La sortie imminente de Furiosal’apocalypse écologique à venir… Toutes les occasions sont bonnes pour revenir sur la saga Mad Maxà travers un classement.
Grâce au triomphe critique de Route de la fureurGeorge Miller a enfin repris le contrôle de la saga qui l’a fait connaître : Mad Max. Le cinéaste australien au parcours aussi rude que passionnant racontera la jeunesse et les combats de son héroïne (anciennement incarnée par Charlize Theron et désormais pilotée par Anya Taylor-Joy) dans Furiosa : Une saga Mad Max à partir du 22 mai. Et à la rédaction d’Ecran Large, certains frémissent d’impatience.
Car la saga n’est pas qu’un moyen pour Miller et Mel Gibson de s’implanter à Hollywood ou une simple licence de studio. C’est un champ d’expérimentation assez unique dans l’histoire du cinéma, depuis les films d’art et d’essai punk jusqu’aux grands spectacles populaires. Notre classement réserve peu de surprises, mais constitue surtout un excellent prétexte pour revenez à chaque section, du pire au meilleur (de gentil à extrêmement excellent).
Difficile de cuisiner
4. Mad Max 3 : Au-delà de Thunderdome
- Sortie : 1985
- Durée : 1h47
Mieux que tout le reste
La tristement célèbre ville de Bartertown, la charismatique Entity (incarnée par Tina Turner), la pitoyable Master Bomb ou encore le célèbre Thunderdome et ses combats aériens… Le troisième volet de la saga pourrait bien être dernier de ce classement, les images fortes et les concepts marquants ne manquent pas cependant. L’idée de dérouler une partie de l’intrigue dans le sous-sol sombre et crasseux n’était d’ailleurs pas dénuée d’intérêt, notamment pour rendre l’extérieur plus viable et moins hostile en comparaison.
Il en va de même pour montrer la gestation d’une nouvelle civilisation qui reconquiert ses mégalopoles abandonnées après avoir présenté dans la première partie une société au bord du gouffre et exilée dans le désert. Comme le dit Entité : «Il y avait le désert, il y a une ville. Le commerce remplace le vol. Il y avait le désespoir, maintenant l’espoir et la civilisation« .
Mais cette nouvelle civilisation est bâtie sur le sang, la domination et une réindustrialisation néfaste qui ne ferait que relancer le compte à rebours vers l’extinction.
Course à mort
Cependant, si le film a encore accueillir des moments de sadisme et d’étrangetéil est inévitablement obligé de faire plus de compromis, et donc d’être moins radical avec sa troupe d’enfants perdus et candides qui n’ont pas connu le monde auparavant, et ne sont donc pas prisonniers d’un ancien mode de vie mortel.
Si ce n’est pas mauvais en soi, disons que l’espoir et la confiance conviennent moins Mad Max ce cynisme et cette désolation.
3. MAD MAX
- Sortie : 1979
- Durée : 1h28
Pauvre flic solitaire
Si la saga Mad Max est l’une des pierres angulaires intouchables du genre post-apocalyptique, on oublie souvent que son premier épisode n’a fait qu’y plonger son petit orteil. C’est essentiellement ce qui fait le grand succès de la première tentative de George Miller. L’époque n’est pas vraiment déterminée, et le territoire désertique qu’explore le film est encore doté de routes, de bâtiments et d’un semblant de société. Chaque plan ressemble à une page blanche striée par l’horizon, pour le meilleur identifier la peur intangible d’un monde au bord du gouffre.
Ce bouillonnement, initialement enterré, explique sans doute la fascination de Mad Max pour une violence insupportable, qui ramène les êtres humains à leur barbarie une fois le vent inversé. Moins fantaisistes ses suites, le film est avant tout une pure tragédieoù le parfum de la mort finit par dessiner la silhouette de son anti-héros, et de sa voiture en fidèle destrier chevaleresque et vengeur.
*musique de K 2000*
Bien sûr, on peut comprendre ce premier volet pour sa nature d’ébauche des ambitions de Miller (une ébauche vertigineuse, soyons clairs) ou encore pour son accueil inaugural, indigné face à sa violence. Mais cette approche oublie sans doute à quel point le cinéma de George Miller était déjà en train de se bouleverser le champ des possibles d’un point de vue montage.
Images subliminales, connexions parfaites, symboles chargés de sens (cette balle et cette chaussure qui tombent au moment où le fils de Max est écrasé), tout est fait pour signifier par l’assemblage des clichés le choc, le crash et la symbiose de l’homme avec la machine par la vitesse.
2. MAD MAX 2 : le défi
- Sortie : 1981
- Durée : 1h35
Et des cascades toujours aussi impressionnantes
Même si le premier volet a été un succès monumental, voici bel et bien sa suite. qui a théorisé l’esthétique de la science-fiction post-apocalyptique au cinématel qu’il a persisté dans l’imaginaire populaire.
Le désert à perte de vue, les combats à mort pour un fond de jerrycan, les visages labourés par la survie, les camps de bric et de broc, les hordes de bandits en tenue SM, les poursuites motorisées et le guerrier solitaire de la route, cynique… Tout est déjà dans Mad Max 2 : Le défi, œuvre de pop-culture démiurge qui pousse la misanthropie du premier film jusqu’à ses limites. L’humanité est réduite à un contingent de personnes éclairées qui se battent pour trouver le liquide qui a causé sa chute. C’est vraiment son râle d’agonie, car elle s’accroche aux dernières reliques de l’industrie automobile dans un monde où la nature a péri en premier.
Une star est née
Mais qu’est-ce qui fait Défi Le premier véritable chef-d’œuvre de George Miller, c’est bien sur sa mise en scène. Le cinéaste s’inspire de la structure simple du western pour concevoir un espace cinématographique à la fois extrêmement ouvert et strictement cloisonné, où cohabitent l’étendue désertique et la pression des fous qui le peuplent.
Au moins jusqu’à l’inévitable confrontation, une course-poursuite ahurissante de près de 15 minutes de lisibilité, qui clôture les intrigues secondaires dans le chaos et les flammes mêmes. Chaque plan déclenche le suivant dans un mécanisme configuré au millimètre près. Au final, il ne reste que du métal froissé et l’impossibilité de faire mieux… Sauf George Miller lui-même.
1. MAD MAX : La route de la fureur
- Sortie : 2015
- Durée : 2 heures
Une gestion phare des effets pratiques et numériques
Après des décennies de faux départs et de luttes, Mad Max : La route de la fureur est né dans la douleur. Cela était nécessaire pour atteindre le sommet du programme esthétique Mad Max. Mieux : sa supercompilation orgasmique.
De la description d’un futur suspendu aux connotations industrielles (mots-valises) à l’héritage de Buster Keaton, ici d’autant plus flagrant que le scénario reprend le modèle de Mécanicien GénéraLELes ambitions de Miller se sont concrétisées en un régal visuel et auditif des choses comme Hollywood n’en a pas vu depuis des lustres, voire pour toujours.
A contre-courant de la dictature des « fans » qui poussait alors Hollywood droit dans le mur (c’est la même année que Guerres des étoiles 7 Et Monde jurassique), le réalisateur redéfinit son univers sans s’alourdir de la moindre chronologie et en même temps l’affine jusqu’à atteindre sa thématique essentielle : mouvement. Ce qui l’intéresse, ce n’est pas la nostalgie, mais plutôt la puissance cinétique, qui permet de raconter une histoire sans même faire parler ses personnagesà tel point que Max est muselé pendant toute la première demi-heure, une bête sauvage (Tom Hardy au sommet de sa carrière) sur le point de tout dévaster.
Et Charlize Theron, impératrice impériale
Hormis l’action qui occupe de toute façon l’essentiel du long-métrage, les paroles sont rares et simples. En action, ils sont quasiment inexistants. Pourtant des liens se nouent, au détour d’un coup d’œil, au travers d’un coup sur le capot ou sur une perche de métronome lancée à toute vitesse dans le désert.
Route de la fureur ne le dit pas, il le montre. Il montre une triple quête d’émancipation transformée malgré elle en vengeance triomphale, un noyau d’humanité vacillant au milieu du chaos. Cela montre que le cinéma grand public américain peut encore prétendre la suprématie de la mise en scène.