Près d’un an plus tard, les Universalistes ont répondu aux attentes de son initiatrice Djemila Benhabib : le mouvement «agi et influencé le débat collectif ». L’exemple le plus flagrant est le débat en cours sur l’influence de l’islamisme au sein des écoles. Ainsi, le manifeste des Universalistes est évoqué positivement dans l’ouvrage Allah n’a rien à faire dans ma classe, ce qui, en grande partie, a déclenché ce débat politique. Ce sont aussi les universalistes qui ont permis à des enseignants inquiets de «l’entréeisme religieux dans les écoles » rencontrer la ministre de l’Éducation Valérie Glatigny (MR) et qui lui a inspiré plusieurs pistes de réflexion avant de présenter, cet hiver, son plan de lutte contre la radicalité à l’école.
Mi-décembre, Marc Uyttendaele a participé à une soirée d’échanges organisée par le Centre Jean Gol (le bureau d’études MR) sur cette même question. Il n’y était pas présenté comme l’un des cadres des Universalistes, mais il portait la ligne et le volontarisme du mouvement.
Plusieurs élus de différents partis lancent un mouvement universaliste et anticommunautaire : « Est-ce qu’on en fera un parti politique ? Nous ne savons pas.
Pour une neutralité exclusive
Car les Universalistes, c’est leur première caractéristique, n’évitent ni la bataille des idées ni la désignation – nominative – de leurs adversaires. Durant leur première année d’existence, ils occupèrent principalement l’enceinte de l’école.menacé par l’islamisme ».
Pour mener ce combat, ils militent pour l’inscription de la neutralité dans la Constitution, et luttent contre le port de signes de conviction au sein des pouvoirs publics, de l’administration et de l’enseignement public. Leur conception de la neutralité – c’est une seconde de leurs caractéristiques – peut être nuancée «d’exclusivité». La liberté religieuse n’est pas niée, mais les religions ne peuvent pas intervenir dans la sphère publique. C’est pourquoi ni les enseignants ni le personnel administratif ne peuvent arborer des signes de conviction. Les Universalistes militent en ce sens pour la neutralité »en fait et en apparence ». En dehors d’une telle conception de la neutralité, il n’y a pas de salut au vivre ensemble, suggèrent-ils.
« Une machine de guerre »
Sur ce point, le mouvement dit répondre «adversaires ». Djemila Benhabib et Marc Uyttendaele accusent notamment Unia (l’établissement public interfédéral indépendant qui lutte contre les discriminations et promeut l’égalité) de «participer à l’effritement de la neutralité » en favorisant une conception plus flexible de celui-ci.
Si l’on regarde son travail, Unia considère que la neutralité des services publics est un «principe essentiel »mais qu’elle doit être combinée avec le principe des libertés de pensée, de conscience, de religion, d’expression… Cependant, la restriction d’une liberté (ne pas porter de signes de conviction, par exemple) doit être conçue comme une exception, et non comme une règle générale. . Par ailleurs, aux yeux d’Unia, le principe de neutralité d’un service n’exige pas systématiquement une neutralité d’apparence. Les différences sont donc réelles entre Unia et les Universalistes.
L’école est confrontée à des menaces identitaires, communautaires et religieuses. Laissons le monde politique agir !
Au-delà, Marc Uyttendaele s’est exprimé devant le Centre Jean Gol (et l’a confirmé dans une interview) sur l’existence en Belgique “d’une machine de guerre en action permanente”inondant la doctrine et les revues juridiques, et plaidant pour une neutralité inclusive (une neutralité plus conciliante avec l’expression des convictions). Ce “pôle de combat” serait incarné par des constitutionnalistes de l’Université Saint-Louis et de l’ULB. Près Le LibreDjemila Benhabib abonde dans le même sens, regrettant l’influence en Belgique d’une école juridique anglo-saxonne promouvant les droits des individus, au mépris des règles collectives indispensables à un Etat de droit.
Co-directeur du Centre de recherches constitutionnelles de Saint-Louis, Mathias El Berhoumi juge ces propos “incroyable” (« nous ne nous inscrivons pas dans une démarche activiste »), «peu nuancé», “au bord du complot » (« on est rarement tous d’accord entre collègues ») et «ignorant de l’histoire constitutionnelle belge ». “Ouiil admet, le discours juridique majoritaire dans les universités belges protège l’individu, mais il le fait dans le sillage de la Constitution et de la Convention européenne des droits de l’homme. Ce n’est donc pas le résultat d’une mode récente. Par ailleurs, l’histoire belge démontre que la neutralité exclusive n’est pas la seule garante de la vie civique. Le principe du pluralisme à la belge qui régit les relations entre l’État et les cultes ne nie pas les affiliations, tout en visant la neutralité constitutionnelle : le subventionnement de l’enseignement catholique en est un exemple.
L’accueil du MR
L’existence des universalistes (qui revendiquent 2 500 signataires de leur manifeste) illustre un conflit idéologique serré au sein des instances académiques, judiciaires ou associatives, sur la neutralité de l’État. “Chacun peut définir cette notion à sa manière et la Belgique n’a jamais fait de choix clair entre neutralité inclusive et neutralité exclusive”souligne Marc Uyttendaele. Les universalistes entendent donc peser dans ce débat en promouvant une sorte de laïcité à la française. Pour l’heure, c’est du MR (et du Défi) qu’ils reçoivent le plus chaleureux accueil. Un paradoxe pour Djemila Benhabib et Marc Uyttendaele, qui se disent de gauche. Mais ils entendent poursuivre leur combat, l’étendre à d’autres couches de la société et réveiller leur gauche. À suivre.