Entrevue avec le Dr Pierre Côté, vers les traitements injectables à long terme pour prévenir le VIH

Entrevue avec le Dr Pierre Côté, vers les traitements injectables à long terme pour prévenir le VIH
Entrevue avec le Dr Pierre Côté, vers les traitements injectables à long terme pour prévenir le VIH

Lors de la 25e Conférence internationale sur le sida (IAS) à Munich, en Allemagne, l’été dernier, les attentes étaient grandes à l’égard des traitements antirétroviraux injectables utilisés pour prévenir la transmission du VIH. Les résultats d’études sur l’efficacité du Lénacapavir (Sunleca) dans le cadre de la prophylaxie pré-exposition (PrEP) au VIH ont été présentés. Le lénacapavir étant un médicament injectable administré deux fois par an, efficace contre les virus résistants chez les personnes séropositives ayant échoué aux traitements précédents. Nous attendions également les résultats des données sur le cabotégravir (Apretude) administré tous les 2 mois dans le même contexte de PrEP, chez des femmes de genre cis, pour lesquelles la PrEP traditionnelle n’avait pas démontré une bonne efficacité. Ces 2 médicaments injectables à action prolongée ont été comparés au Truvada (Préparation traditionnelle) actuellement utilisé comme traitement standard sous forme de comprimés pris quotidiennement en continu, ou à la demande en prophylaxie pré-exposition.

Menée par le Dr Linda-Gail Bekker, directrice de la Desmond Tutu HIV Foundation à l’Université du Cap et ancienne présidente de l’International AIDS Society, l’étude présentée à Munich sur le Lénacapavir ouvre de nouvelles perspectives. Le lénacapavir a démontré une efficacité de 100 % chez les femmes et les filles cisgenres à risque d’infection : « Les résultats présentés ont été accueillis de manière très positive. Nous avons même eu une standing ovation à la fin de la présentation. Je n’ai pas vu ça souvent. Je n’ai pas vu ça depuis que j’exerce», se réjouit le Dr Pierre Côté, médecin à la Clinique de médecine urbaine du Quartier Latin.

A noter que Cabenuva (associant cabotegravir et ripivirine) est actuellement prescrit et remboursé par les assurances médicaments (privées et publiques).

« Les traitements injectables à longue durée d’action seront certainement de plus en plus utilisés dans le futur, que ce soit pour traiter ou prévenir le VIH », explique le Dr Pierre Côté. La majorité des patients ayant eu recours au traitement injectable sont très satisfaits et le tolèrent très bien. Ils craignent généralement moins de stigmatisation puisqu’il ne s’agit pas de pilules à prendre quotidiennement. Ils évitent ainsi d’avoir à répondre pour justifier la raison pour laquelle ils prennent quotidiennement ces médicaments.

En PrEP, une injection tous les deux mois (de cabotégravir, commercialisé sous le nom d’Apretude) ou deux fois par an (de lénacapavir, qui sera commercialisé sous le nom de Sunlenca) est plus pratique qu’une PrEP prise quotidiennement. Cela réduit le nombre de pilules à prendre et la personne a moins à s’inquiéter ou à craindre de manquer des doses. Cette meilleure observance des injectables à action prolongée explique la supériorité du lénacapavir et du cabotégravir dans les études cliniques présentées.

Nous n’avons pas encore entendu parler des médicaments à action prolongée. De nouvelles formulations de médicaments à prendre par voie orale sont à l’étude et pourraient voir le jour : à prendre une fois par semaine, par mois, tous les 2, 4 ou 6 mois ou même peut-être une fois par an !

Des études sont également en cours pour démontrer l’efficacité de médicaments tels que le lénacapavir et le cabotégravir chez diverses populations plus vulnérables, comme les consommateurs de drogues injectables, pour qui des traitements à action prolongée seraient les plus bénéfiques car ils s’attaqueraient à la cause. principal échec auprès de cette clientèle. Ces populations plus vulnérables ont plus souvent des difficultés à adhérer à la PrEP car elle est actuellement utilisée quotidiennement. On peut se poser la question de savoir qui bénéficiera réellement de la PrEP injectable et quand (puisqu’ils ne sont pas encore couverts par le régime public d’assurance médicaments et de nombreux assureurs privés) ? « Le coût d’une injection d’Apretude est d’environ 1 000 $ par injection (soit un peu plus de 6 000 $/an). Même si le coût n’est pas encore connu, je miserais sur des coûts annuels comparables pour deux injections de Sunleca par année, poursuit le Dr Pierre Côté. [ndlr : à l’heure actuelle, on palre de 40 000$/an pour le traitement de Sunlenca aux États-Unis].

Pas sûr que le régime d’assurance médicaments de la RAMQ le rembourse de si tôt si les coûts demeurent aussi élevés. « Dans un premier temps, seules les personnes disposant d’une bonne assurance privée pourront y avoir accès… Le gouvernement et les acteurs du secteur devront certainement négocier et faire des compromis pour donner accès à ces traitements qui aideront tout le monde, y compris les personnes les plus vulnérables. vulnérables et les plus à risque.

« J’ai une autre inquiétude : depuis l’utilisation de la PrEP, on assiste à une augmentation croissante des ITSS (infections transmises par le sexe et le sang) : gonorrhée, chlamydia, syphilis, entre autres. Actuellement, nous voyons des patients sous PrEP pour un suivi environ tous les 3 mois. Cela permet de détecter précocement les ITSS et de les traiter rapidement pour éviter que les personnes ne soient davantage infectées sans le savoir, car elles ne présentent pas de symptômes. Si les visites ne sont faites que deux fois par année, y a-t-il un risque d’une éventuelle résurgence de ces ITSS ? », demande le Dr Pierre Côté. « Il va certainement falloir s’adapter. Bref, il ne s’agit ni de vaccins ni de remèdes, mais ces traitements injectables représentent une avancée scientifique significative pour les patients et pour la prévention.

 
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