Tramadol, oxycodone, morphine, fentanyl… Grande inquiétude autour des prescriptions médicales d’opioïdes en France

Tramadol, oxycodone, morphine, fentanyl… Grande inquiétude autour des prescriptions médicales d’opioïdes en France
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Père de trois enfants, ce passionné de vélo de 58 ans suivait ce traitement pour soulager les douleurs lombaires. Il explique qu’il a rapidement plongé “deux mains, deux bras et deux pieds” dans un “engrenage” de dépendance.

Chaque année, des millions de Français bénéficient comme lui d’une prescription d’un médicament analgésique opioïde (MOA), des analgésiques puissants mais très addictifs dont l’utilisation suscite l’inquiétude des professionnels de santé.

La surprescription de ces modes d’action – dont l’oxycodone – est généralement considérée comme le déclencheur de la crise sanitaire dite du fentanyl, qui a déjà causé plus d’un demi-million de morts aux États-Unis.

Entre 1999 et 2021, près de 280 000 personnes sont mortes d’une surdose d’un opioïde sur ordonnance. Rien qu’en 2021, ces substances ont causé 45 décès par jour aux États-Unis.

Médecins, laboratoires et entreprises ont été mis en cause outre-Atlantique – voire condamnés – pour leur responsabilité dans cette épidémie.

En France, spécialistes et autorités rejettent unanimement toute comparaison avec les Etats-Unis. Mais le risque de ces addictions aux prescriptions est surveillé de très près.

Tramadol, oxycodone, morphine, fentanyl… Quelque 10 millions de Français ont reçu au moins une prescription d’analgésiques opioïdes en 2015, selon le dernier inventaire, établi par l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) en 2019.

« Même si aujourd’hui en France la consommation d’opioïdes n’atteint pas le niveau des Etats-Unis ou de l’Angleterre, elle augmente néanmoins » notait la HAS en 2022 dans des recommandations aux médecins pour éviter un « banalisation » prescriptions.

12 à 13 millions de Français sont exposés aux MOA (Médicaments Analgésiques Opioïdes)

Entre 2000 et 2017, le nombre d’hospitalisations liées à la consommation d’analgésiques opioïdes obtenus sur prescription médicale est passé de 15 à 40 par million d’habitants.

Et sur quinze ans (2000-2015), les décès liés à leur consommation sont passés de 1,3 à 3,2 par million d’habitants, avec au moins 4 décès par semaine, note l’ANSM.

Rien à voir avec les chiffres américains, mais “il faut garder à l’esprit ce qui se passe aux Etats-Unis, même si les systèmes ne sont pas superposables”, estime Joëlle Micallef, présidente du réseau français d’addictovigilance et responsable du centre en région Provence-Alpes-Côte-d’Azur et Corse.

Cette structure est l’une des 13 vigies qui surveillent l’émergence de « toutes les substances psychoactives présentant un potentiel d’abus » depuis 1990.

« La convergence des différentes sources » montre CA « Les analgésiques opioïdes qui avaient une place relativement marginale progressent progressivement », note ce pharmacologue.

« Douze à treize millions de Français sont exposés aux MOA », ajoute Joëlle Micallef. Champion des prescriptions, le tramadol, un antidouleur pour « 6 millions de patients bénéficiaires ».

“Une épidémie ne survient pas du jour au lendemain” souligne Francesco Salvo, directeur du centre régional de pharmacovigilance de Bordeaux. Il décrit un “un puzzle qui se met en place” et regretter « élargir l’usage thérapeutique des opiacés » En France.

En mai 2023, la Société française de pharmacologie (SFPT) s’inquiétait également de l’augmentation des prescriptions d’oxycodone.

La prescription des MOA est très réglementée et pourtant…

La prescription des analgésiques opioïdes – certains sont classés parmi les stupéfiants – est très réglementée : délivrance sur ordonnance sécurisée pour certaines substances, durée maximale de prescription, contrôle régulier du patient.

Mais plusieurs patients contactés affirment avoir bénéficié de prescriptions au-delà des délais.

Sara (prénom modifié), 40 ans, est de celles-là.

Depuis l’adolescence, elle souffrait de migraines “se cogner la tête contre le mur.” Ainsi, en 2016, son médecin généraliste lui prescrit du dafalgan codéine, puis du tramadol pendant plus de deux ans.

“C’était des effets incroyables, comme si j’avais trouvé une formule magique” décrit cet ex-comptable en reconversion. Petit à petit, elle augmente les doses au-delà de la posologie fixée par son médecin, qui ne déprescrit cependant pas le traitement.

Oxycodone “m’a soulagé au début”. Mais “au bout de deux, trois ans, le personnage en a subi les conséquences (…) ça m’a soulagé tout en me détruisant. décrit Philippe Giffaut.

Lui et d’autres décrivent l’apparition de sueurs froides, d’états dépressifs et d’un « la peur de rater quelque chose ». «J’étais dans le jardin en train de bricoler et au bout de deux heures, je me suis arrêté parce que mon cerveau me disait d’aller frapper la boîte.» il a dit.

« Les symptômes de sevrage des analgésiques opioïdes sont exactement les mêmes que ceux de l’héroïne. » explique Nicolas Authier, psychologue responsable d’une consultation sur les toxicomanies à Clermont-Ferrand (centre).

Pour la majorité des receveurs d’analgésiques opioïdes, tout se passe bien

Parmi eux, il cite “des douleurs dans tout le corps, des sueurs, la chair de poule, des troubles du sommeil, une anxiété sévère, des tremblements.”

Mais comment identifier les risques de détournement et de troubles de l’usage, dont les causes – automédication, falsification d’ordonnance, renouvellement indu d’ordonnance – peuvent être multiples ?

« Il n’y a aucun critère qui permettrait de dire : stop, ce médicament est prescrit depuis trop longtemps » explique Nicolas Authier. Si “L’Assurance maladie peut mettre en place des mesures de contrôle sur certains traitements, elle n’est pas toujours capable de savoir ce qu’on soigne.”

Pour la majorité des receveurs d’analgésiques opioïdes, “tout va bien”, note-t-il. Mais pour certains, “il peut y avoir un profit qui diminue avec le temps” avec plus « effets indésirables ».

Interrogée sur le suivi de ces prescriptions, l’Assurance maladie a répondu que « la lutte contre les abus fait l’objet d’une politique de santé publique pilotée par l’ANSM », qui n’a pas été en mesure de fournir davantage de précisions sur les demandes de l’AFP et renvoie à son inventaire (2019).

Pour Philippe Giffaut, la retraite de son médecin généraliste et la consultation d’un autre professionnel de santé ont fait office de déclencheur.

« Quand il a découvert ce que je prenais, il a été étonné et m’a demandé comment j’en étais arrivé là » confie le vendeur, “J’étais au pied du mur, je voulais juste m’en sortir.”

Après avoir réduit les doses, son médecin l’a orienté vers une structure spécialisée en addiction qui lui a prescrit un substitut.

Les achats de Tramadol sur le marché illicite sont très difficiles à identifier

Bien que les patients dépendants du MOA ne soient pas “pas dans la majorité” dans ses consultations, leur proportion “augmenter”, elle observe également Anne Clarissou, médecin au centre addiction de Saint-Brieuc (CSAPA).

« Le problème est d’identifier la dépendance. Il faut du temps avant que les patients arrivent dans un centre spécialisé », note-t-elle, craignant que « De nombreuses situations de dépendance passent inaperçues. »

L’hypothèse selon laquelle les patients toxicomanes qui n’arrivent plus à se procurer des ordonnances se tournent, faute de soins adaptés, vers d’autres sources d’approvisionnement, notamment illicites, suscite également des inquiétudes auprès des autorités.

Avec une substance spécialement scrutée, le tramadol.

Cet analgésiquepartage certains aspects du phénomène fentanyl » observé aux États-Unis et caractérisé par l’apparition de « Les toxicomanes légaux, puis le développement d’une consommation détournée », prévient un agent de la Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED).

Les achats de tramadol sur le marché illicite sont “très difficile à quantifier”, mais ce médicament peut causer « addiction voire dépendance », poursuit le responsable. Nous observons « des niveaux de prescriptions qui pourraient conduire à un détournement de son usage par certains patients ».

Une crainte également alimentée par l’explosion du trafic de drogues de synthèse en France, notamment de dérivés de l’opium.

https://www.whatsupdoc-lemag.fr/article/un-generaliste-marseillais-ex-adjoint-de-gaudin-au-tribunal-pour-des-prescriptions

Après un long parcours, Philippe Giffaut affirme désormais avoir mis son addiction derrière lui. Il lui arrive même d’oublier de prendre son médicament de substitution : “Une victoire”.

Avec l’AFP

 
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