Nouveau délire

Il n’y a pas vraiment de bonne ou de mauvaise raison de critiquer un film sur Nanarland. En général nous le faisons parce que c’est une belle chose et nous avons envie d’en parler, de la faire découvrir, de partager l’émotion et le plaisir de la découverte.

Mais parfois, comme ici, nous le faisons pour garder une trace. Face à un film pas si drôle mais particulièrement curieux, gênant, improbable ou tout ça à la fois, on ressent le besoin d’en parler, ne serait-ce que pour passer à autre chose. Nous disons aussi que, dans une certaine mesure, si Nanarland n’en parle pas, qui le fera ?

Voyons d’abord l’objet Nouveau délire de l’exterieur. La couverture ressemble à un défi : «Un film Bollywood détourné par Eric le Roch», clame-t-elle comme s’il y avait de quoi être fière, avant de mettre en avant le casting vocal le plus WTF de ce côté-ci de la planète. Portes du Soleil.

Alors que nous sommes encore en train de traiter la moitié supérieure de l’image, le bouclier en bas à gauche apparaît : «Pierre et Marie Curry ont adoré !» se vante-t-il pour nous achever. Une création graphique touchant au sublime, promettant une œuvre capable d’atteindre les plus hauts sommets de la Cordillère du Malaise en mêlant racisme double et humour décomplexé. Ou le contraire. On n’a même pas commencé le film et on se retrouve déjà sur la défensive.

Nous ne sommes pas prêts. Nous savons juste que cela va coûter cher.


Nouveau délire
n’est donc pas un film ordinaire : c’est un détournement humoristique dans la tradition du La dialectique peut-elle casser des briques Ou classe américaine. Il s’agit d’un réassemblage et d’une reduplication de Saajan Chale Sasuralune comédie romantique sortie en Inde en 1996 réalisée par David Dhawan et mettant en vedette Govinda, Karisma Kapoor et Tabu.

Le film connaît un grand succès public en Inde dès sa sortie, mais n’est pas particulièrement remarquable lorsqu’il est projeté en France. Le choix de Saajan Chale Sasural comme motif de détournement est aussi un premier motif d’étonnement si l’on considère que le cinéma indien produit régulièrement des films beaucoup plus guignolesques, qui auraient été plus ouverts à la parodie.


Saajan Chale Sasural
raconte la romance entre Shyamsundar Gupta (joué par Govinda dans la version originale, rebaptisé Bobby et doublé par Pascal Légitimus dans Nouveau délire), jeune chanteuse paysanne à la voix d’or partie tenter sa chance en ville, et Divya Khurana (interprétée par Tabu en VO, rebaptisée Fanny et doublée par Mathilda May dans Nouveau délire), fille du plus grand producteur de musique du pays (Jean-Marie Bigard). Leur mariage est contrarié lorsque Shyamsundar apprend que sa première femme (Karisma Kapoor / Paula en VF / Hélène de Fougerolles) qu’il croyait morte est bien vivante et il se retrouve donc accidentellement bigame. Gags et incompréhensions se succèdent lorsque le beau gosse tente de gérer ses deux mariages et sa carrière naissante, tout en devenant la cible d’un redoutable groupe de Bad Guys™.

Voix off Vervet : « Une robe goût de chiot… Des lunettes Afflemou… Des invendus du catalogue Trois Cuisses ».

« Toi, avec tes rayures sur le front, tu peux toujours être sponsor d’Adidas ! Haha ! Ha. Ha. Argh.

« Machin », l’acolyte de Bobby, est doublé par Luis Rego en français. Le gars avec le casque à cornes est une blague que nous n’avons pas comprise.


Nouveau délire
reprend largement l’intrigue du film original, en ajoutant des blagues boiteuses, des effets sonores « drôles » et des gags visuels insérés plus ou moins aléatoirement dans l’image. Le montage est aussi plus court, 1h25 là où l’original selon IMDB faisait 2h15 – franchement ce n’est pas pire, je ne suis pas sûr qu’on aurait enduré trois quarts d’heure de plus sans risquer à la fois la rupture d’anévrisme et celles de diplomatie rapports.

Comme toujours avec les comédies qui bourrent 10 gags par minute, il y en a une poignée qui marche : un running gag de Pascal Légitimus s’exclamant «Vous n’aurez pas ma liberté de pensée !” Chaque fois que Bobby est battu lors de combats, le générique de Fort Boyard qui est lancée lors d’une scène de cascade, ou cette réplique lorsque Bobby vient libérer ses amies emprisonnées : «Je vais te détacher, tu as du K2R ?!» nous a fait rire aux éclats. C’est tout, oui, ça fait trois. [NDLR : Et encore Barracuda est le seul ici à avoir ri à la blague du K2R] [Note de Barracuda : J’assume.]

Voyez-vous, ici, s’ils avaient juste écrit « José Bové », ça ferait une blague, mais en écrivant « José Beauvais », ça ferait DEUX blagues d’un seul coup ! C’est ça le pouvoir de l’humour français !

Un mot sur les inserts visuels, qui sont à la fois la principale originalité du film par rapport à ses modèles de détournements, et la source des blagues les plus angoissantes. Un mot que j’ai dit, ou plutôt une série de titres parce que les mots nous manquent.

Mouhahaha le « Concours de vieilles laides » à « Pek’Noz » !!!!!!!

Ce film est une véritable refonte… Mahal ! Tu l’as ? Mahal remontage !

Il y a aussi un gag récurrent qu’on n’a pas compris, avec l’insertion d’un gars jouant au golf en arrière-plan d’une dizaine de scènes.

Si Nouveau délire Si ça échoue comme comédie, c’est parce que ce n’est pas très drôle, et si ça échoue comme comédie, c’est parce que ce n’est jamais très surprenant. Que se dit-on en voyant la couverture et en lisant le résumé ? Que tout le projet sera insupportablement condescendant envers le cinéma indien, que les blagues seront épouvantables et que la seule inconnue est de savoir s’il sera un peu raciste, moyennement raciste ou très raciste. Et c’est exactement ce qui se confirme au visionnage. La toute première ligne du film voit Bobby se plaindre «Les Roumains qui ont envahi les rames du métro« . La blague sur « Pierre et Marie Curry » est recyclée trois fois dans le film. La seule chose qui n’était peut-être pas venue ici, ce sont les « tarlouzes », « pédés » et autres « pédés » généreusement parsemés tout au long du film, sorti on s’en souvient en 2007.

Quand on a une bonne valve, on ne la laisse pas filer comme ça !

Et la fin.

Nous avons reporté ce moment le plus longtemps possible, mais nous devons vous parler de la fin.

Nous sommes juste avant la séquence de chant finale. Alors que Bobby doit choisir entre ses deux amoureuses, Pascal Légitimus et Eric Le Roch interrompent le film et apparaissent devant la caméra. Ils invitent (fictivement, en fait il s’agit d’un mini-sketch) le téléspectateur à voter par SMS pour décider laquelle des deux épouses deviendra légitime et laquelle réactivera son compte Meetic. Et ils le font… déguisés en « Indiens ». Avec le point rouge hindou traditionnel sur le front. En pleine face brune.

Apporter une réponse définitive à la question du niveau exact de racisme dans le film.

Ponctuée de blagues sur le football, la gastro, Limoges et Thierry Ardisson, la séquence n’a rien de drôle, ni de ringarde à proprement parler, mais elle provoque certes un sentiment de gêne d’une intensité rarement vécue ailleurs. En plus c’est interminable (3 minutes en temps réel, 3 heures en cachant vos yeux derrière vos doigts en temps réel).

*Soupir…*

Nous revenons à la source de cette chronique de Nouveau délire : cette sorte de dérapage filmique aussi incontrôlé qu’improbable, cette cascade qui n’aurait jamais dû être tentée, ce moment de cinéma qu’on prend comme un atemi à la gorge et qui vous laisse haletant de honte dans son fauteuil… oui on ne le fait pas Je n’en parlerai pas sur Nanarland, qui le fera ?

Au moins, ils semblaient s’amuser à le faire…

 
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