l’essentiel
En 1989, Pascal Moreno participe à une exploration de la source de l’Amazonie, au Pérou, au départ de Toulouse. Sur les cinq aventuriers, dont trois basés entre la Ville Rose et les Pyrénées, seuls deux sont revenus. Plus de trente ans après, celui qui partage sa vie entre le Tarn-et-Garonne et l’Amérique du Sud tente d’élucider cette mystérieuse disparition.
Il s’imaginait naviguer dans le sillage du reporter Philippe de Dieuleveult. Sans se demander une seule seconde à quel point leur épopée connaîtrait un tel épilogue. En août 1989, Pacal Moreno participe avec quatre autres compatriotes français à une expédition d’exploration du Rio Marañón, source péruvienne du puissant fleuve Amazone, à destination d’Iquitos, à 1 800 km de là. Seuls deux d’entre eux sont rentrés vivants chez eux. Pendant près de vingt ans, le survivant Moreno a mené des enquêtes sur la disparition de ses trois coéquipiers, un fait divers tragique qui a fait l’actualité locale et nationale.
Après plus de trente ans hanté par ses propres questions, le Tarn-et-Garonnais d’adoption a enfin réussi à exorciser son passé en publiant un livre d’investigation*.
Comment avez-vous été approché pour cette mission d’exploration ?
En 1989, je travaillais comme enseignant au Centre de Ressources, d’Expertise et de Performance Sportive (CREPS) à Toulouse et j’ai rencontré un monsieur qui souhaitait réaliser une expédition sur les premiers 1 500 kilomètres de l’Amazonie, ce qui n’avait jamais été le cas. été fait. En tant que sportif aguerri, j’ai rejoint cette équipe sans vraiment savoir dans quoi je m’embarquais. A l’origine, Alain Rastoin devait réaliser un film pour TF1 mais faute de financement, ce rôle a été abandonné. A l’époque, nous étions sous l’influence de nouveaux explorateurs comme Philippe de Dieuleveut et d’une dynamique de découverte d’autres mondes. Mais en termes d’isolation et de techniques de navigation, le projet était déjà surdimensionné. C’est ainsi qu’après avoir décollé de Blagnac, nous sommes arrivés le 15 août 1989 à Lima, dans un pays en guerre sans en comprendre les véritables mécanismes.
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Avez-vous ressenti une certaine hostilité dès le début ?
Oui. Nous avons notamment été confrontés à des gens qui pointaient leurs armes sur nos têtes sans que nous comprenions pourquoi. Nous pensions naïvement que notre statut d’athlètes nous protégeait. C’était l’époque du Sentier Lumineux, un mouvement politique d’extrême gauche subversif et au sommet de sa croissance. Mais pour nous, c’était presque du cinéma. Nous étions jeunes, nous n’avions pas compris l’ampleur de la corruption, des attentats dans les villes et des actes de terrorisme. Puis on a vite ressenti l’opposition entre le monde indigène et le nôtre.
-Mais tu as continué…
Nous sommes montés aux sources avec un véhicule puis avons continué à pied avant de commencer la navigation. Mais je me rends compte plus vite que les autres que nous ne sommes pas en Ariège ou dans le Tarn-et-Garonne. Et cela a créé des tensions entre nous car certains de mes coéquipiers craignaient que je fasse dérailler l’expédition. Puis, après 3 ou 400 km de rafting, Laurent Di Folco est tombé très malade et j’ai décidé de rentrer avec lui à Lima fin septembre. En arrivant en France, nous apprenons, le 13 ou le 14 octobre 1989, que trois Français sont portés disparus dans la région d’Imazita. J’ai alors contacté le ministère des Affaires étrangères pour comprendre. Et on m’a conseillé d’aller voir un Péruvien qui habitait Toulouse et qui était proche du Sentier Lumineux.
Une rencontre décisive…
Lors de l’expédition au Marañón, nous avons croisé la route d’un chercheur d’or qui avait été intégré à l’équipe. Et qui a disparu comme les autres vers Pongo de Rentema, non loin de Chipe. L’homme que je suis allé voir en France le connaissait très bien puisqu’il était son ami d’enfance, il s’appelait Ramiro Sánchez Izquierdo. C’est complètement fou : il y a 36 millions de Péruviens et cet homme avait grandi dans les Cordillères, à une rue de celui qui avait péri avec mes coéquipiers. C’est ainsi qu’il m’a mis en contact avec le frère de Ramiro Sánchez Isquierdo. Un mois après l’annonce de leur disparition, nous avons monté une première expédition grâce à un financement de l’Etat et de la Région. Mais il faisait encore trop chaud dans le pays et j’ai finalement mis cette histoire entre parenthèses pendant 17 ans.
Pourquoi replongez-vous dans tout cela si longtemps plus tard ?
Je pense que j’ai souffert du syndrome du survivant dans un monde un peu trop agressif pour moi. Ma vie en a découlé puisqu’aujourd’hui, je travaille en Guyane. Cela m’a énervé. J’ai donc repris contact avec Luis Sánchez Izquierdo, le frère de Ramiro, et nous y sommes allés. Nous avons pu progresser dans le milieu que nous avions exploré en 1989 jusqu’au village de Chipe où nous avons retrouvé la pirogue. À l’époque, les autorités avaient arrêté un homme qui avait cité le vol comme mobile du crime, mais il fallait que j’aille plus loin. Un doute persistait.
Contact : lemytheassassin.fr