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Braconnage dans la réserve faunique de Matane

L’arrivée de chasseurs mohawks dans la réserve faunique de Matane, venant d’aussi loin que la région de Montréal, inquiète les gardes-chasse et la Sépaq, qui déplorent la chasse à l’orignal en pleine nuit.

• Lisez également : Marché noir de la viande sauvage à Kahnawake

«Cela dure depuis au moins trois ans», affirme Martin Perreault, président du Syndicat des agents de protection de la faune du Québec.

Cette chasse nocturne est communément appelée chasse « spot » car elle se fait à l’aide de lampes produisant un faisceau lumineux puissant. Les yeux brillants des bêtes trahissent ainsi leur position et constituent une cible mortelle pour les chasseurs.

Cette méthode est formellement interdite dans la réglementation de chasse du Québec, mais certains autochtones ne reconnaissent pas ces règles (voir autre texte).

Craignant pour leur sécurité, plusieurs intervenants de la région se sont adressés à notre Bureau d’enquête sous couvert d’anonymat. Selon nos informations, le groupe Mohawk a tué une trentaine d’animaux cet automne. Cela représenterait une augmentation par rapport aux années précédentes.

Un groupe organisé

« Ils sont facilement reconnaissables avec leurs pick-up noirs aux vitres teintées. On ne voit rien à l’intérieur. Ils sont très bien équipés : quatre roues, treuils, projecteurs et tout le nécessaire », précise une source.

Ces chasseurs parlent anglais, s’identifient comme Mohawks, chassent uniquement la nuit et laissent derrière eux des traces indubitables : viscères d’orignal ou morceaux de carcasses abandonnés sur le bord des routes au petit matin.

Viscères d’orignal trouvés cet automne dans la réserve faunique de Matane.

Courtoisie

On voit aussi régulièrement des camionnettes ailleurs dans la région, les malles remplies de quartiers d’orignaux, y compris en plein hiver, lorsque la saison de chasse est terminée.

La région chevauche une partie du territoire ancestral de la Première Nation Wolastoqiyik Wahsipekuk (Malécite). La vice-chef Shirley Kennedy confirme que des braconniers correspondant aux descriptions de nos sources ont été aperçus cet automne.

« Le dénominateur commun est qu’ils chassent la nuit, assis dans la caisse du pick-up », décrit-elle, indiquant que cette façon de faire va à l’encontre du code de bonne pratique de sa nation, qui ne chasse que de jour.

Shirley Kennedy, vice-chef de la Première Nation Wolastoqiyik Wahsipekuk

Facebook

Personne n’intervient

Mmoi Kennedy ne peut pas confirmer qu’il s’agissait de chasseurs Mohawk. Elle a cependant signalé cette activité de braconnage aux autorités.

Pourtant, les scènes se répètent sans que personne n’intervienne. Interrogé par notre Bureau of Investigation, tout le monde se renvoie la balle.

Le porte-parole de la Sépaq, Simon Boivin, confirme que des « actes irréguliers » se produisent depuis « deux ou trois ans », mais indique que les employés de l’organisation ne peuvent transmettre l’information qu’aux agents de sécurité. faune.


Simon Boivin, responsible for media relations at the Société des establishments de plein air du Québec (Sépaq).

Photo prise depuis LINKEDIN

Le président du syndicat des agents affirme que ses membres ont les mains liées, puisque le ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs leur a donné instruction de ne pas intervenir.

« Les agents procèdent à une vérification et à une identification. Cela s’arrête là, dit-il. C’est au sommet de nous que cela se passe.»

Quant au ministère, il répond que « les agents de protection de la faune n’ont pas pour mot d’ordre de ne pas intervenir ». «À l’heure actuelle, aucun droit de chasse n’est établi pour les Mohawks de Kahnawake dans la réserve faunique de Matane», précise la porte-parole Ève Morin Desrosiers.

– Avec la collaboration de Patrick Campeau

Paradis des élans

La réserve faunique de Matane est considérée comme le paradis des chasseurs d’orignaux, car c’est là qu’on en retrouve le plus grand nombre au kilomètre carré au Québec.

Les chances d’en tuer un sont donc bien meilleures qu’ailleurs : en 2023, le taux de réussite des chasseurs y était de 85 %, comparativement à 56 % dans l’ensemble des réserves fauniques de la province, selon les données de la Sépaq. .

Les territoires de chasse sont attribués par tirage au sort. Chaque groupe de quatre à huit chasseurs doit débourser 10 650 $ pour y passer quatre jours.


Un orignal mâle observé dans la réserve faunique de Matane.

Photo d’archive, gracieuseté de la Sépaq

Chasse de nuit

La chasse nocturne est une pratique très critiquée car elle ne laisse aucune chance à l’animal. Il est interdit aux chasseurs sportifs, mais plusieurs nations autochtones affirment que cela reflète leurs méthodes de chasse ancestrales.

En 2006, un jugement de la Cour suprême de la Colombie-Britannique a été rendu en faveur de la Nation Tsartlip pour la chasse de subsistance.

Le juge a statué qu’à l’origine ces personnes chassaient avec des flèches et des torches et que « l’utilisation d’armes, de spots et de véhicules à moteur reflète l’évolution des pratiques historiques de chasse des Tsartlip ».

Ce jugement ne s’applique cependant pas automatiquement aux autres nations. Chacun doit pouvoir prouver au tribunal, comme les Tsartlip, que leurs ancêtres pratiquaient la chasse aux flambeaux.

Vendu noir en boucherie

Les orignaux chassés dans la réserve faunique de Matane sont vendus sous la table dans une boucherie illégale de Kahnawake, sur la Rive-Sud de Montréal.

Lundi, notre Bureau d’enquête a révélé l’existence d’une boucherie de viande sauvage à Kahnawake qui vend de l’orignal et du cerf, communément appelés venaison.


Viande de cerf achetée chez Wild Bush Cuts Kahnawake, emballée sous vide.

Photo MARTIN CHEVALIER

Le propriétaire de Wild Bush Cuts Kahnawake, Shane Stacey, nous a expliqué qu’il ne chasse pas lui-même le roi de la forêt à des fins commerciales, mais qu’il s’approvisionne auprès d’une communauté mi’kmaq de la région de Matane. .

« Connaissez-vous les gens de Listuguj, les Mi’kmaq ? Ils récoltent l’orignal parce que c’est leur droit, c’est leur territoire traditionnel, explique le boucher. Quand quelqu’un commande un orignal, il verse un dépôt pour les chasseurs du Nord. Ensuite, ils amènent la carcasse d’orignal ici et nous la découpons.

Territoire d’autres nations

Mais le porte-parole de Listuguj, Michael Isaac, rétorque : « Quand nous récoltons, c’est censé être pour nos familles. »

N’ayant jamais vendu ni cédé leur territoire, les peuples autochtones ont le droit de chasser à des fins de subsistance sur leur territoire traditionnel ou sur celui d’une autre nation sous certaines conditions.


Shane Stacey, propriétaire de la boucherie Wild Bush Cuts de Kahnawake, a publié cette photo de lui en train de chasser l’orignal sur Facebook. Il dit l’avoir abattu le 25 octobre à 17h45, mais ne précise pas le lieu.

M. Isaac explique que les chasseurs d’autres nations qui veulent chasser sur le territoire de Listuguj doivent obtenir la permission de sa communauté et être accompagnés sur le terrain, afin de s’assurer qu’ils ne tuent qu’un seul orignal par chasseur.

« Nous essayons de faire tout notre possible pour assurer la protection de la ressource », dit-il.

Quant à la Première Nation Wolastoqiyik Wahsipekuk, elle n’accorde à aucune autre nation le droit de chasser sur son territoire.

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