Au départ, il n’était pas question d’ouvrir les projets de défense sélectionnés par la Commission de Bruxelles dans le cadre de la Coopération structurée permanente. [CSP ou PESCO] vers des pays n’appartenant pas à l’Union européenne [UE]. En tout cas, la France s’y oppose fermement. Toutefois, certains États membres ayant contesté cette restriction, Paris a dû accepter un compromis proposé par Berlin en novembre 2020.
Ainsi, un pays tiers peut participer à un projet PESCO, sous réserve de remplir certaines conditions politiques, matérielles et juridiques.
« Un pays souhaitant participer à un projet doit partager les valeurs sur lesquelles l’Union est fondée, ne doit pas porter atteinte aux intérêts de sécurité et de défense de l’Union et de ses États membres et doit avoir conclu un accord d’échange d’informations classifiées avec l’UE. , entre autres », explique le Conseil de l’Union européenne.
Le projet « mobilité militaire » [aussi appelé « Schengen militaire »]coordonné par les Pays-Bas, a été l’un des premiers à s’ouvrir aux pays tiers, à savoir les États-Unis, la Norvège et le Canada. Pour rappel, il vise à simplifier et uniformiser les procédures de transport militaire au sein de l’espace européen, que ce soit par voie ferroviaire, routière, aérienne ou maritime. Il s’agit d’une réponse aux préoccupations exprimées par l’OTAN.
Actuellement, le projet « mobilité militaire » rassemble vingt-huit pays, dont vingt-cinq membres de l’UE, dont la France. Et ils pourraient bientôt être une trentaine. En effet, après avoir invité le Royaume-Uni à l’adhérer en 2022, le Conseil de l’UE a décidé de faire de même avec… la Suisse.
N’appartenant ni à l’UE ni à l’OTAN, la Suisse avait exprimé son souhait de participer au projet de « mobilité militaire » en août 2024.
« Le projet « Mobilité militaire » vise à faciliter la mobilité militaire sur le territoire européen grâce à des processus administratifs standardisés. Les demandes de passage des frontières peuvent ainsi être traitées et approuvées en quelques jours. […] La simplification des processus profitera aux engagements de la Suisse à l’étranger, notamment dans le cadre de la formation ou de la promotion militaire de la paix. La participation au projet n’entraîne aucune obligation ni automatisme. La Suisse continuera à évaluer les demandes au cas par cas», a alors expliqué le Conseil fédéral. [gouvernement] suisse.
Via un communiqué diffusé le 13 janvier, le Conseil de l’UE a donc annoncé qu’il autoriserait les Pays-Bas à “inviter officiellement la Suisse à participer à ce projet CSP”, étant entendu que cette dernière “remplissait les conditions générales” pour être admise. et que cela « apporterait une valeur substantielle ».
-A noter que les convois militaires européens sont régulièrement autorisés à traverser la Suisse. Ce fut le cas en mars 2024, lorsque la France a renforcé la « Force de réserve stratégique » [SRF] de la mission européenne Althea, en Bosnie-Herzégovine.
« Ce convoi ferroviaire français ne nécessite pas d’autorisation pour le transit du matériel de guerre qu’il transporte, étant donné qu’il est destiné à l’engagement international. [la mission EUFOR ALTHEA] auquel la Suisse participe également», expliquait alors le gouvernement suisse.
Il n’en reste pas moins que depuis le début de la guerre en Ukraine, la Suisse semble s’éloigner de plus en plus de sa neutralité. Ce point avait déjà été évoqué au moment de l’annonce concernant l’achat de trente-six chasseurs-bombardiers F-35A aux Etats-Unis, certains y voyant un risque pour l’autonomie de la politique de sécurité du pays. . Ce que le Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports [DDPS] avait réfuté, en utilisant peu ou prou les mêmes arguments, pour justifier la participation de la Confédération à l’initiative européenne sur le bouclier aérien [ESSI – European Sky Shield Initiative]lancé par l’Allemagne dans le cadre de l’OTAN.
Publié en août dernier, un rapport commandé par le DDPS à un comité d’experts a renforcé cette approche, puisqu’il préconisait une collaboration encore plus étroite avec l’OTAN et l’UE.
«Si la Russie attaquait l’Allemagne, la Suisse pourrait-elle prétendre être en sécurité avec l’argument de la neutralité et attendre que l’ennemi arrive à ses portes pour agir ? Je n’y crois pas», a alors justifié François Pointet. [vert’libéral]l’un des membres de cette commission d’étude, au site d’information suisse Watson.
Photo : Groupe Défense – Armée suisse