Avec « Madame Hofmann », continuez à faire votre vie

Avec « Madame Hofmann », continuez à faire votre vie
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Temps de lecture : 3 minutes

Elle est malade, elle en a marre de s’occuper d’autres malades jusqu’à épuisement de ses forces, son corps dit « non ». C’est là qu’elle apparaît pour la première fois dans le film, avec un médecin qui s’occupe des symptômes les plus urgents et les plus gênants de ce qui constitue sa vie. Ce qui fait sa vie, au sens plein du verbe faire, est le sujet du nouveau film de Sébastien Lifshitz.

Nous devrions le savoir maintenant, et surtout depuis Adolescentes (2020), réalisée selon une approche similaire. Mais non, la mise en scène de Sébastien Lifshitz donne tout de suite le sentiment d’être devant un film joué, une fiction, même si la femme que l’on voit n’est pas une actrice professionnelle.

Cela est dû à la manière de filmer, dont le choix du format de champ et l’utilisation de la musique sont les marques les plus évidentes. Cela tient principalement à deux aspects bien plus décisifs, qui font de consacrer un long métrage à une infirmière cadre de l’hôpital nord de Marseille (Bouches-du-Rhône) une proposition cinématographique si puissante.

Le premier aspect est une question de distance. Distance physique, où les gros plans, pas seulement sur le visage, construisent une proximité renforcée par celle avec la vie quotidienne de cette personne, son activité professionnelle, ses problèmes de santé, ses relations avec sa famille, ce qu’elle pense, ce qu’elle pense. qu’elle a rêvé, ce qui l’interroge.

Le deuxième aspect est une question de perspective. Le regard de Sébastien Lifshitz sur la femme qu’il filme, où il voit à la fois une personne comme tout le monde en rencontre au quotidien, et l’héroïne d’une épopée. Une double épopée même dont les deux dimensions sont omniprésentes dans le film.

Une double épopée

C’est l’épopée de sa vie, Sylvie Hofmann, comme une succession de choix, d’engagements, de solutions inventées face aux obstacles, d’épreuves surmontées.

Et l’épopée collective incluant l’hôpital public, l’idée même de l’hôpital public telle qu’elle a été construite et matérialisée en France à la fin de la Seconde Guerre mondiale, est une traduction immense et complexe, mais qui s’applique aussi à un contexte encore plus large. idée de ce que peut signifier habiter le monde, individuellement et collectivement.

Coordonnatrice d’un service qui prend en charge les pathologies graves, aux nombreux décès, sortant à peine de l’extraordinaire épreuve du Covid-19, inventant des réponses aux situations évoquées par sa mère, son compagnon, sa fille, Sylvie Hofmann fait vivre à l’écran ces des questions dont on ne parle le plus souvent qu’en termes généraux, trop abstraits.

Souveraine et affectueuse gestionnaire d’une équipe d’infirmières elles-mêmes assez étonnantes et toutes uniques, interlocutrice d’un chef de service, professeur d’hôpital regardée avec autant d’affection que d’absence de complaisance, elle décide de partir à la retraite après quarante ans de bonne et bons et loyaux services sur le front de la santé.

Avec une seule impulsion

Autour de ce départ, moment charnière, se déploient des souvenirs tout autant que des souvenirs, tandis que cette femme magnifique – sans doute elle est dans la vie, mais le film rend admirablement justice à sa beauté, à son énergie, à ses certitudes et ses doutes – construit les conditions d’un après quoi s’interroge sans pour autant nier ce qui a fait son existence.

Grâce à elle et à ce qui se passe entre elle et le cinéma comme l’active Sébastien Lifshitz, avec elle face à de nouveaux choix et de nouvelles questions, le film qui porte son nom raconte d’un seul coup un moment de sa vie, une grande partie de ce qui l’a fait, et aussi celle de sa mère, elle aussi ouvrière. l’hôpital, un personnage à la présence intense, et ses proches.

Sylvie Hofmann et sa mère, prêtes à rire de souvenirs souvent douloureux. | Ad Vitam

Donc oui, Mme Hofmann est bien un documentaire, où la personne dont l’histoire est racontée s’adresse à la caméra, le moment venu, pour expliquer avec ses mots une partie de son précédent voyage. Pas de faux-semblant, pas de présence inexpliquée de la caméra, mais un partenariat explicite, honnête et fécond entre qui filme et qui est filmé.

A cet égard aussi, le film de Sébastien Lifshitz est admirable, pour sa façon de mettre en évidence combien le documentaire est, autant que ladite fiction, un cinéma à part entière, riche de mille histoires, de mille mystères, de mille émotions et d’un mille occasions de réfléchir.

 
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