l’équilibre fragile entre espoir thérapeutique, mésusage et dérive économique

type="image/avif"> type="image/webp"> type="image/jpeg">>>>Depuis l’arrivée en de Wegovy, un médicament développé par le laboratoire danois Novo Nordisk pour traiter l’obésité, les débats font rage. D’une part, il est loué pour son efficacité dans la perte de poids et la prévention des maladies cardiovasculaires ; de l’autre, son coût élevé, ses conditions de prescription strictes et ses liens discrets avec certains experts et associations laissent de nombreux patients dans l’incertitude. Retour sur les enjeux autour de cette nouvelle thérapie, entre succès commercial et polémique.

Un médicament efficace, mais d’un coût prohibitif

L’ingrédient actif de Wegovy, le sémaglutide, n’est pas inconnu. Il est déjà utilisé dans Ozempic, un médicament prescrit pour le diabète de type 2. Cependant, Wegovy est administré à des doses plus élevées et est spécifiquement destiné à induire une perte de poids chez les patients obèses. 18 essais cliniques de phase 3 ont montré une perte de poids moyenne de 12 à 17 % du poids initial sur une période de 68 semaines, des résultats comparables à ceux obtenus par la chirurgie bariatrique.

Cependant, la question du prix pose problème. En France, Wegovy est vendu entre 9 et 12 euros par jour, soit environ 300 euros par mois, et il n’est actuellement pas pris en charge par la Sécurité sociale. Ce coût élevé risque de gêner l’accès aux soins pour les patients les plus pauvres. Une situation qui pourrait s’améliorer si la Haute autorité de santé (HAS) décidait de recommander son remboursement, une démarche toujours à l’étude.

Des règles strictes pour limiter les abus

Wegovy appartient à la classe des analogues du GLP-1, qui agissent en imitant une hormone naturelle pour réduire l’appétit et favoriser la sensation de satiété. Aux États-Unis, Ozempic et Wegovy ont été largement utilisés, parfois à des fins cosmétiques, ce qui a conduit à des pénuries et à des abus. Pour éviter cela en France, les autorités sanitaires ont imposé des conditions de prescription strictes. Le médicament ne peut être prescrit qu’aux patients de moins de 65 ans souffrant d’obésité sévère (IMC supérieur à 35), et uniquement en cas d’échec d’un soutien nutritionnel préalable.

Cette vigilance s’explique aussi par la crainte d’effets secondaires graves, comme des troubles digestifs, des pancréatites ou des occlusions intestinales, qui pourraient survenir chez certains patients. Ces précautions ne sont pas sans rappeler les dérives constatées lors du scandale du Mediator, un médicament prescrit comme coupe-faim et qui a causé de nombreux décès. La prudence reste donc de mise avec les analogues du GLP-1.

Dans Le Figaro, le professeur Sébastien Czernichow, chef du service de nutrition à l’hôpital Georges Pompidou, rappelle que Wegovy, bien qu’efficace, ne résoudra pas à lui seul le problème de l’obésité, car ses résultats varient d’un patient à l’autre. Il considère ce médicament comme une option complémentaire précieuse, mais souligne qu’il ne remplace pas une prise en charge globale, comprenant des mesures diététiques, psychologiques et physiques. La professeure Martine Laville partage cet avis, comparant le traitement à un “béquille” pour aider certains patients à modifier des habitudes de vie difficiles à changer.

En revanche, prendre ce médicament dans le seul but de perdre quelques kilos n’est pas recommandé en raison de ses effets secondaires potentiels si les doses sont augmentées trop rapidement. Selon le professeur Laville, Wegovy ne doit pas être perçu comme un produit esthétique, mais doit être réservé aux personnes souffrant d’obésité, une maladie chronique, et non aux personnes légèrement en surpoids.

Adoption freinée par le manque de remboursement

Si Wegovy est déjà un phénomène aux Etats-Unis, où 15 millions de patients utilisent des analogues du GLP-1, son adoption en France est freinée par l’absence de remboursement. « Cela va créer des inégalités dans l’accès aux soins »déplore Anne-Sophie Joly, présidente du collectif national des associations obèses pour les JIM. D’un côté, ceux qui peuvent se permettre de débourser plusieurs centaines d’euros par mois pour perdre du poids ; de l’autre, ceux qui n’ont pas les moyens financiers pour accéder à ce traitement. Une inégalité d’autant plus problématique que l’obésité touche près d’un adulte sur deux en France.

Le laboratoire Novo Nordisk espère néanmoins obtenir un remboursement partiel pour les patients obèses présentant des comorbidités liées à leur poids, comme le diabète ou les maladies cardiovasculaires. Les résultats de l’étude clinique Select, qui montrent une réduction de 20 % des risques cardiovasculaires majeurs, pourraient conforter une prise en charge par l’Assurance Maladie.

Des liens discrets avec des experts et des associations

Novo Nordisk espère capitaliser sur Wegovy pour en faire un succès commercial. En misant sur la promesse de lutter contre l’obésité à l’échelle mondiale, l’entreprise a déjà séduit les investisseurs. A tel point que sa capitalisation a quintuplé en moins de 4 ans et dépasse désormais le PIB du Danemark. Les Echos Études estimaient en 2023 que le marché français des médicaments anti-obésité pourrait approcher les 4 milliards d’euros d’ici 2030, selon le scénario médian.

La pression est donc forte et l’engagement de Novo Nordisk pour promouvoir Wegovy en France ne se limite pas aux campagnes marketing. Selon Le Canard Enchainé, le laboratoire a noué des liens avec plusieurs experts médicaux influents, des associations et des sociétés savantes. Le palmipède regrette par exemple que le professeur Sébastien Czernichow, que nous avons cité précédemment, salue publiquement dans Le Figaro les bienfaits de ce traitement, sans évoquer les 40 000 euros qu’il aurait reçu du laboratoire depuis 2022 pour son accompagnement sur la stratégie médicale. . économie de l’entreprise.

« Quand on parle d’autres maladies chroniques, on ne se pose pas la question du remboursement des médicaments : on les rembourse. Pourquoi en serait-il autrement avec l’obésité ? » Professeur Sébastien Czernichow dans Le Figaro.

Certaines associations influentes, comme la Ligue nationale contre l’obésité (LCO), la Heart Alliance ou la Société européenne de cardiologie, ont également bénéficié d’un financement important de Novo Nordisk. La LCO aurait reçu plus de 104 000 euros en 2024, l’Alliance du cœur 20 000 euros en 2022, et la Société européenne de cardiologie un million d’euros en moins de deux ans. Ces contributions financières font douter de l’indépendance de ces organisations, d’autant que, comme le souligne le journal satirique, elles n’en font pas systématiquement mention dans leurs communications.

Des progrès sous conditions

L’arrivée de Wegovy en France marque une avancée importante dans la lutte contre l’obésité, mais elle se heurte à de nombreux obstacles. Son efficacité pour perdre du poids est indéniable, mais son coût élevé, les conditions de prescription très strictes et le manque de transparence sur les liens financiers entre le laboratoire et certains experts et associations limitent son accessibilité. Pour l’instant, seuls les patients ayant les moyens de financer le traitement bénéficieront de cette nouvelle solution, en attendant que les autorités se prononcent sur la question du remboursement.

Si Wegovy parvient à se faire rembourser par la Sécurité sociale, il pourrait devenir un outil clé pour traiter l’obésité et ses complications, tout en réduisant les inégalités d’accès aux soins. Cependant, la prudence des autorités sanitaires, dans un contexte post-Mediator, souligne que ce médicament, bien que prometteur, n’est pas exempt de risques. L’avenir de Wegovy en France dépendra donc de la capacité du régulateur à concilier ses bénéfices médicaux avec ses contraintes économiques et éthiques.

 
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