Comment les médecins européens perçoivent-ils l’utilisation de l’IA en santé ? L’utilisent-ils déjà ? Lui font-ils confiance ? Qu’attendent-ils ? Et quelles sont leurs craintes ? Paysage médical a interrogé 5 355 médecins d’Allemagne, d’Italie, du Portugal, d’Espagne, du Royaume-Uni et de France entre janvier et juin 2024. Cette enquête internationale permet de comparer les résultats des médecins français publiés en octobre dernier avec ceux de leurs homologues de l’UE et de mesurer comment, malgré leur proximité géographique, ces pays abordent parfois différemment l’immersion de l’IA dans leur monde professionnel. Mais toujours dans le but de rester maître de la décision médicale.
Les médecins reconnaissent, quel que soit leur pays d’exercice, qu’ils ne connaissent pas bien les capacités de l’IA en santé. Seul un praticien sur dix s’estime bien informé sur cette nouvelle technologie. Que ce soit par humilité ou par ignorance totale, plus de la moitié des médecins portugais et français avouent ne pas savoir ce que l’IA peut accomplir en matière de santé.
Concernant le sentiment procuré par la place plus grande que jouera l’IA dans l’exercice de la médecine, les blouses blanches expriment des réactions étonnamment très diverses, selon leur nationalité. Les Portugais (54%) sont relativement enthousiastes même si dans le même temps 36% d’entre eux craignent cette situation. Les Anglais (50%) et les Espagnols (46%) sont également plus enthousiastes. En revanche, les Allemands (49%), les Espagnols (44%) et les Italiens (40%) se disent neutres à ce sujet ! Mais une chose est sûre, 95 % des médecins, quel que soit leur pays, jugent important ou très important de se renseigner sur l’IA.
La radiologie, grande gagnante de l’IA
Les médecins des six pays ayant participé à l’enquête s’accordent également tous sur le fait que la radiologie est la spécialité qui bénéficiera (et bénéficie déjà) le plus de l’IA. Allemands et Français placent cette spécialité largement en tête (38% et 35%). Au Royaume-Uni, les praticiens sont plus dispersés (23 % pour la radiologie), et estiment que la médecine générale, qui occupe une très grande place dans le système de santé, peut bénéficier de l’essor de l’IA (12 %). De même, les médecins italiens estiment que l’IA bénéficiera aux statistiques médicales et à la biométrie (13 %), juste derrière l’imagerie (18 %).
Les médecins français, légèrement en retard dans l’usage de l’IA
Interrogés sur l’usage qu’eux ou leur équipe médicale font déjà de l’IA dans leur pratique quotidienne, les médecins français semblent un peu en retard.
par rapport à leurs homologues européens.
Dans les résultats de la même enquête en France, les praticiens français révèlent qu’ils utilisent l’IA pour rechercher des pathologies (20 %), rédiger des synthèses de documents ou retrancher des entretiens (12 %) ou encore poser un diagnostic (11 %). Un médecin a même déclaré qu’il l’utilisait pour « rédiger des questions d’examen pour les étudiants » !
L’enquête internationale montre que les praticiens français sont derrière les Allemands et les Espagnols dans l’utilisation de l’IA pour synthétiser les dossiers médicaux des patients avant consultation, derrière l’Allemagne et le Royaume-Uni, pour prédire le diagnostic ou les horaires des programmes. « L’IA peut énormément faciliter l’analyse des images et des données, accélérer le diagnostic, réduire le temps administratif et améliorer le suivi des patients, notamment en cas de maladies chroniques et graves », résume un oncologue parisien.
Les praticiens attendent de voir l’adoption de l’IA
Les médecins européens ont majoritairement la même position vis-à-vis de l’IA puisqu’une majorité, quel que soit leur pays, (entre 50% et 60%) ont décidé d’attendre d’avoir plus de retours. avant d’adopter l’IA. Dans les six pays étudiés, une part très minoritaire des médecins refuse catégoriquement d’adopter l’IA.
Par ailleurs, une majorité de praticiens européens ne craignent pas que l’IA remplace leur jugement et leur expertise cliniques, à l’exception du Portugal où 55 % des médecins ont cette crainte (48 % au Royaume-Uni – 39 % en France).
Dans l’enquête réalisée en France, une rhumatologue francilienne exprime sa crainte d’une perte du sens clinique et d’un « remplacement de l’humain par des machines ». Une appréhension que ne partage pas ce diabétologue francilien : « L’IA va nous libérer de tâches supplémentaires, mais pas de notre cœur de métier qui est le soin aux patients, le plus souvent indispensable à la bonne prescription des traitements. »
Consensus pour un cadre juridique spécifique à la santé
Les médecins de la majorité des pays étudiés estiment que l’IA contribuera à réduire les erreurs médicales (entre 47 % pour l’Allemagne et 64 % pour l’Italie, à l’exception des praticiens du Royaume-Uni qui craignent au contraire une augmentation des fautes professionnelles).
Si tous les pays sont confiants dans le respect de la confidentialité des données, les Français sont les plus inquiets puisque 45% des sondés estiment que le gouvernement et/ou les sociétés savantes ne seraient pas en mesure de garantir leur sécurité dans ce cadre. de l’IA (38% pensent le contraire).
Malgré l’adoption récente de l’AI Act qui garantira l’encadrement de l’usage de l’IA dans l’UE, une très grande majorité de médecins dans tous les pays réclament un cadre juridique spécifique à l’IA en médecine (82% en France, 88 % en Allemagne et 93% en Espagne) pour se prémunir contre tout risque et contrôler sa bonne utilisation.
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