Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022, de nombreuses multinationales, dont les géants du tabac, ont annoncé leur retrait des marchés russe et biélorusse. Cependant, plusieurs d’entre elles continuent d’opérer dans ces pays, soulignant les enjeux éthiques et économiques liés à leur présence.
Retraits partiels et partenariats controversés
British American Tobacco (BAT) et Imperial Brands ont officiellement vendu leurs actifs en Russie, mais BAT se laisse la possibilité de racheter ses activités d’ici deux ans. A ce jour, cette option n’a pas été exercée. En revanche, Philip Morris International (PMI) et Japan Tobacco International (JTI), deux des plus grands acteurs du marché, ont choisi de maintenir leur présence.
PMI et JTI distribuent leurs produits en Russie à travers une joint-venture, Megapolis Distribution BV, en partenariat avec Igor Kesaev, un oligarque sanctionné par l’Union européenne et les États-Unis. Kesaev, lié à l’industrie d’armement russe, continue de générer des revenus importants grâce à ce partenariat, malgré les sanctions internationales.
En Biélorussie, des liens similaires existent avec Aliaksei Aleksin, proche du président Alexandre Loukachenko. Elle détient les droits exclusifs de distribution des produits de l’entreprise publique Neman, qui domine le marché local. Ce partenariat a coïncidé avec une augmentation record des exportations illégales de cigarettes vers l’Union européenne, transitant principalement par la Lituanie.[1].
Questions financières et éthiques
Initialement, PMI et JTI avaient annoncé leur intention de se retirer du marché russe suite à l’invasion de l’Ukraine. Mais ces deux géants du tabac ont finalement maintenu leur présence, invoquant les conséquences financières d’un départ. La Russie reste un marché lucratif pour le PMI, notamment grâce au succès des appareils à tabac chauffé. De son côté, JTI a justifié sa décision en soulignant que la Russie génère 20 % de ses bénéfices, soulignant l’impact que cela pourrait avoir sur ses investisseurs.
Ces choix économiques suscitent de plus en plus de critiques. Les autorités ukrainiennes et plusieurs ONG dénoncent le rôle du secteur du tabac dans le financement indirect de la guerre en Ukraine. Les taxes sur le tabac constituent une source importante de revenus pour l’État russe, qui l’utilise pour financer son effort de guerre.[2].
Une situation préoccupante en Biélorussie
En Biélorussie, le tabac reste un secteur stratégique pour le régime de Loukachenko. Bien que le pays ait ratifié la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac, les taux de tabagisme sont alarmants : 50,2 % chez les hommes et plus de 23 % chez les femmes. Ces chiffres soulignent le poids de l’industrie qui bloque toute politique efficace de lutte contre le tabac, notamment à travers l’implication d’acteurs économiques puissants comme Aleksine.
Une surveillance internationale accrue est nécessaire
La persistance des multinationales sur ces marchés illustre non seulement les limites des sanctions internationales et des cadres juridiques en place, mais aussi le grand décalage entre les paroles des industriels et leurs actes. S’ils affichent publiquement leur attachement à des pratiques responsables, leurs décisions témoignent d’une priorité accordée au profit, souvent au détriment des principes éthiques annoncés.
Pour mettre fin à ces pratiques, il est impératif de renforcer les réglementations internationales sur le commerce du tabac et d’accroître la transparence des partenariats afin de dissuader ces pratiques et d’assurer une cohérence dans la lutte contre les régimes responsables de graves violations des droits humains.
©Génération sans tabac
RK
[1] https://www.generationsanstabac.org/fr/actualites/bielorussie-le-tabac-et-lalcool-toujours-controles-par-letat/ (consulté le 13/12/2024)
[2] https://en.belsat.eu/83959046/joint-company-with-an-oligarch-how-wellknown-tobacco-companies-didnt-pull-out-of-russia-and-belarus (consulté le 13/12/2024 )
Comité national contre le tabagisme |
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