Chez Pains, à Paris, « la babka intègre un mélange de chocolat noir fondu, de beurre fermier, de cassonade et de noisettes torréfiées »

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La babka de la boulangerie Pains, à Paris. STÉPHANIE CHAYET POUR M LE MAGAZINE DU MONDE

MMieux vaut s’y rendre dès l’ouverture – à 16 heures – pour ne pas revivre la scène culte de Seinfeld, où Jerry Seinfeld se fait remettre sa pâtisserie préférée par un couple arrivé juste avant lui : “Ils ont pris la dernière babka !” » Ainsi le public américain a découvert, dans les années 1990, cette brioche festive, réalisée à partir de restes de pâte à challah (pain juif traditionnel) habituellement garnie de confiture et de cannelle avant d’être tressée puis mise au four : le panettone juif d’Europe centrale. Au 20èmee siècle, la communauté ashkénaze de New York a remplacé la confiture par du Nutella.

Contrairement à ses concurrentes, la babka de Pains, microboulangerie bio ouverte depuis 2022 dans le 19e quartier de Paris, incorpore non pas de la pâte à tartiner, mais un mélange de chocolat noir fondu, de beurre fermier, de cassonade et de noisettes italiennes torréfiées. Pétrie tôt le matin (la maison ne dispose pas de chambre froide), la pâte à brioche est composée de levain naturel et de farine complète T80. Sa longue fermentation développe les molécules aromatiques qui lui donnent sa longueur en bouche.

Au moment du démoulage des babkas, qui est aussi le moment de la sortie scolaire, le parfum, qui se propage jusqu’à Melun, inciterait sûrement Jerry Seinfeld à prendre le premier avion pour Paris. L’humoriste américain remarquerait alors la couleur bistre de cette babka française, à laquelle tous les gourmands ne sont pas encore habitués (« Vous n’avez rien de blanc ici ? “, a demandé un jour une dame en passant la tête). Il mordait dans sa mie ferme et fondante et découvrait son goût d’un autre temps. « J’ai des clients âgés qui me disent que ma brioche leur rappelle leur enfance » dit Vanessa Dezallé, la boulangère, dans son tablier rose fariné.

Farines moulues au moulin en pierre

Au-dessus de sa tête, une copie décolorée de Notre pain est politique (Éditions de la dernière lettre), publié en 2019 par un collectif de meuniers, d’agriculteurs et de boulangers dénonçant l’industrie boulangère, se trouve sur le compteur électrique. C’est à ce manifeste que doit sa reconversion l’hôtesse, elle qui s’est d’abord laissée entraîner dans le monde de l’entreprise, après des études d’économie et de sciences sociales. Intéressée par les pratiques ancestrales remises au goût du jour par une nouvelle génération d’artisans, elle a fait son apprentissage dans un village néo-rural du Minervois, chez une boulangère féministe qui cuit son pain au feu de bois.

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La boulangerie Pains, 95, rue de Meaux, à Paris (19e).

La boulangerie Pains, 95, rue de Meaux, à Paris (19e). STÉPHANIE CHAYET POUR M LE MAGAZINE DU MONDE

Pour ses propres pains au blé ancien, Vanessa Dezallé utilise un mélange de variétés de cette région – barbu du Roussillon, amidonnier bleu – moulues au moulin à pierre. Noire, dense, légèrement collante, sa tarte au seigle du vendredi est réalisée avec la farine du très ancien moulin Colagne, à Chirac, en Lozère : « Elle a un goût que je n’avais jamais retrouvé à Paris. » Châtaigne, petit épeautre et khorasan complètent le tableau de farines d’exception. Si la babka encore chaude survit rarement au voyage de retour, les pains se conservent plusieurs jours.

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Babka entière ou coupée : 32 euros le kilo, disponible mercredi et jeudi chez Pains, 95, rue de Meaux, Paris 19e. Ouvert du lundi au samedi, de 16h à 20h

Stéphanie Chayet

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