La réalisatrice française et son actrice Demi Moore ont secoué le Festival de Cannes avec « The Substance », un film d’art et d’essai sanglant contre la dictature de la beauté féminine.
« Le cinéma de genre est politique », clame Coralie Fargeat. Elle serait presque une militante, une rebelle. Son film « The Substance » n’est certainement pas à montrer aux âmes sensibles, car il regorge de scènes sanglantes. Mais c’est aussi un pamphlet de cinéaste contre les codes machistes d’une société qui fait de la beauté féminine éternelle une question de principe. Un diktat auquel se soumet son héroïne : animatrice télé virée le jour de ses 50 ans, Elisabeth Sparkle (Demi Moore, incroyable) découvre cette fameuse substance qui va la rajeunir. Pour mieux la tuer. « Se sentant rejetées, ne correspondant pas à ce que la société attend de nous, ce sont ces lignes très simples, très puissantes qui ont construit les grands mythes littéraires ou philosophiques », explique le réalisateur. Et, pour moi, le cinéma de genre, dans sa relation ludique avec le spectateur, met souvent en scène ceux qui se trouvent en marge d’un système dégradant. »
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En pleine révolution #MeToo, c’est une grâce salvatrice. Pour Coralie Fargeat, penser que les choses commencent à changer est une illusion. « Les questions de violence, de pouvoir et de représentation régissent le monde. On peut prendre conscience, dénoncer, mais le reste de l’iceberg ne bouge pas. Les forces de résistance sont toujours très puissantes, les statistiques sur le nombre d’attaques et de viols par minute restent terrifiantes. Face à l’ampleur du désastre, nous ne pouvons pas continuer comme si de rien n’était. D’où ce film en forme de grand cri. »
Prix du scénario à Cannes
Dans l’ambiance feutrée du Festival de Cannes, « The Substance » n’est pas passé inaperçu. Inconfort lors des projections, invectives entre spectateurs indignés et éloges d’un chef-d’œuvre. Mais il a surtout révélé au public un cinéaste de grand talent. Son film, graphique et clinique, n’aurait pas déplu à Kubrick, Lynch ou Cronenberg, sources d’inspiration évidentes. Coralie Fargeat parvient même à faire passer son long-métrage pour une production hollywoodienne tournée en plein Los Angeles, alors qu’il a été réalisé avec peu de moyens entre Cannes et Antibes… Demi Moore ne s’y est pas trompée. «Je pensais vraiment qu’elle ne voudrait pas du tout nuire à son image. Et d’ailleurs, elle nous a fait des retours très positifs sur le scénario. Elle sentait l’importance de la démesure, de la nudité. C’est quelqu’un qui sort des sentiers battus. »
La jeune femme, ancienne étudiante de Sciences Po et d’école de cinéma, a pris son temps. Quelques courts métrages puis un premier film remarqué en 2018, « Revenge », déjà manifeste gore et féministe, écrit avant l’affaire Weinstein. Non sans difficulté : « J’ai grandi en voyant « Star Wars » et « Indiana Jones », je me sentais vivant en regardant ces films « plus grands que nature ». C’est pour cela que les histoires que j’écrivais ne se trouvaient pas dans l’imaginaire français, je n’y avais pas ma place. » Depuis sa sélection cannoise, et le prix du scénario décerné par le jury du Festival, elle est LA réalisatrice à suivre. « Ma mise en scène prend forme à partir du scénario. Le moindre détail, la moindre image, tout est écrit », souligne Coralie Fargeat. Désormais, Hollywood ne parle plus que d’elle et pense déjà aux Oscars. Avec ou sans substance…