Trahison ou pas ? Le championnat du Monde 1963 à Renaix (Belgique), que Rik Van Looy, décédé à l’âge de 90 ans, avait terminé à la deuxième place derrière son équipier Benoni Beheyt, reste controversé. A l’époque, Van Looy, déjà titré deux fois, était le leader de la sélection belge, qui courait à domicile. Mais des grains de sable vont bouleverser le scénario, que Beheyt n’a évoqué qu’une seule fois publiquement.
Un problème d’argent pourrait-il être en cause ? “On a eu une petite dispute la veille de la Coupe du Monde lors de la réunion d’équipe», a expliqué le champion du monde 1963. “Van Looy avait promis 50 000 francs à chaque coéquipier mais rien en cas de défaite, alors qu’on sacrifiait nos chances. Gilbert Desmet a posé la question : ‘Et si Rik perd ? Nous n’avons pas eu de réponse. Ce soir-là, j’ai compris qu’avec un peu de chance, je pourrais devenir champion du monde.»
Mais d’autres raisons que cette simple querelle ont été avancées. Albert De Kimpe, le directeur sportif habituel de Desmet et Beheyt, était soupçonné d’avoir parié sur la défaite de Van Looy (29 ans) et le succès de Beheyt (22 ans). Quelques semaines plus tôt, il avait interdit à son coureur de devancer Van Looy dans les sprints du Tour de France, ne serait-ce que pour une place d’honneur. Rien de tel le 11 août 1963 à Renaix.
Ce jour-là, la sélection belge contrôlait la course jusqu’au sprint final, confus, au cours duquel les changements de ligne de Van Looy obligeaient Beheyt à s’appuyer d’un bras sur son leader. L’opprimé gagne et ne sera pas déclassé. Piégé par un autre de ses compatriotes, Gilbert Desmet, qui sprintait de loin sur lui, Van Looy s’est donc fait déborder par Beheyt, censé travailler pour lui. Ses partisans crient à la trahison et Beheyt, mis au ban, doit mettre fin prématurément à sa carrière deux ans plus tard.
Je ne peux pas, j’ai des crampes.
Pour Beheyt, il était tout simplement le plus fort lors de ce sprint : l’Anglais Tom.Simpson attaquait et Gilbert (Desmet) bloquait à nouveau l’écart mais, déjà, Van Looy avait toutes les peines du monde à retenir sa roue. Il ne pouvait alors tout simplement pas conclure, il n’avait plus la force« . “Je n’ai pas pu sprinter dans les 100 derniers mètres, j’ai juste repoussé Van Looy, sinon nous allions tomber tous les deux, il était devant trop tôt. J’étais tout simplement le meilleur», a-t-il insisté. Sans parler de l’accélération préalable de Desmet, qui a obligé Van Looy à fournir un effort soutenu.
Dans le journal Le mondeen 1963, au lendemain de la course, le compte rendu de ce Championnat du Monde rapporte un échange qui, avec le recul, prend un sens particulier : «Rik Van Looy, à trois kilomètres de l’arrivée, lors du dernier tour est allé retrouver Beheyt qui était en queue du peloton pour lui demander de venir devant : ‘Viens avec moi, tu vas prendre le sprint’, a déclaré pour lui Rick. Mais Beheyt grimaça et répondit : “Je ne peux pas, j’ai des crampes”..’»
Benoni Beheyt endosse le maillot de champion du monde en 1963. Fin de la course, début de la polémique.
Crédit : Getty Images
Il a fallu l’intervention de trois gendarmes pour empêcher Rik Van Looy, qui avait jeté son vélo avec colère, de se précipiter vers Benoni Beheyt pour l’attaquer. Finalement, c’est… le beau-frère de Van Looy qui a fait le boulot en frappant le nouveau champion du monde au ventre, encore confus et secoué lorsqu’il est monté sur le podium pour enfiler son maillot irisé un quart d’heure plus tard. .
Depuis, le - a adouci la polémique, mais sans jamais apporter de réponses définitives. Le Mondial 63 conserve sa part de mystères. Le journal belge La dernière heureil avancera une dernière explication, celle de la vengeance : quatre ans plus tôt, au Tour des Flandres, Van Looy avait fait perdre la course à Desmet, alors son équipier, qui s’était échappé. Desmet, assure le quotidien, a juré de se venger.
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