au « Motel Destino » de Karim Aïnouz, des amoureux diaboliques mais pas fous

CONCOURS – Un voyou se cache dans un motel et s’implique avec le patron dans le dos du mari jaloux. Après « Le Jeu de la Reine », le réalisateur revient en sélection et au Brésil avec une intrigue de film noir. Sans complètement convaincre.

Nataly Rocha, Fábio Assunção et Iago Xavier dans « Motel Destino », de Karim Aïnouz. Cinéma Inflamvel/Gullane Filmes Production/Maneli Films/Match Factory Productions

Par Louis Guichard

Publié le 23 mai 2024 à 14h40

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CONTREcomme dans son plus beau film, La vie invisible d’Eurídice Gusmão (2019), le cinéaste Karim Aïnouz sait planter le décor Motel Destino : la chaleur étouffante et permanente du nord-est de son Brésil natal ; un monde qui oscille entre violence et satisfaction des désirs, quand les deux ne sont pas simplement confondus… Il sait aussi mettre en scène l’arrivée du personnage principal : Heraldo, un jeune homme pauvre de 21 ans, déjà mêlé à de sinistres affaires. et recherché par une mafia locale. Accompagnant un soir un touriste, il est d’abord client du motel Destino, où des chambres sont louées pour du sexe. Puis, trahi et volé par sa maîtresse éphémère, il fait du lieu une planque, pour une durée indéterminée, avec la complicité du couple de propriétaires, qui n’a pas échappé à la beauté et à la vigueur du voyou.

Lorsqu’une première étreinte se produit entre Heraldo et le patron, dans le dos du mari jaloux, on reconnaît une éternelle intrigue de film noir, inspirée du roman Le facteur sonne toujours deux fois, par James M. Caïn. On pense notamment à l’adaptation non officielle de Luchino Visconti, Ossessione (1943), où le corps masculin était également érotisé et où le patron, autoritaire et toxique, symbolisait sans ambiguïté le fascisme en Italie. Ici, ce personnage est avant tout antipathique, grossier, et réprime son propre désir homosexuel pour Heraldo. Autant dire que le projet d’assassinat que fomentent les deux autres semble quelque peu arbitraire et précipité… À moins de considérer la cible comme un avatar implicite de l’ex-président Bolsonaro, et Karim Aïnouz ne va pas jusque-là.

La profondeur psychologique doit venir du passé du jeune homme, une vie misérable, marquée par la violence et le deuil. En partie raconté, cela ne suffit cependant pas à rendre le portrait entièrement convaincant. Et les propriétaires de motels manquent également de profondeur. Dans la dernière partie du récit, la mise en scène dans les paysages locaux spectaculaires, la nuit, fait revivre le film, au moment où la barbarie et la folie se déchaînent à nouveau. Mais la toute fin n’a pas la force nécessaire pour consolider ce renouveau, laissant une impression mitigée.

q Motel Destino, de Karim Aïnouz (Brésil/France/Allemagne, 1h55). Avec Iago Xavier, Nataly Rocha, Fábio Assunção. En compétition. En attente de la date de sortie.

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