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jusqu’à 7 ans pour obtenir des réponses

Certains ministères fédéraux mettent plus de sept ans pour répondre aux demandes d’accès à l’information. Et ces délais interminables n’ont rien d’anecdotique puisque le délai de 30 jours prévu par la loi n’est quasiment jamais respecté, révèlent les données d’une dizaine de ministères obtenues par La Revue.

• Lisez également : Retards dans les demandes fédérales d’accès à l’information : la commissaire admet que son organisation manque de mordant

Les exemples identifiés à travers le Loi sur l’accès à l’information des 10 ministères les plus demandés suffit à faire sourciller, car les délais se mesurent en années plutôt qu’en semaines.

Par exemple, en 2024, la Défense nationale a mis en moyenne 492 jours pour répondre aux demandes d’accès à l’information. En 2023, Environnement et Changement climatique Canada a mis 476 jours pour répondre à une seule demande. Ces trois dernières années, ce même ministère a présenté des retards de deux à trois ans (voir encadré ci-dessous).

Les délais moyens de réponse des ministères dépassent souvent 100 jours.

Stevens LeBlanc/JOURNAL DE QUÉBEC

Autre exemple clair de ces retards : les représentants du Journal a même récemment reçu des réponses du Service correctionnel Canada à des demandes remontant à… 2017 (voir autre texte ci-dessous).

Toutefois, la loi prévoit que les institutions fédérales disposent d’un délai de 30 jours pour répondre à une demande d’accès à l’information ou à des renseignements personnels.

Une vraie farce

À la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ), nous croyons que cette problématique, dénoncée à de nombreuses reprises, est le signe que cette loi doit être revue de fond en comble.

«Cela a rendu les choses ridicules. Les gens se moquent des gens, c’est ça qui est dommage. Cette loi est devenue une farce», déplore Éric-Pierre Champagne, président de la FPJQ.

Éric-Pierre Champagne, président, Fédération professionnelle des journalistes du Québec

Photo tirée du site de la FPJQ

« Les délais sont extrêmement longs et c’est là qu’on a des réponses », ajoute-t-il.

Une modernisation du droit est prévue pour 2025, mais avec le contexte politique actuel, on peut se demander si elle sera réalisée.

“Je pense qu’il ne se passera rien en 2025. Tout cela sera reporté, je serais très surpris si cela devenait une priorité”, dénonce M. Champagne.

Histoires d’horreur

Les refus douteux et les réponses entièrement ou largement expurgées sont également de plus en plus courants. En février 2024, La Revue a publié un dossier regroupant les récits d’horreur de ses journalistes ayant accès à l’information.

Le seul recours possible est de contacter le Commissariat à l’information du Canada. Mais s’engager dans une telle procédure ne garantit rien, hormis des délais encore plus longs.

L’avocat spécialisé en accès à l’information, Me Michel Drapeau estime même que les plaintes déposées auprès du commissaire peuvent plutôt être utilisées par des institutions qui ne respectent pas la loi.

« Les institutions demandent une prolongation [de délais] ce qui leur facilite la vie et ils savent très bien que le seul choix qui s’offre à vous est de porter plainte. Et si vous portez plainte, vous aurez un délai encore plus long pour recevoir les résultats demandés à l’institution», déplore-t-il.

Des retards interminables

En 2024 (jusqu’au 3 octobre), le délai moyen pour recevoir une réponse à une demande d’accès à l’information était de 492 jours.

Présente les pires retards. Récemment en 2023, une demande présentait un retard de 476 jours. Plusieurs ont présenté des retards allant jusqu’à deux ans au cours des trois dernières années.

En 2019, une demande présentait un retard de 1729 jours. En 2018, une demande présentait un retard de 1648 jours. Le pire s’est produit en 2014, avec un retard de 1892 jours.

  • Service canadien du renseignement de sécurité :

Une demande a duré jusqu’à 842 jours pour l’année 2023-2024.

  • Service correctionnel Canada :

De l’année 2015-2016 jusqu’au 3 octobre 2024, le ministère a calculé une moyenne de 269 jours pour répondre aux demandes d’accès à l’information

  • Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada :

Depuis 2022-2023, une moyenne de 227 jours.

Réponses presque 8 ans plus tard

Service correctionnel Canada a récemment répondu à deux demandes d’accès à l’information formulées il y a près de… huit ans.


Valérie Gonthier / JdeM

Un mars 2017, La Revue avait souhaité obtenir des informations sur les coûts liés à la cantine et aux services téléphoniques fournis aux détenus. Nous souhaitions obtenir des documents remontant à 2010.

Et ce n’est que dans les derniers jours qu’un employé du service d’accès à l’information et de protection des renseignements personnels du Service correctionnel du Canada nous a contacté pour nous faire parvenir lesdits documents. Il fait plus de 300 pages, en partie rédigées en anglais. On y retrouve des lettres, des contrats, et divers tableaux comprenant des données remontant jusqu’à… 2016.

D’ailleurs, il n’y a aucune mention dans le courriel envoyé par Service correctionnel Canada du délai de réponse plus que déraisonnable.

La Revue a également reçu le 18 décembre une réponse du même organisme concernant une demande datant d’avril 2017.

Nous avons ensuite voulu obtenir le nombre de suicides et de tentatives de suicide survenus dans les pénitenciers fédéraux, par province, entre 2005 et 2015.

La réponse, qui tient sur une seule page, contient les deux tableaux demandés sans aucune explication sur le très long délai.

Valérie Gonthier and Nicolas Lachance

Réponses uniquement en anglais

Plusieurs ministères fédéraux ont envoyé des réponses aux demandes d’accès du Journal en anglais, alors que toute la correspondance était rédigée en français. Malgré plusieurs demandes pour corriger la situation, un seul établissement a rectifié la situation, soit le Service correctionnel du Canada.


Certaines réponses ont été envoyées uniquement en anglais.

Stevens LeBlanc/JOURNAL DE QUÉBEC

L’avocat spécialisé en accès à l’information, Me Michel Drapeau milite depuis des années pour qu’une enquête soit menée par le vérificateur général afin de trouver ce qui ne va pas dans l’application de « ce droit constitutionnel qui est régulièrement bafoué ».

« Avons-nous suffisamment de personnel pour répondre aux demandes ? Ou y a-t-il des problèmes systémiques”, demande M.e Drapeau.

Catherine Bouchard

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