Le réalisateur américain Robert Eggers revisite « Nosferatu », le classique du cinéma muet de Murnau sorti en 1922.
Une variation sur le mythe de Dracula interprétée par Lily-Rose Depp, Nicholas Hoult et Bill Skarsgård
Son auteur a confié à TF1Info sa fascination pour l’œuvre originale qui le hante depuis son enfance.
A l’heure où Hollywood a perdu le goût du risque, il faut être un peu fou, ou sacrément talentueux, pour oser faire un nouveau remake de Nosferatu le vampire, le classique du maître du cinéma expressionniste allemand FW Murnau sorti en 1922. Après une première relecture significative par Werner Herzog en 1979 avec Klaus Kinski et Isabelle Adjani, c’est au tour du jeune réalisateur américain Robert Eggers de se frotter au mythe avec un film long – captivant, en salles ce mercredi.
“C’est une idée sur laquelle je travaille un peu bêtement depuis une décennie», dit l’auteur de Le Nordiste à TF1Info. “C’était sans fin, je n’ai jamais eu le feu vert de mes producteurs et il y a trois ou quatre ans, j’étais persuadé que ça n’arriverait jamais. Comme si Murnau me disait : ‘Ne fais pas ça !'”, rit-il.Lorsque nous abordons un projet comme celui-ci, nous luttons à la fois avec notre fierté et nos peurs..»
J’ai vu le film de Murnau pour la première fois quand j’avais 9 ans
Robert Eggers
Si vous avez raté le début, le premier Nosferatu était une adaptation déguisée de Draculale roman de Bram Stoker dont Murnau n’avait pas obtenu les droits. La veuve de l’écrivain irlandais a également ordonné la destruction de toutes les copies. Mais certains ont échappé à leur sort et ont circulé aux Etats-Unis et en France dans les années 1930, ce qui en fait l’un des tout premiers films d’horreur de l’histoire du Septième Art, aussi poétique qu’inquiétant.
Amoureux passionné de l’œuvre originale, Robert Eggers en a conservé la sève vénéneuse. En 1838, dans la ville portuaire allemande de Wisbourg, Thomas Hutter, un jeune clerc de notaire, est envoyé par son patron en Transylvanie pour conclure un contrat immobilier avec le mystérieux comte Orlok. Malgré l’avertissement d’Ellen, sa jeune épouse hantée par un cauchemar récurrent, il va se jeter dans la gueule du monstre. Et l’élu de son cœur par la même occasion…
“J’ai vu le film de Murnau pour la première fois quand j’avais neuf ans et j’en ai fait une adaptation scénique quand j’étais adolescente.», rappelle Robert Eggers. “Nosferatu est un film important pour beaucoup de gens, mais je n’ai pas peur de dire qu’il fait partie de qui je suis. Après, il ne suffit pas d’être obsédé par quelque chose et d’être un adorateur un peu stupide. Tu as besoin d’une bonne raison pour recommencer.» Le cinéaste y parviendra grâce à une idée qui modernise complètement le mythe.
“Je me suis souvenu que Murnau et le scénariste Henrik Galeen décrivaient Ellen comme une somnambule.», raconte le cinéaste. “Au XIXème siècle, ces peuples étaient considérés comme étant en lien avec un autre monde. Je me suis dit que si j’amplifiais le personnage féminin en la plaçant au cœur de l’intrigue, il y avait le potentiel d’une histoire plus forte émotionnellement et plus complexe psychologiquement, plus que l’aventure d’un agent immobilier !“
La performance de Lily-Rose est si courageuse, si brute, c’est exactement ce qu’il fallait
Robert Eggers
Agrandi par la photo en clair-obscur du directeur de la photographie Jarin Blaschke, le Nosferatu de Robert Eggers plonge le spectateur dans une atmosphère sépulcrale et inconfortable, presque aux antipodes esthétiques de Dracula rouge-passion de Francis Ford Coppola au début des années 1990. Malgré toute sa noirceur, on reste parfois sans voix devant la beauté de ce cauchemar gothique et de ses acteurs.
Actuellement affiché dans Juré n°2 de Clint Eastwood, le Britannique Nicholas Hoult est irrésistible en jeune mari martyr tandis que Lily-Rose Depp livre une prestation époustouflante en sage beauté victorienne, tourmentée par l’appel du diable. “Sa performance est si courageuse, si brute, c’est exactement ce qu’il fallait», raconte Robert Eggers à propos de la fille de Johnny Depp et Vanessa Paradis. “Lors de son audition, elle nous a tous laissés en larmes.»
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Difficile enfin de ne pas interroger Robert Eggers sur l’incroyable travail de Bill Skarsgård, l’acteur suédois déjà terrifiant en clown tueur dans le récentt que selon Stephen King. “Il a eu du mal à s’en remettre, il en parle pas mal lui-même en ce moment», explique le cinéaste. “Sans doute parce qu’il avait besoin d’absorber toute la noirceur du personnage. Je me souviens du jour où après plusieurs essais, son regard disparut derrière celui d’Orlok. C’était très excitant… et carrément effrayant.»
>> Nosferatu par Robert Eggers. Avec Lily Rose-Depp, Nicholas Hoult, Bill Skarsgård. 2h12. Au cinéma mercredi