Est-ce que tout le monde mérite d’être invité à la télé ? La question fait débat suite au passage houleux de l’influenceur viriliste Julien Bournival à Tout le monde en parle Dimanche soir. Malgré les critiques, Guy A. Lepage et le coproducteur Guillaume Lspérance restent convaincus qu’il avait sa place sur le plateau.
« Je ne veux pas recevoir des personnes qui ont commis des actes criminels. C’est ma limite. Mais pour le reste, je suis contre la Cancel Culture, même pour les gens qui disent des choses avec lesquelles je ne suis pas du tout d’accord. Ce n’est pas comme ça qu’on fait avancer une société », raisonne Guy A. Lepage, en entrevue avec La presse Lundi.
Pour parler du documentaire Alphasqui s’intéresse à la montée des idées masculinistes sur les réseaux sociaux, l’équipe de Tout le monde en parle a jugé bon d’inviter au moins un des influenceurs ayant participé au film. Même si la présence de Julien Bournival a provoqué un grand malaise sur le plateau, donnant lieu à de vifs échanges, la production estime encore après coup que c’était la bonne chose à faire.
Si c’était à refaire, nous le referions. J’accepte le fait que cela a suscité la controverse et que cela aurait pu mettre les gens mal à l’aise.
Guillaume Lspérance, coproducteur de l’émission
« Cela fait partie de mon rôle de producteur de susciter le débat, et cela fait surtout partie de l’ADN de Tout le monde en parle depuis 20 ans », poursuit Guillaume Lspérance, coproducteur de l’émission.
Équilibrer le débat
Sur les réseaux sociaux, Julien Bournival prône un retour aux valeurs traditionnelles. A Tout le monde en parleil a notamment tenté de relativiser certains propos tenus par l’influenceur misogyne Andrew Tate. Julien Bournival était accompagné dimanche soir du journaliste Simon Coutu, qui a signé ce documentaire sans concession sur le mouvement masculiniste.
Joël McGuirk, un influenceur aux idées très antiféministes qu’on a aussi pu voir lundi soir à Télé-Québec dans Alphasil fallait aussi être avec eux au tableau. Il a été désinvité, l’équipe ayant préféré que le professeur et essayiste Francis Dupuis-Déri, qui a étudié les mouvements masculinistes et qui se montre très critique à leur égard, se joigne à la discussion.
«Dès vendredi, lorsque nous avons annoncé les invités, j’avais des doutes. Je pensais que ce n’était peut-être pas assez équilibré. On a continué à en discuter avec l’équipe toute la journée de samedi, on a entendu les critiques, et dimanche matin, on a décidé d’inviter plutôt Francis Dupuis-Déri pour mieux équilibrer le point», explique Guillaume Lspérance, qui indique n’avoir reçu aucune réponse. pression de Radio-Canada.
“C’est un privilège”
La sexologue Anne-Marie Ménard, qui compte près de 85 000 abonnés sur Instagram, fait partie de ceux qui estiment que Julien Bournival n’aurait pas non plus dû apparaître en direct en prime time à la télé. Elle est l’instigatrice d’une pétition qui demande aux producteurs de Tout le monde en parle “de revoir leur politique d’invitation”. Lundi en milieu d’après-midi, près de 30 000 personnes l’avaient signé.
« Pour moi, c’est un privilège d’avoir une tribune dans un programme aussi populaire que Tout le monde en parle. C’est une manière de gagner en visibilité et en popularité. En invitant Julien Bournival, nous contribuons à normaliser un discours très violent envers les femmes », insiste Anne-Marie Ménard.
Le spécialiste de la radicalisation David Morin est moins tranchant. Mais il s’interroge aussi sur la pertinence d’inviter quelqu’un comme Julien Bournival à Tout le monde en parle.
« Nous parlons de quelqu’un qui a moins de 8 000 abonnés. C’est très peu», illustre ce professeur de l’Université de Sherbrooke.
En offrant un micro aux heures de grande écoute à quelqu’un d’aussi marginal, on lui donne la possibilité de se poser en victime et d’édulcorer son discours pour attirer de nouveaux abonnés.
David Morin, spécialiste de la radicalisation
Guillaume Lspérance n’est pas seulement producteur de Tout le monde en parlemais aussi celui qui a produit le documentaire Alphas. Il s’étonne de l’ampleur de la polémique depuis le week-end et constate une certaine dérive.
“J’ai un sérieux problème avec ces gens qui se croient au-dessus de la mêlée et qui tentent de dicter ce qui peut être diffusé ou non”, déplore-t-il. À partir du moment où l’on fait taire certaines voix, je trouve que cela ne favorise pas la discussion. Au Québec, contrairement à la France, on est prompt à crier au boycott ou à se rebeller dès que le ton monte un peu à la télévision. Cela m’inquiète. »