en graisse et en sel, qu’elles diffusent également massivement à la télévision à des moments où un grand nombre d’enfants les regardent. .

Diverses sociétés savantes, autorités de santé publique (Santé publique France, Haut Conseil de la santé publique), associations de consommateurs (Foodwatch, UFC que Choisir, Consommation Logement Cadre de Vie, etc.) ou d’autres organisations non gouvernementales (telles que Communication et Démocratie) ont demande depuis longtemps aux pouvoirs publics français de mettre en place une réglementation similaire à celle du Royaume-Uni, en interdisant par exemple la diffusion de publicités pour les aliments Nutri-Score D et E en journée à la télévision et sur Internet.

Mais pour l’instant, leur demande est restée lettre morte.

Le Nutri-Score dans les publicités, une deuxième technique efficace

Compte tenu de l’importance des enjeux de santé publique, nous avons souhaité tester l’efficacité d’une deuxième approche, complémentaire de la précédente : l’inclusion du Nutri-Score dans les publicités.

Le logo nutritionnel Nutri-Score.
Système de sécurité/Shutterstock

Pour rappel, le Nutri-Score, désormais bien connu de la population, est un système d’étiquetage nutritionnel à cinq niveaux, allant de A à E et du vert au rouge, qui permet de reconnaître facilement les différences de qualité nutritionnelle globale entre les aliments. .

Afin d’évaluer l’efficacité de cette approche, nous avons mis en place un essai contrôlé randomisé à grande échelle (méthodologie de recherche garantissant un haut niveau de preuve scientifique), impliquant 27 085 participants de la cohorte NutriNet-Santé, répartis par tirage au sort en trois groupes. .

Les participants du premier groupe ont été exposés à des publicités pour des aliments aux qualités nutritionnelles contrastées, dans lesquelles était affiché le Nutri-Score. Les produits concernés appartenaient à neuf catégories alimentaires différentes : céréales, boissons, petit-déjeuner, barres, biscuits, snacks salés, charcuterie, plats cuisinés et desserts.

Le deuxième groupe a été exposé aux mêmes publicités, mais sans afficher le Nutri-Score. Le troisième groupe était un groupe témoin : ses membres n’étaient pas exposés aux publicités.

Tous les participants ont été invités à répondre à un questionnaire Internet concernant leurs perceptions de tous les produits et leurs intentions de les acheter, de les consommer et de les offrir aux enfants.

Les résultats montrent que lorsque le Nutri-Score est affiché dans les messages publicitaires (par rapport à l’absence d’affichage du Nutri-Score) :

• les perceptions des aliments étaient meilleures pour ceux classés Nutri-Score A ou B (de la qualité nutritionnelle la plus favorable) avec des intentions plus fortes de les acheter, de les consommer et de les donner aux enfants ;

• les perceptions sont au contraire moins bonnes pour les aliments de Nutri-Score D ou E (de qualité nutritionnelle plus défavorable). Les intentions de les acheter, de les consommer et de les donner aux enfants étaient plus faibles ;

• il n’y a pas ou peu d’effet sur les perceptions et les intentions d’achat et de consommation d’aliments de qualité nutritionnelle intermédiaire (Nutri-Score C).

Un exemple de résultats : valeurs d’intention de donner de la nourriture et des boissons aux enfants (en ordonnée : plus le score est élevé, plus il y a de personnes ayant l’intention de leur donner) en fonction du type de Nutri-score (NS) des aliments (axe des x). En vert : publicités affichant le Nutri-score, en rouge : publicités sans Nutri-score. Les barres verticales représentent les intervalles de confiance au seuil statistique de 0,95.
Didier Courbet, Auteur fourni (pas de réutilisation)

Afficher le Nutri-Score dans les messages publicitaires aiderait donc les consommateurs à orienter leurs choix vers des aliments de meilleure qualité nutritionnelle, plus favorables à la santé. Une réglementation rendant obligatoire l’affichage de ce logo nutritionnel dans toutes les publicités alimentaires pourrait donc constituer une mesure de santé publique efficace.

Lier cette mesure à une mesure limitant la publicité diurne pour les aliments de moins bonne qualité nutritionnelle sur Internet et dans les médias comme la télévision permettrait d’améliorer la lutte contre l’épidémie d’obésité et les maladies chroniques liées à l’alimentation chez les adultes et les enfants.

Reste désormais à trouver la volonté politique de mettre en œuvre de telles mesures. Un défi, car certains industriels du secteur agroalimentaire font preuve d’un lobbying important depuis plusieurs années pour empêcher l’adoption au niveau européen du Nutri-Score, malgré son efficacité largement démontrée scientifiquement.

 
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