Fight of Fury – La Chronique de Nanarland

Selon l’expression établie, s’aventurer dans le monde du nanar, c’est « explorer la face cachée du cinéma ». C’est particulièrement vrai avec le film qui nous intéresse aujourd’hui. Combat de fureur appartient en effet à un sous-genre aussi obscur que pérenne et qui n’existe QUE dans le monde du nanar. Aux frontières de « l’égosploitation » et du film d’arts martiaux existe, attention, respire profondément »,Le film du professeur de karaté de Pétaouchnok, Ohio, qui se prend pour Chuck Norris et Bruce Lee« .

Les Titans de Nanar ont défilé sous cette bannière : Connexion Miami, Force noire, Dragon Kickboxeurs, Furieux, Champagne et balles… Moins connu, on peut aussi citer Poussé trop loin, Style Justice Ninja, Nuit des Kickfighters, L’instructeur ou La flamme des allumettes. À l’exception du panégyrique hispano-teutonique de Christian Anders, le genre est endémique en Amérique du Nord.


Projets de vanité d’arts martiaux : un véritable genre en soi.

Conformément à ces titres, Combat de fureur vient revendiquer sa place parmi les monuments du genre. En quoi consiste le « film de professeur de karaté » (nous abrégerons la terminologie pour plus de commodité) ?

Un décor d’abord : une ville de province au charme bucolique, ancrée dans des valeurs saines de travail honnête et de voisinage respectueux, loin de la corruption et de la dégradation des grandes métropoles.

Puis un héros : le Sensei du dojo local. Pilier de sa communauté, c’est un homme modeste (il est TOUJOURS un homme), la quarantaine ou la cinquantaine d’apparence ordinaire, totalement imprégné de l’esprit de discipline, de loyauté et de courage de son art martial, et passionné par la transmission de ses valeurs. ​et techniques à ses étudiants. Il a peu d’occasion de le montrer dans ses cours, mais il est aussi un expert dans le maniement d’armes blanches plus ou moins exotiques, voire un maître ninja secret ! Célibataire, divorcé ou veuf au début du film, il ne tarde généralement pas à nouer une relation avec une femme plus jeune que lui, impressionnée autant par la rigueur de ses muscles que par celle de son personnage et qu’il aura auparavant. sauvé des griffes de quelques voyous.

Notre héros, dispensant sagesse et technique à des élèves studieux (et pour certains à visage caché car on les reverra plus tard en hommes de main).

Enfin, les méchants : trafiquants de drogue, racketteurs ou proxénètes selon les obsessions américaines du moment, ce sont les rebuts de l’humanité, de vrais salopards qui n’hésitent pas à s’en prendre aux hommes, aux femmes et aux enfants, agressant les premiers, kidnappant les seconds et vendant craquez pour le troisième ! A leur tête se trouve un chef du crime départemental vivant dans une villa cossue (avec piscine !), fumant des cigares et gambadant comme un diable.

Parrain du Crime, Route des Platanes au rond-point à droite après l’Intermarché, 57200 Sarreguemines Cedex.

A noter que le « professeur de karaté » n’est pas toujours ceinture noire en karaté spécifiquement : il peut aussi pratiquer différents styles de kung-fu, de taekwondo ou d’autres arts martiaux, mais on reste dans des combinaisons poing-pied. assez classique. Shuny Bee, sujet de cette chronique, se présente comme un spécialiste du jeet kune do, du taekwondo et du nunchaku.

C’est assez édifiant quand on pense que, 50 ans après sa mort, Bruce Lee peut encore motiver les gens à se lancer dans de tels projets en hommage à sa mémoire.

C’est donc dans cet univers que Combat de fureur commence de manière explosive : dans la chaleur de la nuit rouge des villes de grande solitude, une jeune femme est poursuivie par une bande de Malabars qui lui veulent du mal. Paniquée, frappant au hasard à des portes désespérément fermées, elle finit par trouver refuge dans le dojo de Brandon, le professeur de jeet kune do du quartier, qui s’empressera d’assommer la douzaine de voyous à coups de poings rudes, les pieds passant à quelques mètres de leur cible et « WATTA ! » » ponctuant chaque mouvement. C’est la première scène du film et on rigole déjà.

WATTA !

WATTA !

WATTA !

Shuny Bee, sosie martial voix de Bruce Lee. Dans certaines scènes, vous ressemblez à un gros bébé capricieux, en colère, qui ne contrôle plus ses émotions et s’apprête à vous jeter un jouet à la figure.

« Brandon », vous l’aurez compris, est l’avatar transparent de Shuny Bee, scénariste-réalisateur-producteur-interprète-chorégraphe-turner-miller-barista du film. En ville, Shuny Bee est né au Népal dans les années 60 ou 70, a appris les arts martiaux durant sa jeunesse, puis a eu l’occasion de faire une tournée en 1986 à Janbaaz, une grosse production indienne avec les stars Feroz Khan et Anil Kapoor. Même s’il ne joue qu’un petit rôle, il est visiblement transformé par l’expérience et continuera à revenir dans le monde du cinéma. Il émigre aux États-Unis pour ouvrir un dojo en 1998 à Pasadena, mais revient au Népal en 2012 pour un nouveau film dont il sera cette fois le producteur et la star : Protecteur Gorkha (il se bat, joue, danse et chante, et on rêve évidemment de mettre la main dessus). En 2020, il commence à réaliser et filmer son premier et unique film à ce jour dans (la banlieue de) la capitale mondiale du cinéma : Combat de fureur.


« Gorkha Protector » se présentait déjà comme un hommage à Bruce Lee.

Shuny Bee affiche fièrement ses origines népalaises et s’appuie sur l’héritage martial des « Gurkhas », les guerriers traditionnels des montagnes. Une identité qui était au centre de Protecteur Gorkha et qu’il reprend en Combat de fureur à travers le personnage de Brandon. Dans les critiques de son dojo sur Yelp et Reddit (à Nanarland, nous avons l’enquête dans le sang), Shuny Bee est décrit comme un enseignant enthousiaste, patient et compétent qui a fait de son école une entreprise familiale pour tous les âges.

Inclure une petite publicité discrète pour votre propre école est un must pour un « film de professeur de karaté ».

Débarrassons-nous du scénario de Combat de fureur : la jeune femme sauvée par Brandon a échappé à un réseau de trafic d’êtres humains qui ne cesse de la reprendre ou de la faire taire. Brandon fait alors office de protecteur et l’affrontement avec le réseau de criminels est inévitable, surtout lorsque ces salauds tentent de s’en prendre à sa famille…

Le plat principal de Nanar Combat de fureur voilà donc les combats, qui sont tous des moments incroyables de « bullshido » décomplexé. Les armes s’enroulent comme des éoliennes en pleine tempête, les mandaux atterrissent parfois dans le même quartier que leur cible, les coups de pied sont plus téléphonés qu’un centre d’appel et les armes blanches maniées avec le même sens d’adresse qu’une livraison Colissimo. homme. Shuny Bee est la star ensoleillée de ces scènes, un poseur diabolique, chacun de ses clichés, chacun de ses mouvements, chacun de ses regards ponctués d’un “WATTA !» hommage à Bruce Lee qui finit par résonner comme un running gag.

Fan de Jeet Kune !

Enrôler vos élèves pour incarner les méchants qui viendront se faire attaquer par groupe de douze est aussi un passage obligatoire du « Karate Teacher Film ».

Soyons clairs, il n’est pas question ici de remettre en cause les réelles compétences martiales de Shuny Bee, nous ne sommes pas du tout qualifiés pour en juger. On ne parle que de ce que l’on voit son personnage Brandon accomplir à l’écran, et ce show est constamment enchanteur.

Et quand Shuny Bee a cassé sa voix de «WATTA !« …c’est sa fille (dans le film et dans la réalité) qui prend le relais ! Dans une scène mémorable, elle regarde d’un air renfrogné un groupe de brutes à la sortie de l’école, distribuant des pommes de terre de foire et des mawashi-geris à la gorge d’enfants de CM1 qui font deux têtes de moins qu’elle, ce qui lui vaut finalement les chaleureuses félicitations de l’école. principal.

Quand de redoutables tyrans tentent de faire régner la terreur…

…c’est une escalade de la violence !

A noter qu’elle se débrouille également très bien contre les adultes.

Combat de fureur se démarque de ses pairs par une caractéristique unique et quelque peu difficile à décrire : un sens inné du cadrage et de la photographie coquine. À maintes reprises, on se retrouve à faire une pause pendant le film pour admirer un plan fixe, une composition créée avec un sens du ridicule époustouflant qu’il serait même difficile de reproduire exprès. Quelques exemples emblématiques illustrent cette chronique, souvent renforcée par le look « Hommes en noir de La Redoute » des acolytes du méchant, dont certains semblent porter un costume pour la première fois de leur vie.

Il faut aussi consacrer un paragraphe aux méchants : comme on était en droit de s’y attendre, ils exagèrent la méchanceté avec enthousiasme, le Parrain N°1 affiche une combinaison de poils mohawk-barbiche-moustache de la plus haute qualité tandis que le Parrain #2 peut désormais utiliser Combat de fureur comme carte de visite pour lancer sa carrière de sosie de Robert de Niro.

Le Parrain n°1 est surnommé, sans plaisanter, « Brutal » (Prénom : Pascal ?)

Les décors sont une autre Source d’hilarité inattendue : on n’a jamais vu autant de violence se déchaîner sur les marches, dans le garage ou dans le jardin des maisons de banlieue aménagées à la hâte pour le tournage… ou même laissées là. état parce que hé, paresseux !

Une ambiance très « barbecue du dimanche qui dégénère »…

Les garages californiens ne servent pas seulement à incuber des start-up informatiques ou des groupes de rock grunge : ils constituent également un cadre parfait pour les cinéastes fauchés et pas trop exigeants.

Combat de fureur est un nanar exemplaire. Il respire le projet passionnel par tous les pores, ce qui en fait un mauvais film extrêmement sympathique. Surtout, il évite les écueils les plus courants du genre « film de prof de karaté » : contrairement à certains de ses pairs comme Champagne et balles Ou Le Maître Démon, notre héros-réalisateur ne s’est ainsi pas réservé une scène de sexe embarrassante avec la seule actrice professionnelle du casting, et le niveau de violence des combats reste résolument grand public, sans tomber dans un quelconque excès de brutalité gratuite. Pas de tunnels de dialogues, pas de ventre mou ici : chaque combat nous entraîne au suivant, et même lorsque l’action fait une pause, le film parvient toujours à nous faire rire.

C’est à peu près le moment le plus sanglant du film.

Et voici le passage le plus pornographique : le défilé des employés du Parrain.

C’est sans aucune malice qu’on s’amuse à repérer pléthore de fausses connexions, les figurants involontaires qui se demandent ce que fait cette caméra dans cette rue ou dans ce restaurant, les comédiens amateurs dont la diction sonne fausse à chaque réplique. , ou les décors recyclés d’une scène à l’autre, comme le gymnase de Shuny qui devient, grâce à l’utilisation savante de tapis de sol accrochés aux murs, tantôt le théâtre d’une scène de combat, tantôt le bureau du directeur de l’école de sa fille, parfois l’antre du chef mafieux.

Le bureau du directeur est en réalité le gymnase de Shuny Bee, avec la porte intelligemment bloquée par un tapis de sol bleu pour cacher la vue, et le panneau en papier « Principal Levy » sur le bureau complétant l’illusion.

Le film se termine sur un cliffhanger complet et Shuny Bee a lancé un financement participatif en 2021 pour un “Fight of Fury 2 – Annihilation« Malheureusement, cela a échoué, n’ayant récolté que la moitié des fonds espérés. Si jamais elle se relance un jour, elle pourra compter sur Nanarland pour lui faire un maximum de publicité, et même lui offrir personnellement un petit don pour l’espoir. revivre un jour de telles émotions.

Fusil de chasse Shuny !

 
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