Inhiber l’autophagie pour améliorer la reconnaissance immunitaire des leucémies traitées par l’azacitidine

Inhiber l’autophagie pour améliorer la reconnaissance immunitaire des leucémies traitées par l’azacitidine
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La leucémie myéloïde aiguë est la forme de leucémie la plus courante et la plus agressive chez l’adulte. Bien que cette maladie réponde bien aux chimiothérapies actuelles, la plupart des patients sont soit trop vieux pour recevoir de fortes doses de chimiothérapie, soit finissent par rechuter et doivent être traités avec d’autres médicaments. L’azacitidine (AZA) est la principale alternative aux chimiothérapies et constitue le traitement de première intention des patients âgés. Cependant, les rechutes sont également fréquentes après cette thérapie. Il est donc important de comprendre en détail comment il agit pour améliorer son efficacité, par exemple en l’associant à d’autres médicaments. C’est pourquoi Grégory Ehx (Laboratoire d’hématologie – Institut GIGA) et ses collègues de l’Université de Montréal, Claude Perreault et Pierre Thibault, se sont fixés pour objectif de mieux comprendre le fonctionnement de l’AZA.

L’AZA est ce que l’on appelle un agent hypométhylant, il aide à restaurer l’expression de gènes inhibés dans les cellules cancéreuses. Cette inhibition se produit généralement via la méthylation de gènes dans l’ADN. L’AZA agit donc comme un inducteur de l’expression des gènes. Dans le cancer, certains gènes responsables du contrôle de la prolifération cellulaire sont méthylés, ce qui permet aux cellules de proliférer plus rapidement et de manière incontrôlable. De manière générale, on considère que le traitement par AZA rétablit l’expression de ces gènes et régule donc la prolifération des cellules cancéreuses.

Cependant, G. Ehx et son équipe ont découvert que l’AZA induit également l’expression d’éléments rétroviraux endogènes (ERE), d’anciens virus cachés dans notre ADN et considérés comme dormants car leur région génomique est fortement méthylée. Ces ERE sont très intéressants car non fonctionnels (incapables de générer des particules virales et de se propager dans tout l’organisme) mais restent capables de s’exprimer et de générer des réponses inflammatoires potentiellement délétères. En fait, les chercheurs ont découvert que l’expression de ces ERE entraînait des réactions inflammatoires antivirales et une perturbation des processus prolifératifs dans les cellules leucémiques des patients. Les ERE contribuent donc directement aux effets anti-leucémiques de l’AZA.

Mécanismes de fonctionnement de l’AZA. D’une part, il inhibe la méthylation de l’ADN et induit des ERE et d’autre part, il inhibe la traduction des protéines, induisant la formation d’agrégats protéiques. Les ERE génèrent alors des ARN double brin reconnus par les systèmes de défense antiviraux de la cellule, comme l’hélicase MDA5. Ce type de défense peut entraîner un ralentissement de la prolifération cellulaire, voire la mort cellulaire. De leur côté, les agrégats induisent une autophagie qui va dégrader les ARN double brin des ERE, empêchant leur traduction en peptides du CMH, et réduisant leur capacité à induire des défenses antivirales.

Mécanismes de fonctionnement de l’AZA. D’une part, il inhibe la méthylation de l’ADN et induit des ERE et d’autre part, il inhibe la traduction des protéines, induisant la formation d’agrégats protéiques. Les ERE génèrent alors des ARN double brin reconnus par les systèmes de défense antiviraux de la cellule, comme l’hélicase MDA5. Ce type de défense peut entraîner un ralentissement de la prolifération cellulaire, voire la mort cellulaire. De leur côté, les agrégats induisent une autophagie qui va dégrader les ARN double brin des ERE, empêchant leur traduction en peptides du CMH, et réduisant leur capacité à induire des défenses antivirales.

Pour aller plus loin, les chercheurs ont ensuite tenté de démontrer que ces virus anciens contribuent à la reconnaissance immunitaire des cellules leucémiques via la génération de peptides CMH-I à la surface des cellules. Ces peptides dérivent généralement de protéines exprimées par des cellules saines et sont ignorés par les cellules immunitaires T cytotoxiques. En revanche, si une protéine étrangère (comme celle d’un virus ayant infecté la cellule) génère un tel peptide, celui-ci sera reconnu par les cellules T cytotoxiques qui élimineront la cellule infectée. Les ERE étant des virus anciens, il était logique de penser que leur expression pourrait contribuer à l’élimination des cellules leucémiques via la présentation des peptides du CMH-I.

À la grande surprise des chercheurs, aucun peptide du CMH-I issu de l’ERE n’a été induit par l’AZA. Ils ont ensuite tenté de comprendre pourquoi et ont réalisé que l’AZA induit un processus de recyclage appelé autophagie dans la leucémie. Cette autophagie était due à l’inhibition de la traduction des protéines induite par l’AZA et était à son tour impliquée dans la dégradation des ERE, les empêchant d’être traduits en peptides du CMH. En effet, inhiber l’autophagie en même temps que traiter par AZA a permis d’augmenter encore les réponses antivirales et de restaurer cette génération de peptides, rendant les cellules leucémiques reconnaissables par le système immunitaire. En fin de compte, les chercheurs ont découvert que les patients atteints de leucémie exprimant beaucoup d’ERE mais peu d’autophagie avaient plus de réponses cellulaires T que ceux exprimant beaucoup d’ERE mais aussi beaucoup d’autophagie.

Ces travaux ouvrent donc de nouvelles pistes thérapeutiques passionnantes pour la leucémie myéloïde aiguë puisque de nombreux inhibiteurs de l’autophagie existent déjà en clinique, comme la fameuse chloroquine. L’équipe de G. Ehx va maintenant tenter de comprendre si ces ERE peuvent jouer un rôle dans la réponse à d’autres traitements, et tenter de cibler spécifiquement leurs peptides CMH-I avec des immunothérapies innovantes.

Référence

L’autophagie dégrade les rétroéléments endogènes immunogènes induits par la 5-azacytidine dans la leucémie myéloïde aiguë.
Noronha N, Durette C, Cahuzac M, E Silva B, Courtois J, Humeau J, Sauvat A, Hardy MP, Vincent K, Laverdure JP, Lanoix J, Baron F, Thibault P, Perreault C, Ehx G.
Leucémie, 2024

Contact

Grégory Ehx

 
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