Ça ne sent pas bon. Au propre comme au figuré.
A Bakou, sur le site de la COP29, délégués et journalistes font état d’une odeur persistante de pétrole dans l’air. Odeurs fortes, traces de présence de torchères en provenance des raffineries qui bordent cette ville au bord de la mer Caspienne.
Les trois gratte-ciel qui dominent la ville, les Flame Towers, en forme de flamme, représentent l’héritage du pétrole et du gaz dans ce pays surnommé le terre de feu
.
S’il faut un symbole pour illustrer le défi que représente ce sommet, c’est bien celui-là.
Ces deux ressources sont des cadeaux de Dieu
» a déclaré d’emblée le président azerbaïdjanais Ilham Aliyev, devant la centaine de dirigeants mondiaux venus à Bakou pour la COP29.
Cela donne le ton.
Le président azerbaïdjanais Ilham Aliyev s’adresse aux chefs d’État et de gouvernement lors de la cérémonie d’ouverture de la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques à Bakou (COP29).
Photo : Reuters / Maxim Schemetov
Beaucoup d’eau a coulé sous les ponts depuis 2015, alors que 196 pays, riches et pauvres, se sont réunis pour signer l’Accord de Paris. Un moment historique dans la diplomatie internationale, donnant naissance au tout premier accord universel sur le climat.
Force est de constater qu’une décennie plus tard, le monde a beaucoup changé.
Même si l’action climatique n’a jamais été facile, les vents contraires de cette année sont préoccupants.
Gardons un fait à l’esprit : les politiques climatiques actuelles nous entraînent sur la voie du réchauffement climatique. catastrophique
de 3,1°C d’ici la fin du siècle, selon le récent Rapport sur les écarts d’émission (Nouvelle fenêtre) des Nations Unies. Et si les pays tiennent toutes leurs promesses de réduction des émissions, la température moyenne mondiale augmentera encore de 2,6°C.
C’est avec ces chiffres en tête qu’il faut comprendre l’enjeu de la diplomatie climatique à l’occasion de la COP29.
J’ai assisté à 18 COP climat depuis 2005, et je ne me souviens pas qu’un sommet des Nations Unies sur le changement climatique se soit tenu dans un contexte aussi défavorable.
Au moins deux facteurs expliquent cela.
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Le président américain Donald Trump visite le complexe pétrochimique Shell Pennsylvania à Monaca, en Pennsylvanie.
Photo : Reuters / Jonathan Ernst
Donald Trump, catalyseur de l’inaction climatique
D’une part, le retour de Donald Trump à la tête des États-Unis – deuxième pollueur de la planète – change la donne. Même si beaucoup minimisent les effets de cet événement politique, il n’en demeure pas moins qu’il s’agit d’un séisme majeur sur le climat de la planète.
Un homme peut-il à lui seul détruire tout l’édifice de l’action climatique construit sur trois décennies ? Certainement pas. Mais cela peut créer des fissures suffisamment profondes pour ralentir considérablement le travail. Donald Trump n’a jamais quitté sa planète du déni climatique, même si le pays qu’il s’apprête à diriger une seconde fois est en première ligne du bouleversement climatique.
Les négociateurs américains présents à Bakou ont beau parler au nom de l’administration Biden, leurs propos n’ont plus beaucoup de poids. Les délégués du monde entier autour de la table savent très bien que, d’ici quelques semaines, le nouveau président élu retirera les États-Unis (Nouvelle fenêtre) de l’Accord de Paris.
Un geste qui pourrait provoquer un effet domino plus néfaste qu’on ne le pense.
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Vue générale de la mine de charbon à ciel ouvert Topa dans le district de Ramgarh, dans l’État indien du Jharkhand, en Inde, le 27 février 2024.
Photo : Reuters / Amit Dave
En effet, si le pays le plus riche de la planète, et aussi le plus grand émetteur de GES de l’histoire, annonce qu’il abandonnera l’action climatique au profit de l’industrie des énergies fossiles, pourquoi des pays comme l’Inde, l’Indonésie, le Japon ou encore le Canada se priveraient-ils ? de ça ? Pourquoi continueraient-ils à se creuser la tête et à sacrifier une partie de leur économie si la première puissance mondiale, celle qui devrait donner l’exemple, annonce en grande pompe qu’elle ne le fera plus ?
Bien entendu, le retour de Donald Trump ne signifie pas que la transition énergétique en cours sur la planète, y compris celle en cours aux États-Unis eux-mêmes, va s’arrêter.
Mais prenons l’exemple de l’Inde, troisième pollueur mondial, qui dépend encore fortement des énergies fossiles et qui montre une réticence croissante à l’égard du multilatéralisme onusien. Avec l’arrivée de Donald Trump, Narendra Modi, à la tête du pays, pourrait se sentir autorisé à assouplir cette transition, surtout dans un contexte de contraction économique.
Dans le contexte où les scientifiques prescrivent une réduction des émissions mondiales de 42 % d’ici 2030 pour rester à la portée de l’objectif d’un seuil de réchauffement de 1,5°C, nous n’y parviendrons pas sans les États-Unis. Unis et Inde.
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Des adolescents d’une école de boxe participent à un entraînement dans la mer Caspienne, devant une plateforme pétrolière à Bakou.
Photo : afp via getty images / KIRILL KUDRYAVTSEV
Etat autoritaire et pétrolier… encore une fois
Le deuxième facteur défavorable à cette COP29 est le choix du pays où se déroule la conférence.
Ce sommet de l’ONU sur le climat est la troisième COP consécutive à se tenir dans un État fortement dépendant de ses exportations de combustibles fossiles. Après l’Égypte en 2022 et les Émirats arabes unis en 2023, l’Azerbaïdjan accueille à son tour une conférence où l’ombre des intérêts pétroliers et gaziers plane sur les négociations.
Bien que connaissant des effets climatiques intenses, notamment avec la mer Caspienne qui se vide de ses eaux, ce pays de 10 millions d’habitants a une économie basée sur deux piliers : le pétrole et le gaz. Les hydrocarbures représentent à eux seuls 92 % des exportations de cet État.
Par ailleurs, comme ce fut le cas en Égypte et aux Émirats, l’Azerbaïdjan devrait profiter du sommet pour faire des affaires.
Par exemple, le numéro deux de la COP, Elnur Soltanov, vice-ministre azerbaïdjanais de l’énergie et membre du conseil d’administration de SOCAR, la société nationale pétrolière et gazière, a été pris en flagrant délit de promotion de futurs accords sur les combustibles fossiles de son pays juste avant le début de l’événement. Il a été filmé en train de discuter avec ce qu’il pensait être un investisseur hongkongais, à qui il a proposé de le mettre en contact avec SOCAR pour une future transaction. En réalité, l’investisseur en question était membre de l’ONG Global Witness. La BBC a relayé la vidéo (Nouvelle fenêtre).
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Des tours pétrolières se dressent dans la mer Caspienne, riche en pétrole, près de la capitale Bakou.
Photo : afp via getty images / TARIK TINAZAY
Les ressources énergétiques de l’Azerbaïdjan sont très convoitées par les pays de l’Union européenne, la Turquie et les pays du Golfe. Bakou souffle le chaud et le froid tout en soignant ses relations avec Moscou et compte profiter au maximum de sa situation privilégiée.
Pour la troisième fois également, la COP climat est dirigée par un régime autoritaire qui limite la liberté d’expression (Nouvelle fenêtre) défenseurs de l’environnement. Un défaut dans le bulletin de l’ONU.
Bien qu’absolument indispensables pour motiver l’action climatique de chaque pays, ces grands rendez-vous onusiens sont de moins en moins plébiscités par les citoyens. Le sentiment que ces rendez-vous se sont transformés en grands salons est de plus en plus répandu.
Dans le contexte d’une situation économique morose en Occident, face à laquelle le pouvoir d’achat des citoyens ne cesse de s’éroder (l’élection de Donald Trump l’a clairement montré), l’attention du public aux questions climatiques diminue. . À cela s’ajoute une réalité géopolitique explosive sur la planète, avec les guerres en Ukraine et au Moyen-Orient qui drainent la majeure partie de l’énergie diplomatique mondiale.
Dans les parlements du monde, entre coût de la vie, déficits publics et guerres, la question climatique est reléguée au second plan.
Décourager le soutien des citoyens
S’il y a un élément absolument fondamental pour que les élus puissent justifier la mise en œuvre de politiques publiques de protection du climat, c’est bien l’adhésion des citoyens.
En acceptant que la COP29 se tienne une nouvelle fois en régime pétrolier, dans un contexte de grande lassitude climatique vécue par les populations, l’ONU contribue à alimenter le désenchantement de l’opinion publique face à cet enjeu crucial et à miner la crédibilité des négociations climatiques auprès du grand public. .
C’est dommage, car perdre le soutien des citoyens est un obstacle à l’action climatique.
Même s’il est très imparfait, le forum COP est le seul véritable outil dont nous disposons pour nous mettre d’accord sur les meilleurs moyens d’atténuer les effets du changement climatique.
On pourrait très bien décider de s’appuyer sur les pays du G20 – émetteurs de près de 80 % des GES mondiaux – pour résoudre le problème. Mais face à un tel modèle, les pays en développement, qui ne sont pas historiquement responsables du phénomène, mais qui en subissent les pires effets, n’auraient plus leur mot à dire.
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Le président des Îles Marshall, Christopher Loeak, et la ministre française de l’Écologie, Ségolène Royale, lors de la COP21, où a été adopté l’Accord de Paris sur le climat.
Photo : afp via getty images / LOIC VENANCE
Or, l’objectif principal de la COP29 est justement de renforcer les relations entre le Nord et le Sud. Il s’agit de repenser les flux financiers et de mobiliser le plus d’argent possible, public et privé, pour aider les pays du Sud à se protéger du changement climatique, et leur offrir les moyens de se développer sans énergies fossiles. Sans cette tribune où ils ont le pouvoir de groupe, les plus démunis ne pourraient pas se faire entendre.
La protection du climat est un problème mondial qui appelle une solution mondiale. C’est, ensemble, pour éviter l’ingérable et gérer l’inévitable
une phrase qui revient régulièrement dans le discours des scientifiques.
La réélection aux Etats-Unis de celui que le journal Libération baptisé de pyromane du climat
le désintérêt général des citoyens pour les COP et le contexte économique mondial compliquent grandement les choses.
S’il y a un réchauffement des températures, on ne peut pas en dire autant du multilatéralisme.
De ce côté, c’est l’hiver polaire.