Les réfugiés cuisinent avec des chefs au Refugee Food Festival

Ils viennent d’Afghanistan, d’Érythrée, de Somalie, d’Éthiopie, d’Irak et adorent cuisiner. Chefs et artisans leur ont ouvert leurs cuisines lors du Refugee Food Festival, du 10 au 15 juin. Raya, une réfugiée irakienne, a préparé un repas avec le chef du restaurant étoilé Les Cadets à Nantes.

Quelques heures avant le repas franco-irakien qui sera servi ce vendredi soir, Charles Bernabé, co-gérant avec son frère Tristan et chef du restaurant étoilé Les Cadets, à Nantes, est aux fourneaux avec Raya Alpharoo.

“Combien pour le Baklava, demande Charles. 180° ?

“200° ça ira, répond Raya. Je vais préparer le sirop avec la cardamome.

Les plats de ce vendredi auront à la fois la subtilité et l’esthétique d’un chef distingué par le Guide Michelin et les saveurs orientales d’une culture riche de ses épices.

Raya Alpharoo est arrivée en France avec sa famille en 2018, fuyant Daesh. Sa sœur est restée en Irak. Très vite, les larmes coulent lorsque Raya évoque ce qui l’a poussée à quitter son pays. Alors, on est d’accord pour parler d’autre chose. De la cuisine.

Le sourire revient.

Raya travaillait dans un hôtel-restaurant en Irak. Elle a choisi de poursuivre dans cette voie en France où elle vient de réussir un CAP cuisine. Elle avait les gestes, il lui manquait les recettes.

« J’ai appris le français pendant mon CAP, Raya explique, le nom des plats. C’est facile à préparer, mais je ne connaissais pas les noms. J’ai aussi appris des techniques, le ragoût blanc, le ragoût brun… »

C’est lors d’un stage dans un restaurant associatif qu’Alice Thierry, son tuteur et ambassadeur du Refugee Food Festival à Nantes, lui a proposé de participer à l’événement culinaire.

«Je me suis dit pourquoi pas sourit Raya. De cette façon, je verrai si les gens sont intéressés à découvrir ces goûts.

Ces goûts sont ceux de son pays, l’Irak, que Raya compte bien saupoudrer dans les plats du restaurant qu’elle rêve d’ouvrir un jour à Nantes.

Cette expérience avec Charles, dans la cuisine des Cadets, est donc la bienvenue.

« Et puis je n’ai jamais travaillé dans un restaurant étoilé. Je n’ai jamais mangé dans un restaurant étoilé Michelin en France », ajoute Raya.

Pour Charles, qui a ouvert le restaurant de la rue des Hauts Pavés avec Tristan il y a deux ans, participer au Refugee Food Festival était une idée qui lui trottait dans la tête depuis plusieurs années.

Les deux frères apprennent leur métier dans les brasseries parisiennes avant de s’installer à Nantes, près de l’océan Atlantique et de ses produits iodés.

“Je me suis dit que le jour où on aurait un restaurant, on apporterait notre contribution à ce festival”dit Charles Bernabé.

Le Refugee Food Festival en est à sa neuvième édition et s’est déroulé dans 12 villes de France : d’abord Paris puis Bordeaux, Dijon, Genève, Lille, Lyon, Marseille, Montpellier, Rennes, Nice, Tours… et Nantes qui y participe pour la cinquième fois.

Nantes où huit restaurants et entreprises artisanales participent, du 10 au 15 juin, à cette opération destinée à faire travailler cuisiniers et pâtissiers avec des réfugiés aguerris. Un établissement d’Angers est également impliqué dans la démarche.

Le but est, à la fois, de découvrir les façons de faire, les goûts d’autres cultures, d’autres pays, mais aussi de changer notre regard sur les réfugiés, et d’aider à leur intégration.

Au menu du repas imaginé en totale collaboration, des coques du Morbihan accompagnées d’une sauce au yaourt Raya. Feuilles de vigne farcies, spécialité de Raya, qui s’associeront à un carpaccio de langoustines du Guilvinec imaginé par Charles. Mais accompagné de mélasse de grenade. Touche de Raya. Ensuite, du poisson avec un peu de croûte de Sumac accompagné de riz vert cuit à l’aneth.

Le repas continue dans la tradition de ces mariages colorés et savoureux. Fleur d’oranger, tahini, eau de rose…

« Nous avons un restaurant étoilé, Charles précise. Ce que nous voulons, c’est ne pas changer la qualité de notre service, garder une carte à plusieurs séquences et une cuisine la plus soignée possible.

Pour préparer la carte, Raya a rencontré les deux frères à plusieurs reprises.

« Raya nous a apporté un plat de poisson aux épices irakiennes »ajoute Charles.

“C’était un peu trop cuit” Raya rougit.

Pour Charles, le Refugee Food Festival est une occasion idéale pour faire découvrir à ses clients une cuisine à laquelle ils ne seraient pas forcément allés.

“Nous sommes capables de faire une cuisine locale en recherchant les goûts et les saveurs partout. La cuisine française s’est construite là-dessus, se souvient Charles. A Paris, quatre restaurants sur cinq sont occupés parce qu’il y a des personnes issues de l’immigration en cuisine. Il y a toutes les langues qui se parlent en cuisine à Paris !

C’est avant tout une démarche d’ouverture sur le monde qui motive le Refugee Food festival.

Le Refugee Food Festival est l’occasion de dire à tous que nous pouvons accueillir les immigrants.

Charles Bernabé

Chef du restaurant étoilé Les Cadets.

Après avoir été coupés en petits morceaux pour en faire des gourmandises sucrées, les plats de baklava sont mis au four. Dix minutes.

“Dois-je mettre un peu d’humidité dans le four ?” demande Charles.

“Non, sec, sec!”répond Raya

Un coup d’oeil de Charles confirmé par Raya et on décide d’ajouter cinq minutes supplémentaires pour dorer un peu plus la couche supérieure.

La paire fonctionne bien. Charles, qui n’aime pas trop cuisiner le riz, trouve que le riz vert de Raya n’est pas si mauvais. Il retient l’idée.

“Nous pouvons faire la paix autour de la table, Charles fait remarquer. La cuisine a ce pouvoir.

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