Le verdict du procès de Baptiste Mortier-Dumont, alias ExperimentBoy, une ancienne star de YouTube spécialisée dans la vulgarisation scientifique à travers des vidéos déjantées, sera rendu mi-octobre. Il est poursuivi depuis quatre ans pour des faits de corruption de mineurs, dont Numerama a révélé l’ampleur dans une enquête.
Il s’agit d’une affaire judiciaire sensationnelle dont le dénouement est sur le point d’être connu. Le 15 octobre prochain, le tribunal judiciaire du Val-de-Briey rendra son jugement dans l’affaire « ExperimentBoy », du nom de ce vidéaste YouTubeur poursuivi depuis quatre ans pour plusieurs plaintes de corruption de mineurs.
L’affaire, révélée à l’été 2020 dans une enquête publiée sur Numerama, a mis en lumière les témoignages de cinq personnes, mineures au moment des faits, pour des faits qui se seraient déroulés de 2013 à 2019. Le vidéaste ExperimentBoy, de son vrai nom Baptiste Mortier-Dumont, majeur à l’époque, était déjà actif sur YouTube.
Il était également une personnalité publique en devenir, avec un nombre important d’abonnés qui s’était constitué au fil des ans : sa chaîne principale compte toujours 1,1 million d’abonnés et sa chaîne secondaire 305 000, selon les chiffres du 18 septembre. Il compte également des dizaines de milliers d’abonnés sur TikTok, Instagram et Facebook.
C’est grâce à cette notoriété qu’ExperimentBoy aurait fait des avances à de jeunes adolescentes à des fins sexuelles. Il aurait demandé des photos et des vidéos à ses victimes, et les leur aurait envoyées. Ces échanges ont été évoqués à nouveau lors de l’audience du 17 septembre, à laquelle le journal Mediapart a assisté.
Trois victimes détenues par la justice
Au cours du procès, la justice a retenu trois noms : deux des témoignages proviennent de deux personnes âgées de moins de quinze ans, et le troisième d’un individu qui avait plus de quinze ans au moment des faits. D’autres témoignages avaient été entendus, mais ils ont été écartés, faute de preuves suffisantes pour corroborer les accusations.
En droit pénal, la corruption de mineur est punie par l’article 227-22 du Code pénal, qui prévoit jusqu’à cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende. Ces plafonds peuvent être portés, selon les circonstances, à sept ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende, voire dix ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende.
Des seuils qui, dans l’affaire ExperimentBoy, semblent sans importance. La journaliste Marie Turcan, ancienne rédactrice en chef de Numerama, qui a signé l’article chez Mediapart, a relevé la décision du procureur de la République de formuler des demandes d’une ampleur bien moindre : dix mois de prison ferme et un sursis simple, qui dispense le prévenu de purger sa peine.
Un procès avec une gestation difficile et longue
En réalité, ExperimentBoy pourrait devenir le premier YouTubeur français à être condamné pour des faits aussi graves. Une gravité qui, aux yeux des plaignants et de leurs avocats, ne semble pas avoir été pleinement prise en compte. Par ailleurs, le déroulement de l’enquête et du procès a également été critiqué, y compris par l’avocat de l’intéressé.
Ainsi, une seule audition d’ExperimentBoy en quatre ans a été pointée du doigt, l’absence de garde à vue et une perquisition qui n’a jamais eu lieu. Aucune exploitation du téléphone, aucune fouille du matériel informatique. A cela s’ajoutent des causes exogènes : le contrecoup de l’épidémie de covid, des victimes dispersées sur tout le territoire, le déménagement du prévenu ou encore l’encombrement des services de police.
Reste à savoir si le tribunal les suivra ou non, et dans quelle mesure. Le ministère public a toutefois ajouté deux autres demandes : d’une part, l’interdiction pour Baptiste Mortier-Dumont d’exercer une profession en lien avec les mineurs, pour une durée de cinq ans. D’autre part, une inscription au fichier des délits sexuels.
Absent lors de l’audience, Baptiste Mortier-Dumont a aujourd’hui 30 ans et a, pour l’heure, interrompu ses activités publiques sur Internet. Ses comptes liés à son image d’ExperimentBoy sont globalement inactifs depuis 2020 et la médiatisation de ces accusations. Il demeure présumé innocent des faits dénoncés depuis cette date.
L’affaire autour de l’ancienne star de la vulgarisation scientifique intervient dans le sillage du mouvement MeToo visant à libérer la parole des femmes confrontées à des actes de violences sexuelles. Un mouvement périphérique, #BalanceTonYouTubeur, avait émergé pour dénoncer de tels actes chez les influenceurs, et notamment les YouTubeurs.
Des accusations ont ainsi visé des personnalités publiques qui ont parfois donné lieu à des gardes à vue et à des enquêtes. C’est le cas notamment des vidéastes Norman Thavaud (qui a fait l’objet d’une enquête pour viol classée sans suite), Victor Bonnefoy (InThePanda), Jaoued Daouki (TheKairi78) ou encore Léo Grasset (DirtyBiology).
