Avant Cité de Dieu, le road movie qui a relancé le cinéma brésilien : Central do Brasil

Alors que Walter Salles sera bientôt de retour sur grand écran, retour sur le film qui a propulsé le réalisateur aux Oscars au tournant des années 2000 : Centre du Brésil.

Le 15 janvier sortira le film brésilien je suis toujours làune fresque familiale sur la dictature militaire qui a secoué le Brésil des années 1960 aux années 1980. Derrière la caméra, on retrouve le cinéaste brésilien Walter Salles, mondialement reconnu pour ses deux road movie ambitieux : Carnets de voyageoù il représentait le voyage fondateur du jeune Che Guevara à travers l’Amérique du Sud et le plus hollywoodien Sur la routeadapté du texte culte (et réputé inadaptable) de Jack Kerouac, avec Kristen Stewart, Sam Riley et Garret Hedlund.

Si ce dernier exemple illustre l’incursion habituelle à Hollywood de cinéastes non américains, Walter Salles reste reconnu pour sa contribution au cinéma brésilien.et plus largement sud-américaine sur la scène mondiale.

Issu de la dictature, Che Guevara et Jack Kerouac : sans aucun doute, Salles est un cinéaste animé par un certain sens de la politique, et par les thèmes du voyage et de l’exil. Mais son amour pour les road movie se manifeste juste avant le tournant des années 2000, dès son troisième film, Centre du Brésil. Une œuvre qui représente un véritable tournant dans sa carrière, puisque le réalisateur reçoit alors une importante reconnaissance critique, qui le place sur le devant des principaux festivals de cinéma.

« Laissez-moi vous raconter une histoire de réussite »

je vais à Rio

Festival du Film de Berlin, 1998. Lors de la cérémonie de clôture, c’est une coproduction franco-brésilienne qui a reçu le prestigieux Ours d’Or, face à des mastodontes comme Le Grand Lebowski, Will chasse ou Jackie Brun. Ce film qui séduit les frères Coen, Gus Van Sant et Tarantino est Centre du Brésille troisième long métrage d’un réalisateur brésilien issu du documentaire, qui s’était déjà fait remarquer trois ans plus tôt avec le thriller sur fond d’exil Terre lointaine.

Qu’est-ce qui entre en contradiction avec l’idée de Centre du Brésilc’est sa manière de reprendre le genre classique (et très américain) du road movie pour représenter la cartographie d’un Brésil méconnu : celle du nord-est, de la précarité et des zones arides. Le film débute à Rio de Janeiro, dans une gare, où Dora, une ancienne enseignante à la retraite, tient un petit stand où elle écrit des lettres pour les analphabètes.

Elle y rencontre le petit Josué, neuf ans, et sa mère, qui souhaite écrire au père de Josué pour qu’il fasse connaissance avec son fils. Mais peu de temps après, la mère de Josué décède subitement après avoir été heurtée par un bus : plutôt que de laisser le jeune garçon à la rue, Dora se donnera alors pour mission de l’emmener chez son père, à l’autre bout de la rue. pays.

Centre du BrésilCentre du Brésil
En larmes, dites-vous ?

Le scénario lui-même reflète l’intention politique du réalisateur : quittez la ville si fantastique de Rio de Janeiro pour voyager à l’intérieur des terres et reconquérir les zones rurales. Historiquement, le road movie a toujours été le genre cinématographique de la conquête du territoire, de l’exploration des espaces périurbains et ruraux, impliquant parfois de mettre en lumière la précarité de ces espaces.

En se réappropriant ce genre, Walter Salles décide de mettre en valeur non seulement les paysages arides du Nord-Est, mais aussi les intérieurs de maisons, d’églises, de restaurants. Il multiplie alors plans moyens et plans larges, en veillant à insérer ses personnages dans des décors précaires magnifiés, pour en faire ressortir les couleurs, les inscriptions… Et l’omniprésence des motivations religieuses.

Une décoration sobre

Pourtant, Walter Salles enrobe aussi son film d’un tissu très occidentalisantqui semble écrit pour correspondre aux festivals européens et nord-américains : on ne compte plus les morceaux de piano et de violons alanguis à la manière de Yann Tiersen, qui accompagnent le visage mélancolique du petit Josué, ni les filtres jaunes sur les images du poussiéreux rues de Rio de Janeiro.

Mais il ne lésine pas non plus sur un sentimentalisme assumé, très hérité des telenovelas, connu pour pousser les curseurs du mélodrame à l’extrême. Et sur ce ton très mélodieux, il superpose des séquences à vocation plus documentaire : plans face caméra pour récolter des lettres d’illettrés, processions religieuses, chants folkloriques du Nord-Est…

Tout en abordant une déclaration globale sur la religion évangélique, l’analphabétisme, la crise économique et les pères résignés. A voir ces différents ingrédients, rien d’étonnant donc, que le film a connu un accueil triomphal dans les festivals.

L’image est-elle trop jaune ? Pensez-vous?

J’ai commencé par le bas maintenant nous sommes là

Voiture Centre du Brésil connaît un succès critique considérable qui l’amène à parcourir les principaux festivals, du prix du scénario à Sundance à la Berlinale, où il remporte l’Ours d’or du meilleur film et l’Ours d’argent de la meilleure actrice pour Fernanda Monténégro, qui interprète Dora.

L’année suivante, le film poursuit son succès en remportant le Golden Globe du meilleur film en langue étrangère. Il a été nominé pour l’Oscar du meilleur film étranger et de la meilleure actrice – mais il est reparti bredouille, battu par La vie est belle de Benigni et par Shakespeare amoureux ce qui vaudra à Gwyneth Paltrow le prix d’interprétation.

Ce succès critique est une première pour le cinéma brésilien qui manquait de reconnaissance depuis plusieurs décennies – plus précisément depuis les années 1960 et le cinéma novo très intellectuel, directement inspiré de la Nouvelle Vague, donc extrêmement confidentiel.

Centre du BrésilCentre du Brésil
Une superstar aux Oscars

Sur le territoire brésilien, Centre du Brésil connaît un succès public tout à fait honorable, qui s’explique en partie par le casting de Fernanda Monténégro, une actrice de cinéma et de telenovela extrêmement célèbre, pour le rôle principal. Le film totalise plus de 1,5 million d’entrées : un petit exploitdans la mesure où les exploitants sont réticents à programmer du cinéma national, et le film souffre en même temps de la concurrence d’un certain blockbuster appelé… Titanesque. À l’international, il générera un box-office total de près de 6 millions de dollars.

Cependant, cet accueil critique et public permettra de relancer la production cinématographique nationale au Brésil, au point de créer une nouvelle période dans l’histoire de son cinéma : la reprise (la «reprise»)ce qui s’illustre par la relance du système de financement des films au milieu des années 1990, et leur diffusion à l’échelle mondiale, notamment à travers les circuits de festivals prestigieux. Et si le rôle de Walter Salles a été déterminant dans cette relance, il n’a pas été en reste par la suite, puisqu’il sera aux manettes de l’un des plus grands succès internationaux du cinéma brésilien : La Cité de Dieu.

Centre du BrésilCentre du Brésil
Pas le même ton

Et Centre du Brésil annonce l’arrivée du Brésil dans le cinéma international, La Cité de Dieu c’est l’explosion. Réalisé par Katia Lund et Fernando Meirelles, avec Walter Salles comme producteur exécutif, le film a été présenté hors compétition au Festival de Cannes 2002, a récolté quatre nominations aux Oscars (meilleur réalisateur, meilleur scénario adapté, meilleur montage et meilleure photographie) et est également sélectionné pour les Golden Globes et les BAFTA.

Mais c’est surtout côté public que le film se démarque, puisqu’il totalise plus de 3 300 000 entrées au Brésil, et génère un box-office mondial de 30 millions de dollars. Il faut dire que l’esthétique ultra-pop du film, qui se concentre sur les chroniques d’un quartier violent de Rio de Janeiro sur plusieurs années, était plutôt de nature à laisser une impression durable.

Ah, enfin on respire

Malgré le succès de Centre du Brésil et de La Cité de Dieu qui a creusé les sillons d’un renouveau du cinéma national, ce renouveau s’est estompé à partir du milieu des années 2000, tenant difficilement face à la prédominance des blockbusters hollywoodiens sur le marché national. Dix ans plus tard, Walter Salles se retrouve aux côtés d’un autre réalisateur qui assurera la relève du cinéma d’auteur brésilien : il s’agit de Kleber Mendonça Filho, dont le film Verseauqui a fait sensation à Cannes, est coproduit par le réalisateur de Centre du Brésil.

Si le financement public du cinéma brésilien n’a jamais été réputé pour sa solidité, il a néanmoins été sérieusement mis à mal depuis le gouvernement Bolsonaro, qui a déclaré vouloir mettre fin à l’Agence nationale du cinéma – un équivalent du CNC brésilien – en le mettant sous sa surveillance. Il n’y a donc rien d’anodin dans ce que je suis toujours làLe nouveau film de Salles revient sur les fondements de la dictature militaire, comme pour tenter de nous en faire un douloureux rappel.

 
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