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« les gens décident toujours de leur budget en matière de nourriture » – 23/12/2024 à 16h56


L’agriculteur Jérôme Caze, qui exploite une ferme maraîchère, d’élevage de poulets et de porcs, nourrit ses porcs à Meilhan-sur-Garonne, le 3 octobre 2024 dans le Lot-et-Garonne (AFP/Thibaud MORITZ)

Jérôme Caze, 37 ans, marié et père de trois enfants, à la tête d’une exploitation maraîchère et d’élevage de poulets et de porcs dans le Lot-et-Garonne, raconte à l’AFP son quotidien de « petit agriculteur » depuis octobre. » dans un monde paysan en proie à des crises récurrentes.

Dans ce troisième épisode, cet opérateur implanté depuis six ans dans la vente directe, qui « mise tout sur la qualité », partage son regard, parfois teinté d’incompréhension, sur les consommateurs et leurs attentes.

– Priorité –

« Nous approchons de Noël, les ventes diminuent. Les gens économisent de l’argent pour le réveillon du Nouvel An, pour acheter de jolis cadeaux, des chocolats. Ils reviendront me voir en janvier, pour chercher du fenouil et des produits de qualité pour limiter les crises hépatiques.

Actuellement, le panier maximum sur le marché est de 30 euros, jamais un euro de plus.


L’agriculteur Jérôme Caze, exploite une ferme maraîchère, d’élevage de poulets et de porcs, à Meilhan-sur-Garonne, le 24 octobre 2024 dans le Lot-et-Garonne (AFP/Thibaud MORITZ)

Le client est plus exigeant en vente directe qu’en supermarché : par exemple, on vous demande de faire l’arrondi, ce qui n’est jamais demandé au caissier. Sur les cinq centimes que j’offre à tout le monde, en facturant 12 euros au lieu de 12,05 par exemple, c’est en fait un peu de mon salaire que je donne. Mais très peu m’en remercient.

Chacun a son budget et lorsqu’il y a des difficultés financières, les gens choisissent toujours la nourriture. Cette année, nous avons vendu trois fois moins de fraises, alors même que nous les faisions au même prix qu’en 2015. On sent qu’on se prive un peu… pour pouvoir acheter d’autres produits qui ont sérieusement +marge+, comme les téléphones.

Pendant le Covid, les fermes d’ici se sont regroupées et se sont transformées en Drives pour nourrir les gens mais dès la réouverture des supermarchés, tout le monde est revenu à Leclerc. C’était très clair, le monde n’a pas changé.

Il y a trente ans, la priorité était encore de bien manger. On s’est un peu perdu. Aujourd’hui, pour fêter l’anniversaire d’un petit, vous serez conviés au gâteau de 16 heures plutôt qu’à un grand festin, de midi à 18 heures, avec toute la famille et les amis.

– Twingo, Mercedes et tomates –

« La priorité désormais, ce sont les vacances avec Ryanair, le téléphone ou l’abonnement Netflix.

Je ne jette pas la pierre, tout le monde fait des choix, moi en premier, mais on peut prendre cela comme un manque de reconnaissance, dans le temps, de nos efforts et du soin que nous apportons à nos produits.


L’agriculteur Jérôme Caze, qui exploite une ferme maraîchère, d’élevage de poulets et de porcs, nourrit ses porcs à Meilhan-sur-Garonne, le 3 octobre 2024 dans le Lot-et-Garonne (AFP/Thibaud MORITZ)

La différence entre une Twingo et une Mercedes, les gens la comprennent et acceptent la différence de prix sur l’étiquette, mais jamais pour une tomate de qualité par rapport à une tomate standard…

En circuit court, on ne s’en sort guère si l’on privilégie le volume et si l’on entre dans le jeu de la concurrence par les prix.

Nous misons tout sur la qualité : nous partons du principe que pour vendre, nos clients doivent être bien informés et bien conseillés, y compris les vacanciers de passage.

L’objectif n’est pas de vendre pour vendre, mais de bâtir une réputation pour qu’elle revienne. Nous expliquons toujours que nos poules courent dehors plus de 90 jours, qu’elles sont nourries au maïs et bien traitées. Il en va de même pour les légumes que nous cultivons sans pesticides.»

– « Actionnaires » –

« Il y aura toujours des gens méfiants, qui s’arrêteront net s’il n’y a pas de mention bio et n’essaieront pas d’écouter nos explications sur nos méthodes, que nous considérons tout aussi saines… mais dans Ensemble, nous fidélisons la clientèle.


Poulets dans un champ de la ferme de l’agriculteur Jérôme Caze, à Meilhan-sur-Garonne, le 24 octobre 2024 dans le Lot-et-Garonne (AFP / Thibaud MORITZ)

Ils ne regardent jamais le prix et vous posent des questions : « Alors, les poussins sont arrivés ? Certains suggèrent même d’investir dans un laboratoire de transformation, presque comme le feraient des actionnaires (rires). Nous en avons une cinquantaine mais il nous en faudrait deux fois plus pour être payés.

Donc on cible aussi les entreprises, les cantines scolaires et pour trouver un robinet de régulation et éviter la surproduction, j’aimerais développer les ventes sur Internet.

Propos recueillis par Karine ALBERTAZZI et Thomas SAINT-CRICQ

 
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