L’art de moucher son interlocuteur en cinq réponses cinglantes

L’art de moucher son interlocuteur en cinq réponses cinglantes
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Clemenceau, Churchill, Sarah Bernhardt… Maniant le mot comme d’autres une épée, ils se fendaient en quelques barbes bien senties. Retour sur ces bonnes paroles transmises à la postérité.

Ah, c’est ce que j’aurais dû dire !», soupirons-nous, agacés de n’avoir pas su quoi dire une heure plus tôt au coquin venu interrompre notre conversation. On rejoue la scène en interne (cette fois, on a le bon rôle), on en vient même à espérer qu’une distorsion temporelle nous offrira une seconde chance, mais rien ne se passe : c’est trop tard, toujours trop tard. Cette frustration que notre quotidien nous fait vivre trop régulièrement, des hommes et des femmes y ont pourtant échappé. Maniant le verbe comme d’autres manient une épée, ils savaient conjurer toutes les maladresses du langage, usant parfois de piques bien senties qui donnaient aux anthologies de la répartie leurs plus belles lettres de noblesse. Le Figaro vous propose de les redécouvrir à travers deux livres : De la répartie à la réponse (Le Figaro littéraire) et Anthologie de la répartie(Points), par Julien Colliat.

  • Clemenceau : attention, le Tigre mord

Être la proie du Tigre n’est jamais bon signe… Président du Conseil de 1906 à 1909, puis entre 1917 et 1920, figure politique majeure de la Première Guerre mondiale, Georges Clemenceau figure en bonne place dans les manuels d’histoire autant que dans les recueils de bons mots. Célèbre pour ses bons mots incisifs, il ne manquait jamais une occasion de donner quelques coups à ses adversaires (sans épargner ses propres collaborateurs), se livrant parfois à une délicieuse franchise. « Pour être ambassadeur, il ne suffit pas d’être stupide, il faut aussi être poli. » Ce trait de caractère a donné lieu à des échanges mémorables.

Lors d’un meeting politique, une horde de parlementaires obséquieux et désireux de le saluer sont venus l’entourer. L’un d’eux lui saisit la manche et lui demanda fièrement s’il se souvenait de lui. Clemenceau, regardant l’inconnu, lui demanda son nom. “Convertir!” “, s’empressa de préciser l’agaçant. Et le Tigre répond : “Excusez-moi, cher ami, c’est la couleur qui ne me convenait pas.”

  • Sarah Bernhardt, l’expression d’un monstre sacré

“La voix d’or”, ” Divin “, “L’Impératrice du Théâtre”…Sarah Bernhardt était, de son vivant et après sa mort, considérée comme l’une des plus grandes tragédiennes du XXe siècle. Auréolée de l’immense succès de ses tournées internationales, la comédienne ne s’est pas contentée de se produire sur scène. Loin de réserver sa voix au seul usage du vers, celle qui inspira à Marcel Proust le personnage de la Berma et à Jean Cocteau l’expression désormais canonique « bête sacrée » a rendu la vie difficile à ses admirateurs trop insistants comme à ses détracteurs. À George Bernard Shaw qui lui demandait d’un air hautain s’il pouvait fumer sans la déranger, elle répondit : “Ça ne me dérangerait même pas si tu brûlais”. Ses traits, qu’ils soient spirituels ou féroces, étaient susceptibles de faire ou de défaire des réputations.

Un soir de représentation, alors qu’elle se préparait, une jeune comédienne vint la retrouver dans sa loge pour engager la conversation. Lors de l’échange, elle lui a franchement confié : « Je n’ai jamais le trac ! »ce à quoi son aîné répondit froidement : “Ne t’inquiète pas mon petit, ça viendra à toi avec talent”.

  • Maud Loty, l’art du licenciement

Comédienne de talent et icône du Théâtre des Variétés, Maud Loty a connu une carrière pour le moins atypique : acclamée pour ses rôles dans les pièces de Colette et Guitry, acclamée par tout Paris, elle se retire au Carmel de Lisieux en 1932. La mère supérieure lui ayant rapidement conseillé de retourner au monde (la novice excentrique demandait du champagne dans sa cellule…), l’actrice tenta sans succès de remonter sur scène : consumée par l’alcool, ruinée, abandonnée par son public, elle finit par sa vie dans la pauvreté et les bistrots de Montmartre. Malgré ces revers de fortune, celle qui utilisait le mot Cambronne comme ponctuation était l’une des actrices les plus célèbres de sa génération. Ouvrant sa loge aux plus grands, Léopold Ier de Belgique, Alphonse XIII d’Espagne, et même mariée à un maharaja – qu’elle a ruiné, son train de vie coûteux l’a rendue aussi célèbre que sa carrière sur scène.

Comme Sarah Bernhardt, dont elle fut l’élève, Maud Loty savait aussi bien répondre que dénoncer les agaçants. Un soir, alors qu’elle tente de cacher l’agacement provoqué par les avances d’un flirt, ce dernier l’interroge sur ses admirateurs. « Chaque fois qu’une personne importune me propose de me rendre visite, je lui dis que j’habite en banlieue », confie-t-elle. L’autre, croyant à une faveur, rit : ” Très drôle ! Et où habitez-vous?” L’actrice, laconique : ” Dans les banlieues.”

  • Surcouf, le panache au bout de l’épée

Chez les corsaires français, le panache servait souvent de drapeau, et Robert Surcouf en était l’un des plus beaux porte-étendards. Entré dans la marine à l’âge de 13 ans, le “tigre de mer” se forge une solide réputation avec son sabre, harcelant sans relâche les navires britanniques pour le compte de la France. Malgré un rapport de force souvent en sa défaveur, il a utilisé sa ruse et une bonne dose d’audace pour remporter des victoires prestigieuses. A bord du Renard, accompagné de moins d’une cinquantaine d’hommes, il coule leAlphéaune goélette anglaise équipée d’une centaine d’équipage et de 32 canons, un combat qui le fit entrer dans la légende des corsaires français.

Impitoyable avec l’épée, il l’était tout autant avec la parole. Suite à une collision, un capitaine de la Royal Navy lui fit remarquer avec mépris : « Monsieur, vous vous battez pour l’argent. Nous, Anglais, nous battons pour l’honneur.. La réponse du Français ne s’est pas fait attendre : « Monsieur, nous nous battons pour ce que nous n’avons pas. »

En guise de conclusion, et pour se faire pardonner le trait de Surcouf (que l’on se gardera bien d’invalider) auprès de nos amis d’outre-Manche, rendons hommage à l’esprit anglais, dont le caractère piquant n’a rien à envier à son homologue français. . Parmi les plus célèbres punchlines, il y a bien sûr ceux de Churchill, transmis à la postérité pour le plus grand plaisir des amateurs de bons mots. Ainsi, lors d’une soirée, ayant subi une remarque de Nancy Astor sur son ivresse, il répondit : « Et tu es moche. Mais demain, je serai sobre. » Pas la plus vaillante certes, mais la députée anglaise, fréquemment provoquée, a su se défendre. Un jour, Churchill lui dit en entrant à la Chambre des communes : « Te voir à cette réunion est aussi embarrassant que si tu entrais dans ma salle de bain alors que je suis nue sans rien pour me couvrir. » Elle le rassura : “Winston, tu ne devrais pas t’inquiéter pour une si petite chose…”

La palme du cynisme revient cependant à Noël Coward, dramaturge anglais du XXe siècle. Pendant qu’il discutait, on lui a raconté qu’un acteur – dont l’histoire n’a pas retenu l’esprit – venait de mettre fin à ses jours avec une balle dans la tête. La nouvelle a suscité une grande émotion et quelqu’un a commenté : “Il a dû être sacrément désespéré pour se faire sauter la cervelle.”. L’écrivain a immédiatement corrigé : “Je dirais surtout qu’il fallait qu’il soit sacrément précis.”

 
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